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2010-2011

A prendre notre temps... Apprendre notre temps...

 

par Christophe Chartreux

 

Samedi 9 juillet 2011 : Mes élèves, ma réussite...

Le mois de juin voit revenir les marronniers des examens et des remises en question. Pour moi, il voit surtout partir des élèves que je ne reverrai que très rarement ou jamais. Les troisièmes nous quittent. Ainsi va la vie d'un collège, mais c'est le propre de tous les établissements scolaires. Nous apprenons à les connaître, quatre ans... Et ils s'en vont quand, enfin, nous nous connaissions bien...

Je me souviens de toutes et tous, longtemps après... De celles et ceux que le hasard nous a confiés pendant quatre fois trois trimestres. De celles et ceux que nous n'avons approchés qu'une année.. Ils sont ma réussite. Même si, à mon grand regret, beaucoup trop encore ont souffert et souffriront de leurs échecs accumulés. Oh oui, ils ont souffert dans ce système fait pour ceux qui réussissent beaucoup plus que pour les "derniers de la classe"... Vivrai-je assez longtemps pour voir des élèves non pas strictement égaux, ce qui serait un cauchemar, mais ayant tous strictement les mêmes moyens de réussir, les mêmes outils pour réussir, les mêmes facilités à l'intérieur de l'Ecole ? Une école non pas égalitariste, mais une école dans laquelle l'enseignant-pédagogue portera un regard identique, une attention égale à Pierre ou Jeanne qui peinent à comprendre qu'à Louise ou Abdel qui réussissent si bien. Pour les mener, TOUS, vers leur idéal choisi et non vers des "parkings imposés"...

Mes élèves sont ma réussite malgré tout, malgré cette machine qui ne fonctionne pas comme on le voudrait. Alors on se raccroche aux sourires, aux interrogations, aux projets, à celles et ceux qui vont entrer en sixième et vont nous accompagner pendant quatre fois trois trimestres... Et c'est reparti ! Bonnes vacances !

 


Dimanche 27 juin : Comment on véhicule une idée fausse...

Il suffit de donner la parole à deux célébrités pontifiantes (Luc Ferry et Jacques Julliard, ce dernier mieux inspiré en d'autres temps) sur une chaîne de télévision (LCI tous les samedis matins). L'un d'entre eux affirme : "Pour avoir le bac il faut faire acte d'absence! 80 à 95% des candidats ont le Bac aujourd'hui!"... Et son interlocuteur opine du chef en disant : "Voilà !"

C'est vrai! Ces chiffres sont parfaitement exacts. Mais...

Ils ont pour unique objet, lancés ainsi à la volée, sans recul, sans analyse plus affinée, de transmettre d'autres messages : le bac ne vaut rien ; le niveau baisse ; tous les jeunes français passent le bac, etc.

Il existe d'autres manières d'aborder le sujet, beaucoup plus rarement entendues celles-là... Il faut donc inlassablement répéter que non, 80% d’une génération n’obtient pas le baccalauréat puisque depuis quinze ans ce taux reste bloqué en dessous des 65%. Répéter encore et toujours que parmi les enfants d’ouvriers nés entre 1981 et 1985, seuls 50% ont obtenu leur baccalauréat et seuls 35% un baccalauréat général ou technologique. La massification scolaire est loin d’être achevée, et non, « on ne donne pas le baccalauréat à tout le monde » monsieur Ferry !

Mais pour vous pardonner, un peu, force est de reconnaître que la télévision, les journalistes de télévision, les chroniqueurs de télévision (nouveaux dieux de l'information/désinformation) ne font que répéter ce que la presse écrite affirme sans nuances chaque année, à l'époque du Baccalauréat, marronnier salvateur dans une actualité entamant son long sommeil estival. La presse écrite "grand public", celle des gros titres en caractères gras, des photographies raccoleuses, fabrique depuis longtemps l'opinion. Car l'opinion se fabrique, les tyrans grecs l'avaient compris il y a quelques siècles. Et elle fabrique aussi celle des "philosophes mirobolants, des intellectuels du spectacle et des clercs médiatiques", comme le dit joliment Jean-Claude Guillebaud dans sa chronique hebdomadaire du Nouvel Observateur de cette semaine. C'est page 40. Une belle page...

Oui Monsieur Ferry, à votre corps défendant, vous véhiculez des propos mille fois tenus. A votre charge en revanche, vous en connaissez la fausseté insidieuse quand vous vous limitez à ces affirmations-là et donc, par ces erreurs décidées, vous devenez idéologue au profit de quelques-uns, aidé par la presse écrite. Concurrencée par la vitesse d'Internet et des Twitts, celle-ci ne prend plus le temps du recul ni de la réflexion, à quelques rares exceptions cachées en pages intérieures.

C'est ce qui se passe et va se passer dans la campagne électorale présidentielle désormais lancée. Les journaux de Libération au Figaro (parfois ces deux-là affirment exactement les mêmes choses ! Autre débat...) ont choisi leurs candidats favoris, au mépris de ceux qui n'ont aucune chance. Eliminés d'avance ceux-là ! Et quand un des favoris s'écrase le nez à la fenêtre d'une chambre d'hôtel, qu'à cela ne tienne. On invente un duel par-ci, un autre par-là. On n'examine jamais le fond. On vend du papier au kilomètre, on efface les idées par habitude et on ment par omission ou par interêt.

Monsieur Ferry, vous pouvez continuer de dire des âneries. Personne ne viendra vous corriger. Vous êtes si utile à ceux qui désinforment...

 


Dimanche 20 juin : un appel pour un projet...

Chers amis,

Une fois n'est pas coutûme - et j'espère que ce message ne sera pas considéré comme trop inopportun - je viens solliciter votre aide, presque personnelle. Le collège dans lequel j'enseigne et tous les collègues cherchons des soutiens de tous ordres pour un échange organisé avec des élèves d'un village Inuit. Ce qui est déja original. (Il faut dire que mon établissement porte le nom de Jean Malaurie!). Vous pouvez donc aller sur ce site : http://www.reworld.com/projet-inuit# ... et simplement cliquer sur l'icône "aider ce projet". Cela ne vous coûtera rien et reste totalement anonyme

Pour info, les enfants Inuit seront dans mon collège en septembre puis ce sera le tour des collégiens concernés par le projet qui se rendront dans le très grand nord canadien. Un petit clic et ce serait déja formidable ! Merci !

PS : AVANT LE 23 JUIN !... DONC A VOS CLICS !


Dimanche 12 juin : Heureusement, Caroline Fourest...

Alain Finkielkraut - oui, encore ! - le 11 juin, dans l'émission que lui a confié France Culture et intitulée Répliques, a cru intelligent d'inviter Richard Millet, auteur d'un livre dont le titre ne m'échappe pas mais pour lequel je refuse de faire le moindre début de commencement de publicité. Vous comprendrez mieux pourquoi en suivant ces liens :

D'abord ici: http://blogs.mediapart.fr/blog/yvan-najiels/110611/chez-alain-finkielkraut-une-certaine-idee-du-rance
Puis le pire là: http://blogs.mediapart.fr/blog/sylvain-bourmeau/090408/il-faut-lire-richard-millet

Quelle désolation de constater que des hommes de grande culture, qui ne cessent d'affirmer qu'ils tremblent de peur devant la désagrégation de la France dont les coupables seraient pêle-mêle les immigrés (de toutes générations) et les pédagogues, Philippe Meirieu en tête, versent dans ce qu'il convient d'appeler du "racisme de bistrot" à peine déguisé en conversation de salon. Un salon sans philosophie aucune mais où l'on entend les uns et les autres cracher calmement, en toute impunité, leur haine de l'autre sous seul inexcusable prétexte qu'il est étranger où que son adresse stipule qu'il habite dans une de ces banieues responsables, entre autres, de l'assassinat de la langue française. Claude Guéant, Ministre de l'Intérieur affirmant récemment que si les résultats scolaires de nos élèves sont médiocres c'est de la faute des enfants immigrés, a trouvé en Alain Finkielkraut et Richard Millet de bien dévoués zélateurs.

Contredire chaque phrase, chaque mot, chaque virgule du duo Finkielkraut-Millet serait aisé. Trop aisé pour perdre un temps précieux. Et cela a été très souvent fait, avec plus de brio que celui dont je me sens capable. En revanche il me semble nécessaire, presque vital, de souligner la dangerosité, non seulement des propos tenus, mais la dangerosité nouvelle de l'écho que de tels propos rencontrent puisqu'on leur ouvre des tribunes aussi brillantes que France Culture ou Gallimard (qui publie Millet!). La France des plateaux de télévision et des ondes, la France d'Internet permet ce qu'il y a encore quelques petites années tombaient sous le coup des lois. Ces lois existent toujours mais elles sont submergées par des torrents de boue, par des tsunamis verbeux, par une "parole libérée", par les représentants d'une France qui penseraient tout bas ce qu'enfin l'on ôse affirmer tout haut. Les chiens sont lachés...

Heureusement, il reste les courageux. Ceux que la "nouvelle droite" a baptisé les "donneurs de leçons". Parmi ces courageux, j'entendais Caroline Fourest hier, dans l'émission d'Ardisson. Caroline Fourest, journaliste au Monde mais pas seulement, était assise à coté de Maitre Collard récent "mariniste" comme il se définit lui-même. Le "marinisme" permet d'adhérer aux idées du Front national sans se salir ni les mains ni la conscience. A peine Caroline Fourest, pour moi l'une des analystes les plus remarquables de la vie politique en France, eut-elle ouvert la bouche que Maître Collard tenta, sans y parvenir, de la ridiculiser par des propos ridiculement bas et insultants. Ce qui eut pour seul effet de rendre plus pertinente encore la démonstration de Caroline Fourest. Quant à maitre Collard, il se tassa dans son fauteuil pour y garder le silence qu'il n'aurait jamais du quitter en cette occurrence au moins.

Cet épisode, vu par des millions de téléspectateurs, cette émission écoutée par des milliers d'auditeurs, sont hélas signifcatifs. D'un pays ouvert aux vents mauvais, aux relents nauséabonds... Merci donc aux "Caroline Fourest", fiers de leur choix, personnels et publics, capables de porter une autre parole qui, si l'on n'y prend pas garde, ne sera bientôt que le souvenir d'un pays non pas donneur de "leçons de morale",  mais diffuseur d'une lumière. Eteinte, nous  perdrons la route en nous plongeant dans des obscurantismes dangereux, des intégrismes assassins, des erreurs funestes... Oui vraiment, encore merci Caroline Fourest !


Dimanche 5 juin 2012 : Redevenons vivants ! (L'avez-vous remarqué ?)

Jamais le monde n'a été plus soumis qu'aujourd'hui aux bombardements quotidiens de l'information. Il est impossible, à moins d'être perdu sur l'île la plus déserte de la planête (en existe-t-il encore beaucoup ?), d'échapper au bruit continu des "nouvelles".

On les entend, on les suit parfois, on les écoute par bribes, par épisodes. Et puis un épisode chasse l'autre, très rapidement. Même les événements les plus remarquables cèdent face à la puissance du nombre. Car non seulement il faut aller vite mais il faut remplir l'espace d'informations toujours plus neuves, plus surprenantes. Au risque de perdre le fil, de privilégier le superflu, d'annoncer n'importe quoi, de ne plus être en phase avec le monde tel qu'il va. heureusement les magazines, hebdomadaires et mensuels, nous offrent ce qui est devenu un luxe: le recul, la réflexion, l'analyse, le temps pris pour être observé... Mais au quotidien c'est bien l'immédiateté qui triomphe avec son cortège de scoop, de buzz, de twitt, de défilants au bas des écrans de télévision, de dernières minutes, de flash.

Et le citoyen lambda dans tout ça ? Il fait le dos rond, s'exprime peu. Ce ne sont pas les commentaires des sites Internet qui remplacent le débat vrai de la "vie vivante". Mais on ne débat plus, on ne se parle plus, on ne se répond plus. Chacun est devenu le commentateur de sa propre vie, dans une béatification narcissique consistant à tomber en extase parce qu'on a été publié pendant quelques minutes, parfois quelques secondes sur tel ou tel site. Certains poussent même l'absurde jusqu' à parler d'eux-mêmes sur des sites de rencontre ou d' "échanges" qui remplacent la terrasse de café où je prends bien plus plaisir à m'asseoir encore, à regarder les silhouettes des femmes et à partager un café avec l'une d'entre elles... Incroyable retournement des choses. Bientôt il sera très "tendance" de prendre le temps de ne rien faire d'autre qu'enteprendre une conversation au soleil de juin quand se répandre sur des sites improbables sera devenu d'une ringardise sans nom! Ca l'est déja d'ailleurs et heureusement!

Si je puis me permettre un conseil, je donnerais celui-là: éteignez tout, sortez, fuyez ceux qui ne parlent que d'eux, se vendent en oubliant le monde, en oubliant même leur interlocuteur qui n'existe plus puisqu'eux seuls valent la peine qu'on s'attarde.

Désaccélérez, regardez les autres, méfiez-vous des "narcisse" et redevenez vivants!...

Christophe Chartreux (Pourtant très "geek" mais conscient de l'être...)


Dimanche 22 mai : De l'indécence

Il fut un temps où parler de l'affaire Dreyfus transformait, dessin célèbre, un repas familial en pugilat général. Des amis de trente ans ont cessé de se voir du jour au lendemain selon qu'ils étaient "dreyfusards" ou pas.

L'affaire DSK, que je ne commenterai pas ici car je m'interdis de nourrir le torrent de commentaires "pro" et "anti" qui nous noie et interdit, de ce fait, toute lucidité, me rappelle cette célébrissime autre affaire. On se fâche dans les salles des professeurs sur ce sujet. Mais il existe une différence notoire. A cette époque, l'image était rare, remplacée par le dessin de presse ou les tout-débuts de la photographie.

La semaine qui vient de s'écouler, et qui à mon avis n'a pas fini d'avoir des conséquences politiques dont certaines ne sont même pas imaginables, fut celle de l'image-reine. Avec, concernant l'ex Directeur du FMI, une terrifiante collision à quelques semaines à peine d'intervalle.

Souvenez-vous, c'était sur CANAL +. L'équipe de communicants - quelle horreur ! - n'avait rien trouvé de mieux à faire que de vendre, oui de VENDRE un homme, un être humain, comme un paquet de lessive dans un interminable documentaire vantant les mérites incontestables du futur potentiel candidat à la présidence de la République. L'homme y était présenté comme sans le moindre défaut, infatigable travailleur, soucieux de sa personne, volant au secours des pays en difficultés. Le téléspectateur était fortement invité à partager des moments d'intimité familiale, moments de bonheur certain. Dans ce cas-là d'ailleurs, point de voyeurisme nous dit-on. J'ai toujours  pensé pourtant que l'exposition publique de l'intime, à quelque fin que ce soit, n'était rien d'autre que la forme policée de la pornographie.

Puis ce fut ce funeste dimanche où le monde apprit que... Vous connaissez la suite. Nous vîmes alors, en boucle, d'autres images qui vinrent percuter de plein fouet celles qui précedemment nous furent elles aussi imposées. Un géant à terre, groggy, à la veste tombante, menotté, encadré par deux policiers, comme c'est la règle aux Etats-Unis (1). Puis celles d'un homme face à la justice envoyé en prison comme un citoyen lambda que des communicants un jour ont transformé en mythe. D'où certainement la lourdeur de la chûte. La Roche tarpeienne n'est jamais loin du Capitole... Mais savent-ils seulement, ces "communicants", de quoi il s'agit ?

Beaucoup, selon le camp que l'on choisit, ont vu dans ces dernières images, ici un lynchage médiatique, là la simple exécution de la justice américaine. Je ne choisirai pas. Car dans les deux cas, que l'on impose la personnification d' un mythe idéalisé, forcément idéalisé, ou qu'on impôse celle de la déchéance, c'est toujours la même chose que l'on montre avec une délectation excessive : l'INDECENCE et l'indécent reflet de notre voyeurisme!

(1) Je recommande pour étendre le débat la lecture de cette excellente réflexion, non polémique, parue dans le journal Le Monde.

http://www.profencampagne.com/article-l-affaire-strauss-kahn-le-on-de-democratie-74350920.htm
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Dimanche 15 mai 2011 : "On a le droit de mettre 20 sur 20 ?"

Voici, plutôt qu'une réflexion, un témoignage personnel (et donc sans valeur générale). Très récemment, c'était mercredi matin, je faisais partie d'un jury chargé d'évaluer les oraux d'Histoire de l'Art en 3ème. Ce jury est composé de deux professeurs enseignant des matières différentes. L'oral dure 10 minutes et il est complêté par un échange entre l'élève et les professeurs.

Ma collègue de jury était une professeure de mathématiques avec 6 ou 7 ans d'expérience. Les oraux donc se déroulent et arrive une élève qui présente son travail. Nous l'écoutons. A la fin de son exposé, absolument remarquable à mes yeux comme à ceux de ma collègue, je dis à l'élève : "Félicitations! Nous avons appris beaucoup de choses et tant le fond que la forme de ton exposé, ainsi que les supports proposés, étaient remarquables". Nous lui posons néanmoins deux ou trois questions, auxquelles elle répond avec facilité et pertinence. Dans une syntaxe mieux maîtrisée que certains de nos "grands" hommes...

L'élève sort évidemment très heureuse. Je me tourne vers ma collègue et après avoir rempli, par des chiffres, les différents critères d'évaluation, nous arrivons à 20/20. C'est alors que ma charmante collègue me demande : "Mais on a LE DROIT de mettre 20 à un travail ?" Ce à quoi j'ai répondu du tac-au-tac (et très aimablement car j'apprécie beaucoup cette enseignante) : "Me poserais-tu la question si tout à l'heure, pour un autre élève, nous devions mettre 0/20?" Ele a souri et le 20/20 a bien été donné. Ceci pour dire à quel point nous en sommes arrivés. Une angoisse devant le 20/20 ! En revanche aucune interrogation face au 0...

Personnellement je suis toujours très inquiet lorsque je mets 0/20 à un élève. Jamais quand je mets un 20...


Samedi 7 mai 2011 : Lettre à Hélène

Ma chère Hélène,

Je t'écris du haut des souvenirs empilés patiemment, aux vents bons et mauvais, aux feuilles vertes, aux feuilles blondes, aux étés trop longs quand ils s'éternisent dans la moiteur des soirées du sud...

Je t'écris mes inquiétudes, mes peurs. Je vais t'alourdir sans doute, toi la jeune enseignante si enthousiaste qu'elle me donne des forces insoupçonnées... Notre métier n'en est pas un... Il ne l'a jamais été... Un métier qui s'apprend ?... Oui sans doute... Mais d'abord, surtout, uniquement un don... De soi... En attendant de partager la monnaie du sacrifice... Nos élèves savent rendre... Quel sacrifice ?... Ah... Le Mystère-majuscule de la transformation... On entre en classe convaincu, fort... On en sort plus fort encore... Ou abattu... Transformé toujours !... Et eux, les têtes brunes et blondes ?... Qui sait vraiment ce qu'ils sont devenus ?... Ni meilleurs, ni pires... Autres...

Et tout cela disparait. Ce que les harceleurs de nos technocraties contemporaines préparent est une école de consommateurs, un supermarché anonyme ouvert à tous les vents mauvais, aux feuilles mortes, aux caméras de surveillance... Plus de mystère!... Des prestations de services... Et encore!... Nous ne servirons plus... Nous servirons à... Nuance de taille... Ma chère Hélène, il faudra te battre, vous battre pour dire vos inquiétudes et vos peurs, dire non, dire vos courages aussi... L'Ecole va vite... Air du temps... Il faut aller au plus vite à l'essentiel. Pas de place pour le superflu, l'inutile, le silence -ah le silence!- la respiration, la pause, la réflexion, les doutes, l'amour, qui sait... Tout est si certain aujourd'hui... Et nous ferons de nos élèves des créatures qui courront après leurs ombres... Car ils auront perdu peu à peu jusqu'à la connaissance d'eux-mêmes...

Ma chère Hélène, il faudra un jour imposer nos découvertes, prendre le temps à plein regard pour distinguer dans les yeux des enfants la larme du sourire et savoir ce jour-là qu'apprendre est un miracle en permanence insatisfait...

L'éternité devant nous...

Je t'embrasse...

Christophe


Vendredi 29 avril : Car, lundi, qu'allons-nous dire à nos élèves ?

Les vacances, privilège quoi qu'en pensent certains collègues - si, chers collègues, c'est un privilège ! - s'achèvent. Je suis heureux de retrouver mes élèves...

Ici en Béarn, avant mon retour vers la Normandie, j'ai mesuré les inquiétudes qui s'accumulent. Les gens, ceux qu'on n'écoute jamais et auxquels on donne la parole lors des échéances électorales persuadés que cela suffit, quel que soit leur niveau de vie, quel que soit leur âge, ne comprennent strictement rien à la politique d'un gouvernement ni aux coups de menton d'un Président de la République aveuglé de certitudes, hanté depuis quelques semaines par les doutes, des doutes qui ne font qu'obscurcir encore la vision de l'avenir qu'il devrait indiquer aux français. Ce qu'avait su faire, mais la comparaison est audacieuse, voire impossible, François Mitterrand, qui certes n'a pas "changé la vie" autant qu'il l'aurait voulu mais offrait des perspectives, crise mondiale ou pas.

Aujourd'hui, dans un monde qui a évidemment changé et continue de changer à toute vitesse, je m'interroge. Lorsque je vois nos forces de l'ordre, qui obéissent aux ordres des élus, expulser des dizaines de familles, lorsque j'entends notre chef d'Etat parler à sa manière si "originale" de culture, lorsque la laïcité est mise à toutes les sauces politiciennes, lorsque l'identité devient "nationale", lorsque la droite républicaine emprunte les idées de la droite extrême, lorsque la presse écrite et télévisée est contrôlée de manière très subtile par des forces politiques et/ou financières très liées au pouvoir, lorsque nous assistons impuissants à la remise en cause des accords de Schengen, lorsqu'une élue de la République se permet de dire parlant des réfugiés tunisiens "Mais qu'on le remette dans les bateaux!", lorsque les fonctionnaires, mêmes imparfaits, voient leurs emplois en diminution constante au nom l'économie mais au risque d'un délitement du lien social, oui, vraiment, je m'interroge...

Car lundi qu'allons-nous dire à nos élèves ? Pourrons-nous leur dire toujours que l'Union Européenne est une chance même si elle reste à construire encore et toujours, que la laïcité est un devoir constitutionnel, que la Fraternité fait partie de notre devise, que la liberté d'expression est une valeur fondamentale, que la culture (toutes les cultures) est un trésor et que le nier c'est essayer l'ignorance, que le racisme et l'antisémitisme sont des délits, des horreurs, que la fonction publique est perfectible mais qu'elle relie les hommes ?

Je le leur dirai en tout cas toujours, même si j'ai peur parfois de voir mes certitudes détruites par l'abandon suicidaire de ce que nous leur présentons avec conviction comme des VALEURS INCONTOURNABLES !


Vendredi 15 avril : Voilà ce monde pour lequel je cesse de vivre...

Avec le "temps long" dans lequel je suis, par opposition au "temps court" qui ne permet ni recul ni réflexion ni analyse mais laisse le terrain libre aux petites phrases, extraits de textes, "buzz" divers, ironie permanente telle celle de nos "nouveaux chroniqueurs" qui parlent de tout sauf de politique - la palme revenant à Ruquier dont l'émission se targue pourtant de traiter de politique- et qui renvoyant en permanence aux politiques l'image de femmes et d'hommes dont il est de "bon" ton de se moquer et de railler les moindres faits et gestes -Le Petit Journal est devenu d'un populisme poujadiste à vomir, d'autant plus qu'il met très rarement en difficultés la famille Le Pen... Observez bien- avec le temps long disais-je, je refuse un monde dans lequel, comme le note Isabelle Sorrente (Addiction générale chez JC Lattès... Lisez-le!...) "l'humain ne dépend plus d'une activité pour vivre, mais d'un résultat".

Dans ce monde en autodestruction permanente - c'est à se demander comment il tient encore debout- il reste l'énergie offerte par ceux-là même qui violent la "terre-patrie" (Edgar Morin). Oui il faut utiliser toutes les énergies, y compris celles de nos adversaires, pour transformer le présent en d'autres possibles. Et si l'on vient me dire que l'utopie est par nature impossible, je réponds qu'au contraire l'improbable est toujours possible. Encore faut-il aller le chercher... Nous sommes tous devenus addictifs à la consommation, nouvelle déesse païenne. De cette addiction autodestructive, nous pouvons et devons faire une force appuyée sur le dialogue et le sens retrouvé du collectif. Du "je" triomphant de ces dix dernières années, il faut passer au "nous"... Il faut tuer l' "individualisme de masse" dont parle ici Paul Virilio :

"La régression nous a mené à l’individualisme de masse. C’est-à-dire que nous sommes une société de consommation de masse, nous achetons tous les mêmes produits, communions aux mêmes événements, vivons en plein collectivisme et en même temps nous valorisons farouchement notre individualisme. « Moi, moi, moi, c’est à moi ! » dit le baby. Dans l’individualisme de masse, un gouvernement bien équipé technologiquement, peut contrôler tête par tête, vérifier la traçabilité au travers des systèmes de scanneurs, de codage, de fichage, etc. La traçabilité permet de contrôler les masses tête par tête, point par point, pixel par pixel. Alors que les sociétés anciennes géraient des grands groupes, elles n’arrivaient pas à contrôler tête par tête, il y avait encore des échappées, des révoltés, de l’underground, des dissidents. Aujourd’hui, les technologies de la synchronisation favorisent un contrôle instantané et permanent. Nous sommes au-delà d’Orwell."

http://fredericjoignot.blog.lemonde.fr/2009/05/24/la-revue-ravages-est-de-retour/

Voilà pour quel monde je cesse de vivre. Je veux renaître dans cette phrase, toujours de Sorrente:

 "Un monde plus humain est un monde plus vaste. (...) Il suffit de se mettre à la place de l'autre qui passe, là-bas..."


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Dimanche 10 avril : le temps a disparu...

Les projets en vue de la présidentielle 2012 sont des textes politiques qui ne peuvent pas engager l'avenir à long terme. Quinquennat. Crainte de choquer son électorat "naturel"... De perdre les voix-clefs du pouvoir...
Pourtant, il existe des femmes et des hommes, je suis de ceux-là, qui souhaitent un changement de cap. Appelons cela comme on veut : démondialisation, décroissance... Ces mots terrorisent les politiques qui y lisent des retours en arrière alors qu'il ne s'agit que de construire un autre monde autrement. Un monde qui passe du temps court au temps long. C'est à dire faire la même chose moins vite, au plus près des humains de notre Terre-Patrie comme l'a si joliment appelé Edgar morin.

Nos politiques lèveront peut-être alors le nez du guidon pour regarder la planète autrement. Pour l'instant la plupart en est incapable.Il y a pourtant urgence :
- urgence de lever le regard vers un "dessein",
- urgence d'une volonté d'anticiper les mutations (non, l'Histoire ne détermine pas toujours les idées ; les idées peuvent anticiper l'Histoire et l'influer... souvenir d'un débat très récent avec quelques amis)
- urgence de résister aux prétendus déterminismes.

Dans son dernier livre, La Voie (Fayard, Paris 2011) Morin pase en revue les "voies réformatrices" :
- De la justice en panne à la pauvreté en hausse...
- De la corruption endémique à l'Education fourvoyée (attention ses propositions en la matière sont radicales mais ô combien enthousiasmantes !)...
- Des médecines traditionnelles réinventées aux défis des nouvelles technologies...

Et par dessus tout cela, Morin aborde une question qui ne fera pas l'objet de beaucoup de débats d'ici à mai 2012 : celle du temps ! Comme l'a trés justement rapelé Jean-Claude Guillebaud dans sa chronique du Nouvel Observateur (page 47), cette semaine,"la temporalité humaine est en crise". L'hégémonie dictatoriale est celle du court-terme, de l'effacement de l'avenir comme "promesse", du repli sur l'immédiateté, de l'aspiration infantile au "tout-tout-de-suite". Les technologies s'adaptent aux nanosecondes (1 milliardième de seconde !), le scoop se substitue à l'information, les sondages quotidiens sont notre seul horizon. De l'économie à la finance, du travail à la cohésion sociale jusqu'à la vie culturelle, l'hégémonie du "présentisme" prive le débat de perspective.


Pourtant le temps a disparu ! Et c'est peut-être la plus extraordinaire, mais la plus tragique, invention (ou disparition) de ces dix dernières années. Le temps ayant disparu, il n'est plus offert comme un projet mais comme une dictature. Chaque jour, nous DEVONS gagner du temps, c'est à dire... en PERDRE !... L'urgence imposée prend le pas sur l'essentiel. Les nouvelles technologies nous obligent à de si brèves temporalités qu'elles sont hors de portée de nos capacités cognitives. Les déréglements des temporalités politiques, économiques, diplomatiques, culturelles deviennent les figures de la bêtise, nous dit encore Guillebaud...


Cessons donc de "gagner du temps"... Prenons-le !... C'est cette bêtise qu'Edgar Morin nous invite à récuser pour retrouver une "voie". Et tout cela va bien au-delà des projets politiques. Peut-être trop au-delà justement !


Dimanche 3 avril : une jeunesse "de gauche" ? Cela reste à voir...

François Hollande a annoncé, en même temps que sa candidature à la primaire PS, que son cheval de bataille serait la jeunesse. Ségolène Royal a toujours affirmé avec force que la jeunesse n'était pas un problême mais une solution. Le Parti Socialiste organisait une convention sur le thème de la jeunesse ce week-end. Martine Aubry, dans un élan d'une audace dont chacun appréciera l'opportunisme a cité Kool Shen (du groupe NTM). Mais aussi Badinter... Les médias n'ont évidemment retenu que le premier.

La jeunesse voterait à gauche, serait un terreau privilégié de et pour la gauche. Si rien n'empêche la gauche, comme la droite, de "draguer" cet électorat, il convient néanmoins de mettre cette catégorie à sa vraie place sur l'échiquier politique. Il conviendrait aussi de définir avec précision les mots "jeunes", "jeunesse" et ce qu'ils contiennent. La tâche est ardue, voire impossible... (1)

Il convient d'abord de rappeler qu'en 2002, Jean-Marie Le Pen a recueilli 20% des voix chez les 18-24 ans, Lionel Jospin en obtenant 12% et Noel Mamère 11% dans cette même tranche d'âge. L'idée post soixante-huitarde qui ancre dans les esprits l'image d'une jeunesse toujours révoltée et donc de gauche, est révolue. Car la jeunesse des années 2000 est celle qui, avant de vivre d'insouciance, souhaite avec angoisse s'insérer dans une société qu'elle ne combat absolument pas. Hélas, force est de constater aussi que la gauche se contente d'accompagner la mondialisation libérale, d'en gérer les effets néfastes mais sans jamais proposer de projet alternatif. Seule l'alternance politique - ce qui n'a rien à voir avec l' alternative - semble être l'objet principal de son ambition.

Pour autant, la jeunesse est-elle de droite ? Non plus. D'ailleurs le vieux clivage "droite-gauche", qui a dessiné le paysage politique pendant des décennies, n'est pas de mise chez les 18-35 ans. 48% d'entre eux le considèrent comme totalement obsolète.

Ce que l'on appelle - faussement et par facilité - le "vote jeune" est très segmenté.

Au premier tour de la dernière présidentielle, une enquête IPSOS nous apprend que:

- 29% des 18-24 ans ont voté pour Ségolène Royal

- 26% pour Nicolas Sarkozy

- 19% pour François Bayrou.

Des pourcentages proches de l'ensemble de l'électorat français.

C'est l'abstention qui doit, en revanche, attirer davantage notre attention. En 2007, 22% des 18-24 ans n'ont pas jugé necessaire de se déplacer aux urnes (contre 15,4% pour l'ensemble des Français). Les récentes élections cantonales, certes traditionnellement boudées, n'ont fait que confirmer ce désintérêt citoyen qui doit absolument interpeller davantage nos candidats à la future échéance présidentielle. Je crains hélas qu'il s'agisse d'un voeu pieux, le résultat étant considéré comme beaucoup plus essentiel que la manière de l'obtenir.

Un autre chiffre doit être ajouté pour mieux comprende cette jeunesse, aujourd'hui objet de tant d'attention. Une étude réalisée par SCP Communication pour l'Observatoire de la Fondation de France révèle que 84% des 15-35 ans font "peu" ou "pas du tout" confiance aux hommes politiques.

Enfin, sur un plan purement électoral, cette tranche d'âge ne pèse quasiment rien. Les jeunes s'abstiennent beaucoup et sont démographiquement très minoritaires.

Pourquoi alors cet "appétit" de tous les partis politiques pour une catégorie d'âge qui ne leur rapportera pas forcément beaucoup de voix?

Peut-être, en enfourchant le destrier fougueux de la jeunesse, nos candidats politiques espèrent-ils envoyer une image d'avenir, d'optimisme, de folie douce, de rêve, tous les clichés attachés à une jeunesse qui pourtant, dans la réalité, n'en est plus affublée. Un peu comme si, notait récemment Gael Sliman, directeur de BVA dans L'Express, on voulait copier L'Oréal qui présente des mannequins très jeunes pour vendre des crèmes anti-rides à un tout autre coeur de cible, BEAUCOUP plus porteurs électoralement parlant : les seniors

(1) A lire sur le sujet, ce livre de François Begaudeau et Joy Sorman, Parce que ça nous plait - L'invention de la jeunesse, Larousse Paris 2010


Samedi 26 mars 2011 : Oser...

Michel Serres qu'il est inutile de présenter nous offrait sa vision de l'Education dans Le Monde daté du 7 mars. ( http://www.institut-de-france.fr/education/serres.pdf )

A 81 ans, Michel Serres nous parle d'un monde en métamorphose pour lequel il est urgent et nécessaire d'inventer d' "inimaginables nouveautés". Plus loin, à propos des pédagogies du XXIème siècle, le "vieux jeune homme" conseille d'en expérimenter en même temps qu'apparaîssent les nouvelles technologies.

Depuis fort longtemps déja, des Philippe Meirieu ou Edgar Morin, chacun à leur manière, ne disent pas autre chose. Pourtant, malgré ces avis éclairés, malgré des expériences innovantes aux réussites incontestables, malgré des travaux, des séminaires, des colloques, des conférences nationales et internationales, malgré les résultats d'enquêtes (dont PISA mais pas seulement), malgré les recommandations d'experts reconnus comme de praticiens anonymes, l'Ecole évolue peu, se contente ici d'ordinateurs, là de tableaux blancs interactifs mais refuse de bouleverser ses habitudes. Ce manque d'audace va de pair avec un manque de courage politique, gauche et droite réunies. Il ne faut surtout pas heurter son électorat. Et en matière scolaire, je l'ai découvert depuis peu en fait, le conservatisme n'est ni de droite ni de gauche. Il est consubstanciel souvent et profondément aux mouvements syndicaux et à une part très importante des enseignants, toutes générations confondues. Incompréhensible attitude puisque dans le même temps, ces mêmes professeurs critiquent allègrement le "système", renâclent devant toutes les réformes, le terme de "réforme" servant à lui seul de repoussoir. Il faut dire que les désormais politiquement ultre-corrects Finkielkraut, Polony, Zemmour, Brighelli et récemment Rama Yade (Voir ICI), ( http://www.profencampagne.com/article-les-controverses-du-progres-rama-yade-bruno-julliard-70242431.html ) entonnent partout où ils passent le chant du conversatisme revendiqué. "L'école est par nature conservatrice" (Rama Yade)... Sic ! Je ne vois pas quel autre commentaire il serait utile de faire après une telle affirmation... Révélatrice néanmoins d'une position hélas largement partagée à l'intérieur même de l'institution scolaire, y compris dans l'électorat de gauche. Peut-être suis-je naïf mais là certaines choses m'échappent...

A toutes ces frilosités, car pour beaucoup d'enseignants la peur de l'inconnu est très présente, je choisis et choisirai toujours les audaces d'un Michel Serres, les visions d'un Edgar Morin, les courages d'un Philippe Meirieu... Tous, avec d'autres, ont raison depuis longtemps. Chaque année qui passe voit leurs analyses confortées, leurs avertissements justifiés. QUAND donc enfin allez-vous, je m'adresse aux politiques ET aux syndicats, avoir le courage de les entendre ? Combien d'années d'échecs faudra-t-il pour que vous décidiez les transformations radicales nécessaires ? Combien de milliers de gamins abandonnés en cours de scolarité faudra-t-il pour que vous mettiez en place les outils QUI EXISTENT permettant l'arrêt du massacre ? Quand déciderezvous de mettre fin à un système qui ne reproduit plus les inégalités sociales mais qui les creuse davantage encore ?

Faisons un rêve... 2012 et l'échéance majeure des présidentielles, au milieu d'un onde chaotique, dangereux, bouleversé vous permettront peut-être d'ôser... D'ôser avec l'audace tranquille et lumineuse d'un Michel Serres...


Dimanche 20 février : Proust, Stendhal, Sisyphe et la pédagogie


Dialoguant récemment avec une collègue, jeune enseignante titulaire débutante, la conversation roulant sur la pédagogie, elle vint à me demander : "Mais en fait, qu'est-ce que c'est un pédagogue?"...

Je lui fis une réponse banale, rapide, pris par le temps qui nous prend et nous emporte... Peut-être était-elle inquiète de n'être pas assez pédagogue... Ou l'être mal... Gagnée par les attaques de mauvaise foi dont la pédagogie est la cible... Je ne sais pas... Je le lui demanderai... Je sais, moi, qu'elle est, sera et restera une formidable enseignante. Qu'elle saura transmettre en partageant, partager ce qu'elle sait... Qu'elle connaîtra des échecs, qu'elle s'en relèvera, qu'elle continuera, qu'elle subira des dizaines de réformes, qu'elle respectera des dizaines de circulaires... Mais qu'au bout du compte, elle ne sera jamais seule car le pédagogue, Hélène, est toujours avec ses élèves. Il ne peut pas les laisser. Même quand il est silencieux, que les têtes sont penchées sur un exercice, le professeur est là. Présent sans être omniprésent... Peut-être est-ce ça, en partie car tout ou presque a été dit, la pédagogie... Un espace, lieu et temps, partagé... Bruyant ou silencieux, au gré des heures et des activités... La pédagogie c'est d'abord un espace. Il reste ensuite à le remplir, à moitié, au tiers, au trois-quarts... Peu importe... C'est selon l'objectif à atteindre, les possibilités de chacun qu'hélas l'Ecole se tue -au sens propre- à réunir à plusieurs et à exiger que ces "plusieurs" aillent toutes et tous à la même vitesse quand Pierre aurait besoin de six heures de mathématiques et Najira seulement deux... Mais non... Tout est normé et pour la vie... Ce sera quatre heures pour toute la cohorte... La cohorte... Pourquoi pas le régiment tant qu'on y est...

Le pédagogue est un peintre étrange qui serait chargé de colorer l'espace... "En mobilisant les élèves, en structurant les savoirs, en accompagnant les parcours" comme le dit si limpidement Philippe Meirieu... L'espace vide devient au cours de la séance un "cabinet des curiosités"  où l'hétéroclite s'ordonne petit à petit... Le désordre qui règne dans les esprits prend une forme visible, reconnaissable et structurée. N'oublie pas Hélène: il faut toujours donner corps aux découvertes... Tu sculptes l'espace... Tu accompagnes les gestes de tes jeunes "apprentis" qui à leur tour, devant toi, sculptent maladroitement, puis de mieux en mieux, l'espace angoissant de l'inconnu initial. De la découverte à la maîtrise... Car toujours ils doivent parvenir à la maîtrise... Dynamiser, structurer rigoureusement, accompagner chacun (et ça c'est difficile) dans son parcours... Et chaque séance est un nouveau parcours... Et chaque élève a son propre mode de "promenade"...

Le pédagogue est celui-là... Celui qui accepte les modes différents mais exige rigoureusement de structurer ce que j'ai appelé ici "l'espace", c'est à dire ce moment privilégié comme disait Proust où, et là je convoque Stendhal, vont se cristalliser lumineusement les connaissances éparses... Réunir Proust et Stendhal à la même table... Jolie compagnie... C'est peut-être ça aussi la pédagogie... Une oeuvre d'art quotidiennement renouvelée, jamais achevée, Sisyphe en quelque sorte... Comme le héros mythologique, tu n'atteindras jamais le sommet Hélène... mais c'est bien mieux ainsi car toujours tu auras le désir de recommencer... Encore et encore !... Jusqu'au jour où tu fermeras ta porte pour la dernière fois... Le caillou de Sisyphe aura roulé de l'autre côté...


Dimanche 13 février : De la dangerosité de certains propos, de certaines idées...

Je n'ai pas les compétences des journalistes mais je sais, comme vous toutes et tous, écouter. Et comme 8 millions de français, soit 300 000 lucides de moins que l'an dernier, j'ai écouté un panel de français poser des questions au Président de notre République. J'ai ensuite lu et écouté les commentaires des experts, chroniqueurs, analystes, etc. Et, avec un peu de recul, je crois que peu nombreux sont ceux qui ont pris la mesure de la dangerosité, pour notre République, des propos tenus...

Par exemple et entre autres : l'allusion au "présumé coupable" ou à "l'arrestation de coupable" sont des négations de notre Constitution et une grave remise en cause de l'Etat de droit, du rôle de la justice. On peut même se demander à quoi serviront les "jurés-citoyens" puisqu'être arrêté signifiant "être coupable", autant sauter la case Justice. Ce sera toujours ça d'économisé en ces temps de disette budgétaire...

Lorsqu'il s'engage sur la voie - strictement électoraliste... Il y a beaucoup à prendre, peut-être même à apprendre, chez les colocataires idéologiques du FN -, sur la voie, disais-je, de l'analyse du "multiculturalisme", il nie les principes fondamentaux de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen, n'en déplaisent à ceux qui ironisent sur le "droitdel'hommisme". N'en déplaisent à ceux qui, faute d'arguments, évoquent la gauche qui aurait dit et fait pire... Ce n'est pas en convoquant en permanence les erreurs du passé qu'on exonère les fautes présentes...

( A ce sujet voir l'article en suivant ce lien : http://www.profencampagne.com/article-entretien...rrants-67028119.html )

Lorsqu'il flatte les enseignants en leur faisant miroiter "l"autonomie des professeurs", "l'autonomie des établissements", "l'autonomie des chefs d'établissements (qui pourront recruter leurs "collaborateurs"), il détricote l'Education NATIONALE sans toucher - c'est là tout le piège - aux statuts de ses agents, et détruit les acquis du Conseil National de la Résistance... Lui qui fit lire Guy Moquet et se rendit au Plateau des Glières... On est loin de Malraux, certes, criant, psalmodiant son vibrant "Entre ici Jean Moulin, avec ton terrible cortège...". Je m'égare... Comparons ce qui est comparable...

Lorsqu'il souhaite s'attacher le silence des enseignants en leur promettant d'hypothétiques hausses de salaires par la redistribution d' économies faites au détriment des élèves, faites au détriment d'autres fonctionnaires, ces nantis qui ont un statut, ces privilégiés, ces feignants de grévistes, il injurie un corps tout entier... Pourtant "serviteurs de l'Etat"... Ces propos sont dangereux. Ils divisent les français. Tous ne sont pas en colère... Pas encore.

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Dimanche 6 février : Calcul mental

Monsieur Chatel, Ministre de l'Education Nationale, vient de faire, coup sur coup, deux annonces au sujet de l'apprentissage "précoce" de l'anglais, puis une autre concernant le "retour" de la pratique quotidienne du calcul mental en primaire. A propos du calcul mental, voici ce que m'a fait parvenir Hélène Michelotto, jeune "entrante" dans la profession, certifiée de mathématiques, et dont le regard est déja très affuté...
Bonne lecture...
                                          

Cher Christophe,

Enfant, j'ai bien appris mes tables, mais la "révolution des calculatrices" a croisé mon chemin, avec tous ses bénéfices mais aussi tous ses inconvénients...

Midi... Je vais acheter mon sandwich et un dessert dans une pâtisserie. 3,65 euro + 1,60 euro. Après avoir tenté cette magnifique addition pendant 2 secondes (véridique), la jeune boulangère d'une vingtaine d'années a finalement empoigné sa calculatrice pour me faire le total ! C'est assez symptomatique ! Et pour les élèves c'est pareil...

Les divisions par exemple... Nous travaillions les fractions avec mes 5èmes. Pour résoudre des petits problèmes, il nous faut parfois "poser" la division. Une élève (brillante) m'a alors dit : "On la pose à l'ancienne ! "Ils ne sont plus habitués à POSER les calculs. L'école primaire travaille les "opérations posées" mais, au collège, on n'habitue plus assez nos élèves à prendre le temps de poser les calculs. Parce que bien évidemment, ça prend du temps. Plus que d'employer la calculatrice. (On fait du calcul mental en 6ème mais plus tellement ensuite!)

Je n'ose même pas parler des lycéens pour qui la calculatrice est carrément implantée dans leur main. Mais, à leur décharge, les programmes nous invitent énormément à utiliser tous ces outils : calculatrice, ordinateurs, logiciels de géométrie ou de calcul formel. On attend d'eux qu'ils aient l'idée de se dire : "Ah ! On pourrait tester cette hypothèse avec le logiciel geogebra..." Difficile de leur dire que d'un côté un grand nombre d'instruments sont à leur disposition et leur interdire d'un autre de les utiliser. L'"esprit des programmes" de 2nde, pour rappel, c'est : LA RESOLUTION DE PROBLEMES. Il faut très régulièrement mettre nos élèves devant des tâches relativement complexes et leur demander :
 
"Alors, comment pourrions-nous faire?" Nous avons beaucoup d'outils à notre disposition pour réaliser les calculs mais c'est à eux d'avoir les idées de base, à eux de trouver la démarche. C'est une manière de "fonctionner" qui me semble, hors contexte des mathématiques, très proche de celle de nos sociétés. Il y a une tâche à accomplir, mais pour ce faire, on fait appel à un ingénieur pour faire ci et un autre pour faire ça.... Pourquoi pas ? Avoir des idées, les tester, les corriger si elles ne conviennent pas, c'est très intéressant et constructif POUR et AVEC les élèves.... Nous sommes simplement dans une logique différente de celle qu'on veut nous imposer par les apprentissages par coeur. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est que ce sont les mathématiques qui se mettent alors au service réel du développement de stratégies plutôt que les mathématiques comme objet d'étude, étude d'ailleurs stérile pour nos élèves.

Hélène Michelotto


Dimanche 30 janvier (I) : Le pouvoir des "médias-médiocrates"

Il existe aujourd'hui, je ne suis pas le premier à le dire mais j'aime à le redire, un ensemble de ce que j'appellerais des "médias-médiocrates" qui s'emparent un peu plus, semaine après semaine, du paysage audiovisuel français, autrement appelé le PAF. Et il y a des PAF qui se perdent!...

Qui sont ces "médias-médiocrates" ? On les connait toutes et tous. On peut même les trouver brillants, intelligents, cultivés, chamants-charmeurs. On peut aussi, en même temps, les trouver méchants, cruels, moqueurs, stupides, répétitifs, opportunistes, ironiques. Ironiques surtout, l'ironie permettant toujours d'enfermer sa cible dans le rire des spectateurs - plus une émission sans public docile ! -, cible d'autant plus fragilisée qu'elle n'est jamais là pour répondre.

Parmi les plus en vue, voire les plus en cour, donc les plus influents auprès du public captif, vous, nous, moi - enfin moi de moins en moins... Faut pas déconner quand même ! - je pense à Ruquier, Ardisson, toute la bande du Grand et du Petit Journal de Canal +. Je pense aussi à tous les imitateurs-humoristes siglés Europe 1, RTL, France Inter (Ah non pas France Inter... eux ils les virent et là pour le coup ils ont tort !), RMC, Zemmour-Nolleau, Aphatie, Barbier, Duhamel et j'en passe. Liste non exhaustive. Tous ces gens, très agréables parfois, surtout très "malins", vous font croire que vous assistez à un émission politique, voire politiquement incorrecte. Mais, en fait, pas du tout. Vous êtes dans la "média-médiocratie". Tout au fond... Dans une stupide imitation d'Internet que les médias "anciens" essayent sottement de copier.

Loin de moi l'envie d'imiter un Mélenchon qui, le pauvre, est devenu une copie de Georges Marchais. A force de dézinguer les journalistes, il participe au jeu qu'il dénonce. C'est le comble de la complicité. "Je vous déteste, je vous hais mais qu'est-ce que vous m'êtes utiles les gars !".... Eh oui...

Alors que dire de cette "média-médiocratie" ? Pas grand chose en fait car elle est lisse. Lisse comme ces tours de verre n'offrant rien d'autre que les reflets de la ville. Où vivent des anonymes qui se regardent les autres, qui se regardent, mais qui ne voient plus rien. Les "média-médiocratres" ne nous montrent rien. Ils se montrent, se mettent en scène, mettent en scène le monde dont ils nous imposent une vision. C'est brillamment fait souvent. C'est éblouissant. C'est aveuglant. C'est dangereux...

C'est dangereux car c'est d'un extraordinaire populisme - au mauvais sens du terme - caché. Sous les décors, les musiques de plateaux, les jingle bruyants, les applaudissements commandés - ah si même le public applaudit, c'est que la dame ou le monsieur qui cause dans le poste doit avoir raison n'est-ce pas ? Il ne peut pas se tromper le public applaudissant, le public riant... -, les affirmations catégoriques de tel ou tel chroniqueur qui sait tout à partir d'une image de cinq secondes ou d'une phrase extraite d'un discours de trente minutes. On ne commente plus en 2011. Pas le temps ! Il faut chroniquer. C'est à dire niquer avec les crocs ! Voilà que je tombe à mon tour dans le travers de l'ironie... Mais on est à si bonne école !

Et les politiques se laissent prendre au jeu. Ils y vont chez les Ruquier, Ardisson and co... Ils y rampent même ! Et puis le lendemain, ils reluquent, inquiets, les courbes d'audience... Allo médiamétrie ? J'ai fait combien ? On en est là...

Alors je me pose cette question: les guignols de l'info sont-ils ceux qui nous font rire et réfléchir entre 19h55 et 20h05 sur CANAL +? Ou tous ceux qui se précipitent chez les "média-médiocrates", chez ceux qui abaissent tellement le niveau du débat politique et intellectuel - non, non ce n'est pas un gros mot ! - qu'on est en droit de se demander s'il n'y pas là motif à plainte pour mise en danger de l'intelligence collective...


Dimanche 30 janvier II : Le collège français est un monstre !

Un certain nombre de ceux que je croise sur la toile ou dans la "vraie vie" me disent être pour la massification commencée avec le collège unique (1975) ; pour, mais pas pour tous... Il faut, disent-ils sans aucun recul, éliminer celles et ceux qui, je cite, "n'ont rien à y faire"...

C'est un concept... Dont le non-dit est le suivant : ceux qui "n'ont rien à y faire" sont toujours ceux qui ne sont pas capables de poursuivre des études en lycée d'enseignement général. Il ne leur a jamais effleuré l'esprit que si la massification n'avait pas atteint les buts qui lui étaient assignés, c'était surtout parce que les missions du collège n'ont jamais été clairement définies ?JA-MAIS !

Le collège est un petit lycée. Ce qui est parfaitement absurde et qui est l'une des cause de l'ennui mortel dans lequel sont plongés celles et ceux qui - je cite mes interlocuteurs de rencontre - "n'ont rien à y faire". Ou, plus exactement, n'entrent pas dans le moule qui permettra à 76% d'enfants de cadres et professions intellectuelles de décrocher le BAC général contre 34% d'enfants d'ouvriers. (Chiffres 2008/http://www.profencampagne.com/article-une-ecole-pour-l-elite-65978285.html). Ils n'ont en effet rien à faire dans ce collège-là... Dont la seule mission est de sélectionner les élèves qui poursuivront en lycées d'enseignement général dont le collège copie sottement les emplois du temps et les programmes. Ces collèges et lycées qui s'insurgent contre la suppression (en fait l'optionnalisation) de l'histoire/géographie en terminale scientifique mais ne disent pas un mot contre le massacre actuel d'un certain nombre de filières professionnelles. En France on adore défendre Hugo et Zola... On a juste oublié qu'ils défendaient l'ouvrier !

Ce ne sont pas les élèves ni les enseignants qui sont en cause. Mais tout l'appareil, contesté et pourtant dont la forme, présente ou passé, est toujours paradoxalement défendue par les mêmes. Sans jamais rien inventer de neuf. Comme si l'école était une forme figée... Toute nouveauté (y compris des "nouveautés" qui datent car certaines remontent au... XIXème siècle mais qui le sait aujourd'hui ?) est considérée a priori comme suspecte.

Ayons le courage de regarder les choses en face : et construisons une autre école... Où les élèves seraient heureux... Les enseignants aussi... Et, dans cette autre école, le collège (gardons ce terme pour le moment) aura sa spécificité et non pas le caractère hybride qui en fait le monstre d'aujourd'hui!


Dimanche 23 janvier : Détresse

Le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de la détresse, le mot n'est pas trop fort, qui s'installe dans les salles des professeurs des collèges et lycées, des écoles primaires également. Il ne semble tenir aucun compte de l'inquiétude grandissante des parents. C'est un gouvernement sourd et aveugle. Partout et alors que la population scolaire augmente, on supprime des postes. Ce sera pire l'an prochain. En Seine Maritime, alors que la progression des élèves de collèges est de + 968 élèves, la dotation horaire globale (DHG) est de - 1261h. Et c'est identique dans des dizaines d'académies. Ceci contredit l'argumentaire ministériel consistant à répeter a longuer d'émissions et d'interviews qu'il y aurait une baisse d'effectifs justifiant la fermeture de classes, la suppression de postes.

C'est tout un métier qui chancelle. Pas n'importe quel métier... L'Education, l'enseignement sont des piliers républicains. Ils sont la clef de voûte de la démocratie, de la laïcité, les héritiers des principes issus du Conseil National de la Résistance. Voila pour le présent et le passé très rapidement évoqués. Mais ils sont l'avenir de ce pays. Et l'on est en droit de poser cette question terrible : France que fais-tu de ton école ? Que fais-tu pour ta jeunesse ? Je n'y répondrai pas car je n'en sais rien ! Je fais partie de ces professeurs anonymes qui, dans leur écrasante majorité, quel que soit leur préférence pédagogique, pédagogues et républicains réunis, oui réunis, sont inquiets car on précarise, au-delà de nos statuts, l'avenir d'un pays ! On en est là ! Il faut avoir vu les mines déconfites de mes collègues. Il faut avoir vu en particulier ce professeur de français de mon établissement, solide, expérimenté, passionné, ce roc, ce menhir véritable au bord des larmes, au bord des larmes de constater que l'Ecole n'est plus qu'un tableau comptable.

"Monsieur le Ministre, respectueusement car je respecte toujours et les hommes et les fonctions, je vous le dis: ne brisez pas ce qui a été construit au nom d'un logique économique que vous savez changeante. Ne brisez pas des femmes et des hommes qui donnent tant, qui donnent tout! Je ne vous souhaite pas d'être obligé un jour de venir vous incliner devant le cercueil, non pas de l'école car elle survivra, mais d'un(e) enseignant(e) qui aura compris que ce que vous lui offrez, c'est une impasse sombre et, par définition, sans issue autre que l'issue fatale... Je ne vous le souhaite pas! Jamais je n'avais constaté, en 27 ans de métier, un tel désespoir... Je suis très inquiet... Très inquiet..."


Dimanche 9 janvier : Ils seront pré-adultes en...2023 !

Depuis des années, depuis Platon (si si !), on affirme que le niveau baisse. Leitmotiv ridicule puisqu'à l'entendre, nous devrions toutes et tous en train de nous exprimer par signes et encore !... Ce discours tient encore et toujours lieu d'argument alors que chacun sait que toutes les généralités sont vides de sens. Aucun pédagogue n'a jamais osé dire que le niveau augmentait. Ce serait tout aussi vide de sens et vain de défendre une telle position !

Depuis Jules Ferry, on débat aussi des méthodes de lecture. Plus exactement de deux d'entre elles en ignorant superbement les autres. Syllabique contre globale. Ce débat est aujourd'hui, et depuis fort longtemps, secondaire. En effet, pas un seul enseignant en France n'utilise plus la méthode globale. La syllabique est immensément majoritaire avec les méthodes dites "mixtes" (et cette mixité n'intègre pas QUE la "syllabique-globale"... Ah, si on pouvait sortir de ce duo !).

Et pendant ce temps-là, les complexités du monde s'accélèrent pour atteindre des vitesses inconnues. Jadis nous préparions l'enfant de CP pour l'année de CE1, puis de CE1 au CE2, etc. C'ETAIT possible d'oublier parfois que cet enfant serait l'adulte que je suis aujourd'hui... Aujourd'hui, justement, cela n'est plus possible. Chaque enseignant doit avoir à l'esprit les complexités du monde qui nous entourent, un monde ouvert, globalisé. Un monde critiquable certes. Obligatoirement critiquable ! Mais pour le combattre, peut-être faut-il commencer par l'observer, le comprendre et ne pas le nier. Il existe. C'est un fait. Et chaque enseignant doit avoir à l'esprit, ne jamais perdre de vue que l'enfant de maternelle de 2011 sera un pré-adulte en...2023 (en gros). Quand on sait avec quelle rapidité le monde change quasiment d'un jour sur l'autre, il serait suicidaire pour nos sociétés, avancées ou pas, d'oublier que le bambin qui rit devant nous dans la classe et auquel on essaye modestement d'apprendre à apprendre, que ce bambin-là aura devant lui un AUTRE monde plus complexe encore lorsqu'il aura 20 ans...

Le tort de notre école, l'un de ses torts - elle en a beaucoup ! - c'est de ne pas vouloir admettre qu'enseigner ce n'est pas seulement appréhender le PRESENT ! C'est aussi et surtout préparer l'AVENIR. Et ce n'est pas en regardant en arrière, ni même en restant le nez dans le guidon, qu'on risque d'y parvenir ! Pourtant nombreux sont encore les "experts" en déclinologie qui viennent chaque jour sur tel ou tel plateau nous dire que notre Ecole doit revenir aux fondamentaux. Ils sont DEVANT NOUS ! Et ils sont à découvrir pour certains, à INVENTER pour d'autres !


Dimanche 19 décembre : "Je ne suis pas votre élève !"

Il y a quelques jours, débattant avec un "chatteur" internaute, j'en vins, quelque peu excédé par ses sempiternelles remarques négatives et bien peu constructives (au sujet du libéralisme économique qu'il voulait m'imposer comme une fatalité, une doxa incontournable et en vigueur pour mille ans...), à lui poser une question toute simple. Je sortais donc du débat pour observer sa réponse. Et sa réponse fut la suivante : "Je ne suis pas votre élève!"

Cette péremptoire affirmation me semble tout à fait éclairante sur la place de l'élève en France. Sur ce site, dans de très nombreux ouvrages, dans tous les médias possibles et imaginables, on a déja débattu pendant des heures sur la place de l'élève à l'école, faisant à Philippe Meirieu (et à d'autres) des procès en sorcellerie. Tous aussi ridicules et injustes car fondés sur des interprétations fallacieuses et de très mauvaise foi (pléonasme!). Je ne nourrirai pas davantage donc ce très vaste sujet déja bien alimenté par ailleurs et par des experts bien plus brillants que moi.

Non... Mais cette remarque de mon interlocuteur, manifestement lettré, éduqué, connaisseur très fin, d'un certain âge, me fit immédiatement sursauter. Quoi ? Ce monsieur - que je respecte absolument - semble donc me dire que le fait d'être questionné le place en position d'élève ? En position donc d'INFERIEUR comparé au questionneur / professeur, SUPERIEUR et supérieurement installé sur la chaire de ses savoirs. Ma question, le seul fait de la poser, venait d'humilier mon contradicteur. Il devenait "élève", donc inférieur et rabaissé !

Nous sommes en 2010... Il est encore des femmes et des hommes dans ce pays qui ne peuvent envisager l'Elève que dans sa position "basse". Un élève ne s'élève pas, ne doit pas s'élever d'après ceux-là... Sa position "naturelle" est, à l'évidence de cette remarque, celle de l'enfant bras croisés, silencieux et soumis. Etrange conception de la relation "enseignant / enseigné" qui ne peut être constructive et productive que dans l'échange ORGANISE, organisé non pas dans une égalité démagogique et jamais revendiquée nulle part, mais dans une relation de confiance mutuelle mûrement travaillée, préparée et assumée.

"Je ne suis pas votre élève!"... Dommage... J'aurais pu vous démontrer que mes élèves (pas que les miens d'ailleurs!) peuvent s'exprimer et échanger avec respect, bien plus même quentre de nombreux adultes incapables de s'écouter lorsqu'ils s'étripent sur les plateaux de télévision... Et plus 2012 approchera, pire cela sera...


Dimanche 12 décembre : La soupe politicienne... ça suffit !

Sur toutes les chaînes de radio et de télévision "grand public", c'est à dire les plus écoutées, les chroniqueurs - des journalistes qui savent tout - depuis des semaines, tous les jours, viennent envahir les ondes et les écrans de leurs prédictions au sujet des primaires du PS, au sujet de tout ce qui fait et défait la politique française. Concernant plus particulièrement le PS, les Thomas Legrand, Jean-Michel Apathie, Christophe Barbier, Alain Duhamel, Laurent Joffrin, Catherine Nay et la cohorte de leurs collègues tirent des plans sur la comète en se demandant si et quand DSK, l'imam câché, va revenir en France pour annoncer sa candidature aux primaires. Jamais ils ne nous parlent des problèmes concrets des français. Jamais ! Ils s'écoutent, se lisent, se regardent. Se congratulent, se voient, mangent ensemble dans les mêmes endroits parisiens, ces lieux qu'on dit "branchés". Les mêmes ont tenu des propos similaires au sujet d'Eva Joly, de Daniel Cohn-Bendit ou de Cécile Duflot sans JAMAIS développer la moindre analyse des propositions pourtnant passionnates des écologistes !

Je comprends tout à fait que les journalistes n'aient pas à servir la soupe aux politiques, même si certains le font sans vergogne. En revanche je ne supporte plus que ces mêmes professionnels de l'information, surfant sur le superficiel et la petite phrase qui créera le buzz sur leurs sites, blogs ou comptes Twitter, se contentent de contenir (sciemment?) la ménagère de cinquante ans, le lycéen, l'ouvrier, le médecin, l'immigré clandestin ou pas, bref le citoyen lambda dans le tunnel obscur de l'approximation, de l'inutile, de l'irréfléchi, de l'ironie permanente qui a remplacé depuis longtemps la critique constructive et informative.

Je ne supporte plus la médiocrité charriée par cette loghorrée verbeuse (encore hier soir lors du Grand Journal de CANAL +... Mais si ce n'était que là !...) de plus en plus utilisée, non pas pour combler le vide, mais pour le créer ! Car enfin, que retenir des "analyses" prédictives actuelles ? Rien ! Strictement rien ! Quand il faudrait parler "idées", "projets", "perspectives", on assomme le français de faux débats, de faux sujets. Les médias ne mentent pas. C'est pire ! Il sont devenus faussaires !

Mesdames et Messieurs Joffrin, Apathie, Nay, Legrand, Duhamel, toutes et tous, s'il vous plait... Parlez-nous de NOUS... Parlez-nous de ce pays qui fout le camp... Parlez-nous des pauvres... Parlez-nous des riches... Parlez-nous les yeux dans les yeux... Parlez-nous en nous aidant à comprendre, à réfléchir... Parlez-nous de l'Ecole... Parlez-nous du pêcheur, de l'ouvrier, de l'immigré, du policier, du professeur, du médecin, de l'infirmier, du facteur, du chef d'entreprise, de l'enfant, de la culture, de la nature, du vent, de la neige, de l'air... Mais de grâce cessez de nous emmerder avec vos discussions que je vous demande de garder pour vos déjeuners en ville...

Oh oui s'il vous plait... Utilisez vos talents réels et incontestables pour nous INFORMER, que vous soyez de droite, de gauche ou d'ailleurs, et surtout, surtout : arrêtez, enfin,de nous faire chier !


Dimanche 5 décembre : Pinocchio Président ?

Le Président de la République lors de sa dernière intervention télévisée, pitoyablement interrogé par trois journalistes pourtant chevronnés et capables de talent, a dit beaucoup d'erreurs avec l'aplomb qu'on lui connait. Ces déclarations ont été ensuite décortiquées par la presse. On s'en est peu moqué. La moquerie, on le sait, est un "bijou" de femme. Au hommes vont l'analyse et la réflexion... Pourtant le mot "mensonge", bien plus que celui d' "erreurs", fut à plusieurs reprises prononcé, repris même par ces deux femmes parentes d'une vicime de l'attentat de Karachi. Bref, sans vergogne, il nous était dit clairement, posément : "Le Président de la République ment!"...

Le mensonge en politique existe depuis longtemps. Peut-être même est-il consubstantiel à la pratique politique. Jacques Chirac, François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, tous furent un jour "pris en flagrant délit de mensonges". Nicolas Sarkozy n'a rien inventé dans ce domaine.

Mais il reste un problème. C'est que le citoyen a tendance à faire du mensonge politique une habitude, une évidence. En clair, pour faire du "mélenchonisme" : tous menteurs ; tous pourris ! Qu'ils s'en aillent ! Dangereux propos mais le mensonge se voit de nos jours. Internet et sa loupe ont transformé les menteurs en autant de Pinocchio !

Pinocchio Président ? Ce serait alors la fin de nos démocraties. Fondé sur la confiance, ce lien qui unit l'élu et le peuple, l'élu DU peuple dit-on, se tend chaque jour un peu plus... Quand il cassera, cela fera mal... Des deux côtés !

Pendant ce temps-là, nous nous évertuons à dire à nos élèves de dire toujours la vérité...


Dimanche 28 novembre : L'école à l'heure du Web 2.0, ou quand le futur a commencé !

L'Ecole n'étant pas un blockhaus fermé à tout, elle s'ouvre heureusement aux outils contemporains et, notamment, à l'informatique. Plus un collège (je rappelle que je parle ici de ce que je connais - ou pense connaître - le mieux) ne se passe d'ordinateurs, bientôt de tableaux interactifs. Et c'est tant mieux puisque ces outils ont envahi pacifiquement le monde extérieur du travail comme celui de nos vies quotidiennes. Excessivement parfois, mais rien ni personne ne nous oblige à céder aux excès...

L'enseignant ne peut ignorer cette évolution très rapide dont les élèves s'emparent, bien ou mal... Nos élèves s'en emparent, non seulement au collège, mais aussi à la maison. Rares désormais, même si la France a du retard sur ce sujet, sont les familles ne disposant pas d'un ordinateur et d'une connection Internet. Cet outil, devenu familial et familier, a une incidence directe sur le travail à la maison, notamment sur les devoirs écrits. Car, qu'on le veuille ou non, TOUS les exercices possibles et imaginables, dans toutes les matières, ont leur réponse sur Internet et plus exactement chez le meilleur "ami" des élèves : Google. Parents, si vous ne le saviez pas, vos enfants ne sont jamais seuls ! Google est devenu le "pote" de centaines de milions d'enfants de par le monde !

Je ne prendrai qu'un exemple très parlant : j'ai donné très récemment un devoir-maison tiré des annales du Brevet des collèges 2008. Il ne m'a pas fallu très longtemps pour constater que l'excellence du "rendu" était sans aucun doute possible le résultat de la fréquentation assidue de l' "ami Google". Car évidemment TOUS les corrigés y sont ! Ma naïveté me perdra...

J'ai alors poussé mes investigations plus loin en fouillant Internet dans quasiment toutes les matières et tous les exercices possibles. C'est hallucinant. C'est la Samaritaine! On trouve TOUT et n'importe quoi ! Sans parler des sites payants qui vous vendent les devoirs tout faits. Sans parler des sites de traduction de plus en plus performants !

Alors cela pose quand même un problême majeur. Peut-on aujourd'hui, avec le bouleversement induit par Internet, travailler comme si cela n'existait pas et continuer de faire l'autruche ? D'autant que les élèves de collège et de lycées savent de mieux en mieux masquer leurs sources. Voila pourquoi je suis opposé, encore plus qu'avant, au travail à la maison (je ne parle pas des leçons évidemment), sauf lorsqu'il s'agit de travaux de recherches.

Car le futur a commencé ! Bientôt, très bientôt, c'est même déja du passé pour certains enseignants, nos élèves ne rendront plus de copies. Déja dans certaines de mes clases, ils m'envoient leurs travaux sur un autre support : le mail. Oui, mes élèves ont mon adresse email. JAMAIS aucun n'en a abusé ! AUCUN ni JAMAIS depuis deux ans. La confiance appelle le respect et inversement.

J'entends déja les soupirs et je vois les bras levés au ciel.... Pourtant, seul le support change... Comme changèrent un jour le papyrus en parchemin, puis le parchemin en papier, puis la plûme d'oie en stylo-encre ou en porte-plume, puis le stylo BIC... Que de protestations parfois, aujourd'hui oubliées...

Les tableaux interactifs seront dans toutes les écoles primaires de France d'ici quelques années. Dans tous les collèges... Dans tous les lycées... Il ne manquera hélas que la formation car on n'utilise pas cet outil n'importe comment... Le futur a commencé... Il est déja derrière nous...

Mes élèves, de nombreux élèves en France ont accès désormais à leurs bulletins, leurs notes, leurs cahiers de textes par Internet. Toute l'Ecole bouge, change, se bouleverse sans qu'on n'y puisse rien. D'ailleurs je souhaite et encourage ces progrès... Il sont inéluctables et rythment la marche du temps... S'y opposer serait maintenir l'école dans des débats stériles et retardataires... Grâce aux outils contemporains, j'échange bien plus de connaissances que par le passé avec mes élèves. A moi, évidemment, de faire en sorte qu'ils sachent l'essentiel pour le posséder bien et l'utiliser à bon escient plutôt que de croire en savoir beaucoup sans le maîtriser et en l'oubliant très vite.. Ah !un mail d'un de mes élèves... Je vous laisse... Il me demande un renseignement au sujet d'une question qu'il semble avoir mal comprise... Le futur a commencé et c'est jouissif !

PS : un débat vif s'est engagé à propos des notes chiffrées à l'école primaire. Petite anecdote datant d'hier : un collègue me rapportait que lors d'un de ses conseils de classe, les enseignants avaient devant eux un et un seul document : le tableau des moyennes des élèves matière par matière, soit environ 270 chiffres ! C'est comme ça dans de TRES nombreux établissements. Une classe = des chiffres... des chiffres... des chiffres... C'est tout !


Samedi 19 novembre : Philosopher...

Puisqu'il est question depuis quelques jours de la sortie du merveilleux film Ce n'est qu'un début, rapportant une expérience de philosophie partagée avec des enfants de maternelle, je veux vous dire ce sentiment...

Voici ma vision de la philosophie
La philosophie, c'est tous les jours...

Je parle en adulte, d'expérience(s)...

Car il n'y a pas de philosophie vécue sans préalables. Mais elle permet toujours d'appréhender, d'où la possibilité d'en parler, en guidant leurs pas hésitants, aux enfants de maternelle. Certes, pas philosophes au sens où ceux-là, les philosophes, les "vrais", ont re-créé l'existant en l'éclairant, mais philosophes tout de même un peu car dans leurs mots, il n'y a pas de vérités -la vérité n'est pas philosophie puisqu'elle se ferme par définition, ne laissant aucune place au doûte: c'est vrai! Donc pas de débat!- il n'y a que des fulgurances qui questionnent, voire choquent l'adulte, celui-ci alors forcé de répondre, d'échanger, de suivre même l'enfant dans son cheminement inattendu. Que faisaient d'autre les philosophes grecs déambulant au soleil d'Athènes?

Ma philosophie se rapproche terriblement de celle de ces enfants qui philosophent sans le savoir. Quand cette petite fille affirme, tout en s'interrogeant : "Mais une fille ne peut pas tomber amoureuse d'une autre fille?", je l'entends déclarer en silence : "Je ne sais pas ! Je veux savoir !"... Alors le maître, le philosophe, le "vrai", doit répondre, sans pour autant donner sa vérité. Pas de vérité, je le disais, en philosophie. Seulement, toujours, perpétuellement un bouillonnement intellectuel, patient et passionné vers l'éclairage, vers la lumière, mais laquelle, par quel chemin et dans combien de temps ? Nul ne le sait... Seul compte le mouvement vers cette lumière recherchée... Et le maître échange alors avec une enfant de quatre ans!... Tout est bouleversé. Tout à coup, dans un basculement, l'enfant devient autre, un autre que l'on ne connaissait pas, que l'on découvre, plus complexe mais aussi plus profond qu'on ne l'a jamais entendu ni a fortiori, soupçonné. Vous ne questionnez plus l'enfant... C'est lui qui le fait aussi, avec vous...

Ma philosophie enfin - si je puis dire tant le sujet n'a pas de conclusion, ne peut pas en avoir - serait celle du regard porté, à la manière d'un Spinoza, un maître absolu, un regard permettant de saisir toute la nature des choses d'un seul coup. Un peu comme cet homme assis à l'ombre sur un banc, qui voit passer devant lui une femme en robe légère, inconnue, et qui voit dans les plis du vêtement éventé toutes les femmes aimées, toutes celles détestées, et l'amour, et la vie... Ce ne sont pas ses souvenirs...

Seulement sa vie...


Jeudi 11 novembre : Si nous ralentissions en classe ?

Deux impératifs incontournables sont souvent entendus dans les salles de classes : "Taisez-vous !" (Variante : "chuuuuuuuut !")... "Dépêchez-vous !" Le silence et la vitesse sont les deux mamelles de la bonne marche d'une séance. Semble-t-il en tout cas. Puisque l'une et l'autre sont des règles, des rituels. Pour beaucoup d'enseignants encore, le silence des élèves est le meilleur complice de l'attention (ce qui est faux ; c'est pour de nombreux élèves celui de l'ennui ou du sommeil) ; quant à la vitesse d'exécution, elle permet surtout de prouver à celles et ceux qui ont le malheur d'être lents que ceux-là sont de véritables malades. La lenteur est, chez l'élève français, considérée comme une terrible lacune.

C'est ce second impératif qui me soucie depuis fort longtemps. Je suis persuadé, pour l'expérimenter en collège cette année, que le temps laissé aux élèves, des temps différents selon les exercices demandés évidemment, mais des temps différents aussi et surtout selon les élèves, permet d'obtenir des progrès impossibles autrement de la part des plus lents. Cela demande une organisation qui n'a rien de lourd et qui ne nuit pas aux élèves capables d'aller vite. Aller vite n'étant pas forcément l'assurance d'un exercice réussi, nous le savons toutes et tous. J'ai ainsi renoncé à donner des limites de temps dans mes classes de 5èmes et 4èmes (élèves tellement formatés qu'ils me demandent malgré tout encore : "On a combien de temps M'sieur?"). Je les ai seulement gardées pour des travaux écrits spécifiquement orientés vers la préparation du DNB en 3ème.

La vitesse assaille les élèves de collège en permanence. Dès le lever... "Allez dépêche-toi ! Tu vas être en retard !"; puis la course vers l'arrêt de car... (je travaille en collège rural). Arrivés au collège, les surveillants : "Allez, allez entrez ! Dépêchez-vous !". Puis en classe, puis à la cantine, puis en étude, puis le soir: "Plus vite ! Les cars sont arrivés !"... Enfin les parents : "Mets la table, vite ! Tu as fait tes devoirs ? Ben alors ! Dépêche-toi !" De la folie!

Certains le vivent très bien, en ont besoin même. Besoin d'être un peu bousculés. Et puis il y a tous les autres qui lors de cet exercice de mathématiques ou d'Histoire auraient pu avoir les trois points qui manqueront à leur moyenne avec seulement un peu moins de stress, un peu plus de temps, oh pas beaucoup plus... cinq minutes... Mais non ! C'est terminé... On ramasse les copies ! C'est comme ça... Le dogme de la vitesse d'éxécution... On ne demande pas aux élèves de grandir à la même vitesse... Mais ils doivent tous réussir dans des temps impartis identiques. Cruelles dictatures de la pendule et de la montre du maître...

Curieusement, et alors que j'expérimente la "chose" depuis seulement deux mois et demi, j'ai constaté que ceux qui étaient les plus lents en septembre sont, aujourd'hui, décomplexés et libérés des "aiguilles de Damoclès" tournant au-desus de leur tête, presque au même niveau que les autres. Et, en quelques semaines, je n'ai pratiquement plus de différences importantes entre les "rapides" et les "lents".

S'il vous plait... Ralentissons ! Cela ne nuit ni aux progrès, ni au respect des programmes. Bien au contraire !


Dimanche 7 novembre : Peut-on encore sauver l'INRP ?

"L’INRP aurait vocation à tenir à jour cet outil avec les formateurs. Dans ce cadre, le rôle des inspecteurs devrait évoluer pour mieux assumer leur fonctionde conseil." (INRP : Institut National de la Recherche Pédagogique)... Cet extrait est issu de la page 7 du projet PS Education. ( http://blogs.lexpress.fr/mammouth-mon-amour/wp-content/blogs.dir/779/files/2010/10/RapportLab_Coll%C3%A8ge-de-tous_07.102.pdf )

Il y a néanmoins un petit "hic" ! L'INRP, qui est aux enseignants ce que la météorologie est aux marins, pour reprendre la métaphore d'Antoine Prost, va tout simplement disparaitre. Sa mort oficielle est annoncée, depuis quelques temps déja, pour le 1er janvier 2011.

Certains - les mêmes sans doûte que ceux qui ont eu la peau des IUFM et qui pleurent aujourd'hui toutes les larmes de leurs corps la disparition de la formation ! - s'en réjouiront. L'INRP n'était-elle pas ce repaire de "planqués pédagogistes" responsables d'à-peu-près tous les maux de l'Ecole ? Repaire, qui plus est, dirigé un temps par un certain Philippe Meirieu et, horreur supplémentaire, depuis Lyon ! C'en était trop !

L'INRP va donc disparaître, absorbé par l'ENS (Ecole Normale Supérieure). Paix à son âme... Il en avait une...
Je me souviens très bien, jeune futur PEGC formé (à l'époque spécifiquement en tant que tel sans avoir jamais été Instituteur) à l'Ecole Normale (Futur IUFM) de Rouen-Mt St Aignan, avoir consulté avidement les brochures et toutes les publications de l'INRP. Nous en discutions quasi quotidiennement entre condisciples, avec passion, le soir où dans la journée, avec nos maîtres-formateurs qui ne furent pas n'importe qui. Quand on a un Jean Maurice par exemple devant soi, avec soi, on peut aller loin... (avec en plus un Antoine Compagnon à l'Université, c'était magnifique!... Mais bon, au diable la nostalgie!). Qu'ils soient néanmoins tous remerciés ici... Ils étaient pédagogues !

Je me souviens aussi avoir visité, seul d'abord, puis avec des élèves, le Musée de l'Education à Rouen. Ce Musée, né grâce à l'INRP, dépendant de lui, est une merveille d'intelligence ! Loin, très loin des querelles, il DIT l'Education, il DIT l'Ecole à travers le temps, à travers toutes les tempêtes... Rarement je n'avais constaté un intérêt plus grand chez mes élèves que lors de ces visites. On parlait d'eux... On parlait de leur quotidien... On parlait de LEUR école ! Ce Musée, au-delà de l'Institution, mettait (et heureusement met encore!) les enfants et les professeurs à l'honneur. L'Honneur d'un métier... L'Honneur des élèves... Notre honneur commun d'enseigner et d'apprendre, de partager... Peut-on encore sauver l'INRP ? J'aimerais tant y croire...


Lundi 1er novembre : Retour sur les "violences scolaires"

Les "violences scolaires" est l'expression TRES (trop?) générique qui a  englobé, ces dernières années, tout et n'importe quoi souvent : de l'incivilité (un élève qui bavarde sans arrêt malgré les remarques de l'enseignant, le chewing-gum mâché puis collé sous la table...) à l'agression physique. Il est évident, et tout le monde sera d'accord avec moi sur ce point, que cela n'a rien à voir. Même si le développement des incivilités est parfaitement "minant" pour un professeur, qui plus est jeune et non formé comme c'est le cas désormais. (Certains ont voulu la peau des IUFM, ils l'ont eue. Le pire c'est que ce sont les mêmes qui pleurent aujourd'hui sur la formation ! Les IUFM étaient réformables évidemment ! Pas supprimables... C'est pourtant ce qui s'est passé...)

J'ajoute que ce problême des "violences scolaires", pour aller vite, est discuté depuis DES ANNEES dans TOUS les mouvements pédagogiques, qu'ils soient "tendance Meirieu" ou pas. La sonnette d'alarme a été tirée de tous côtés. Cette montée des incivilités et des violences a été débattue, a fait l'objet d'articles dans la presse écrite et audiovisuelle, de colloques divers et variés, de rapports nombreux. Ce n'est pas un problême nouveau.

Ce qui est nouveau c'est :

- que certaines violences, heureusement encore très minoritaires, soient désormais des atteintes physiques à l'encontre d'enseignants. Elles sont intolérables et condamnables !
- que les incivilités jadis peu fréquentes soient devenues, dans certains cas, une règle.

Attention néanmoins au focus qui est mis sur les "violences scolaires". Il conviendrait, là aussi, dans un souci d'équilibre que tout chercheur et observateur se doivent de respecter, d'aller recueillir et d'UTILISER ENFIN les témoignages des réussites scolaires en France. Celles-ci ont fait la preuve de leur efficacité. Hélas elles restent au stade d'expérimentations, de laboratoires, et leurs évaluations ne sortent jamais des tiroirs de nos ministères ou ne sont connues que de quelques initiés. C'est un vrai scandale ! Il faut aussi UTILISER ENFIN les expériences étrangères... Et pas seulement finlandaises - je n'en fais pas une obsession même si ce qui est fait là-bas est, même en partie, très reconductible en France à condition de prendre le temps de le faire. Il faudrait peut-être un jour que nos doctes penseurs de l'EN sortent de leur tour d'ivoire, ainsi que quelques syndicats au passage !

Quant au "nouveau discours de gauche sur l'école", il est évident que le projet du Parti Socialiste (hélas déja bien écorné!) sur le collège et, en général, sur l'école va dans un sens qui convient. Même s'il manque encore d'audace et de cohérence avec les milliers de connexions à établir entre l'école et la société dont elle fait partie.

Souvent on exige des élèves qu'ils "travaillent dur" ! Si c'est travailler dur comme aujour'hui, pour des résultats en bout de course très aléatoires et dans une Ecole (au sens institutionnel) qui ne traitera les problêmes d'insécurité que déconnectés des problêmes sociaux, socio-affectifs, urbanistiques, architecturaux (quand réfléchira-t-on enfin à un grand plan de rénovation des établissements scolaires fondé sur les recherches dans ce domaine), on risque assez vite de constater qu'on n'aura pas avancé beaucoup. Sans parler d'une Ecole qui, en France, et c'est en Europe l'un des derniers pays à fonctionner ainsi, considère qu'elle est d'abord un outil de sélection pour l'élite. (Avec, je le rappellerai encore, et c'est la première des insécurités, 150 000 élèves PAR AN sans l'ombre d'un diplôme à la fin de leur scolarité ! Dans le "tas", beaucoup ont travaillé "dur" pourtant...)

Conclusion provisoire : régler les problêmes de sécurité à l'Ecole: OUI, MILLE FOIS OUI mais en proposant AUSSI une autre Ecole. Radicalement !


Mercredi 27 octobre : "Nous allons droit dans le mur !"

Je regardais et écoutais mes anciens élèves de collège, aujourd'hui lycéens ou étudiants. Dans la rue, dans les cafés, j'ai beaucoup échangé avec elles et eux. Ils me désespéraient ! Par leur contradiction. Quelle est-elle ?  D'un coté, ils n'ont que des mots très durs à l'encontre de cette société qui leur refuse ou leur ouvre très chichement les portes de l'emploi. De l'autre, ils n'ont qu'un objectif : intégrer cette même société, sans rien y changer, afin d'avoir leur place dans les files d'attente en bons consommateurs qu'ils deviendront pour faire tourner la machine de l'hyper-consommation... Afin de posséder deux téléphones portables, un ordinateur pour discuter avec des "amis" virtuels, et beaucoup d'argent pour s'ennivrer dans des soirées lugubres... Tragique!

Pour autant, je ne leur jette pas la pierre, car qui leur a dit qu'il existait des formules de société, de vie, différentes. Et qui n'éliminent en aucun cas le progrès, bien au contraire ! Mais qui en crée un autre AUSSI ! Des formules de société qui leur permettraient de se réapproprier une emprise sur le monde, emprise qu'on leur confisque en leur donnant l'illusion qu'ils en sont toujours maîtres, illusion fournie "clefs en mains" par l'intermédiaire de leurres virtuels. Une emprise sur le temps aussi. Se rendent-ils comptent qu'on ne dispose plus du temps nécessaire pour délibérer, pour réfléchir, pour proposer, pour construire, pour argumenter ? A part quelques ilôts dont ils n'ont pas connaissance. Se rendent-ils compte que les partis politiques vainqueurs, les candidats qui triomphent sont ceux qui ont le moins d'idées mais le plus d'images frappantes à vendre ? Car l'image va toujours plus vite que l'idée... Hélas ! Se rendent-ils comptent qu'on exige d'eux qu'ils aient des opinions rapides ? Il ne faut retenir que très peu... Il faut réagir et non agir... Prenez l'exemple du débat (?) sur les retraites. Dès que les images spectaculaires des défilés, des files d'attentes aux pompes, des casseurs ont été diffusées, on n'a quasiment plus parlé des retraites. La forme a pris le pas sur le fond. On avait des images... Tout allait bien... Se rendent-ils compte, et là les politiques ont l'absolue obligation de dire les choses telles qu'elles sont, que cette accélération de l'opinion devenue doxa n'est ni plus ni moins que la forme la plus aboutie du totalitarisme ? Totalitarisme d'autant plus inquiétant que nous ne proposons rien pour en combattre les effets néfastes.

Il existe pourtant, de par le monde, des associations, mouvements divers qui proposent d'autres formules de société (je déteste le terme de "modèle"!). Quelques-uns parmi d'autres : (et Google pour en savoir plus...) Cittaslow dont l'une des formules est la suivante : "La démocratie comme l'éducation a besoin de lenteur" (La seule ville de France à avoir signé la charte Cittaslow est Segonzac en...Charentes !... SlowFood... Le réseau Terra madre... Slow Life qui regroupe une constellation de "slow": Slow monney,Slow fish (contre la pêche industrielle); Slow Travel ; Slow Parenting ; Unplug Challenge ("Débranchez-vous régulièrement")... Qui connait les fondateurs de tous ces mouvements : Geir Berthelsen, Carlo Petrini,Christopher Richards ? Personne ou presque... Ils sont évidemment TRES dangereux pour la société du "Fast", du toujours plus "Fast"!

Hélas, pour le moment, ces associations n'ont quasiment aucun effet sur le monde tel qu'il va. Cittaslow ne regroupe que des villes de moins de 60 000 habitants. Quand, dans le même temps, les modèles urbains, y compris dans les pays en voie de développement, dépassent les millions d'habitants ; quand, dans le même temps, Apple développe à très grande vitesse ses applications pour Twitter, Facebook ou Meetic. La décroissance par un ralentissement raisonné n'est pas la voie choisie par les PVD, ni même par des dirigeants comme Evo Morales ou Lulla, pour ne citer que ceux-là.

Lycéens, jeunes, ralentissez, posez-vous... Observez le monde... Il est à transformer... Si tel n'était pas le cas, baissez la tête, priez si vous êtes croyants, espérez en sortir si vous ne l'êtes pas...

Nous allons droit dans le mur!


Dimanche 24 novembre : Sur les pas d'Epicure

L'image partout triomphe... L'écrit, s'il n'a rien perdu de sa puissance par le talent de nos journalistes ou écrivains, par l'amertume ou l'acidité de nos pamphlétaires, par les performances de nos chercheurs dans tous les domaines, laisse, néanmoins, une place de plus en plus large à l'image. Pour preuve la multiplication des écrans qui nous entourent, qui nous cernent. Ils sont partout ! Ecrans d'ordinateurs, de téléphones portables, d'Ipad, de téléviseurs... Ecrans des GPS, voire même des lecteurs vidéos pour les enfants à l'arrière des sièges des parents dans les automobiles de standing. Sans oublier les caméras, dans la rue, chez nous avec les webcam, chez nous pour surveiller l'entrée du portail, le jardin, la chambre de bébé, etc. Autant d'outils extraordinaires, utiles mais dédiés toujours à la déesse image. Il nous faut voir, il nous faut être vus. Nos plus jeunes élèves passent leur temps, lors des voyages scolaires, à prendre des photos avec leur téléphone portable. Le leur interdire est un leurre. Une illusion. On est loin de l'image de presse. On est dans l'instantanéïté. Saisir vite ce qui n'est plus après le clic...

Le XXIème siècle donne, dans ses balbutiements, raison à Epicure. Le déferlement des images noie le spectateur dans l'illusion de voir. Il croit voir. Mais il aperçoit seulement. Et il comprend mal. L'illusion... Toujours ! Certains, parmi ceux qui nous gouvernent ou veulent nous gouverner, sont passés maîtres dans l'art de la manipulation : manipulation de et par l'image.

Tout ce spectacle n'est que peu de chose, mais il reste dangereux, surtout pour les jeunes générations auxquelles hélas, on n'enseigne que trop peu la lecture des images qui les enferment. Dangereux par le contrôle qui est opéré grâce ou à cause des images. Contrôle des simulacres pour offrir d'autres simulacres.

Epicure les détestait... Le spectacle n'est rien ! Vivons sans l'inutile! disait-il... Suivons-le pour nous affranchir des mensonges qui nous gouvernent parfois... Souvent ! Et pas seulement par l'image...


Dimanche 17 novembre : Toute la jeunesse?

Il est question dans la presse de l'irruption de la jeunesse dans le conflit actuel sur la réforme des retraites. Je serai beaucoup plus nuancé. D'abord, TOUTE la jeunesse n'a pas fait"irruption". Car on oublie trop souvent que des milliers de jeunes de 16 ans travaillent déja, dans des petites entreprises, sans aucune possibilité de faire grêve. Raison supplémentaire pour multiplier les actions le samedi. On oublie également que presque tous les étudiants, donc des jeunes, jusqu'à hier (c'est à dire très tardivement), n'ont pas bougé. On oublie enfin que les lycées agricoles et professionnels (établissements dont on parle trop rarement) ne sont quasiment pas touchés par le mouvement. Seuls -ou quasiment- les lycées d'enseignement général sont affectés.

Loin de moi l'idée de nier l'importance du mouvement lycéen. Je le soutiens. Mais force est de constater qu'il est, non pas limité, mais circonscrit à des "populations jeunes" très précises.

Un regret pour finir... Les lycéens, depuis des années, ont des occasions en or de descendre dans la rue, de se révolter. Leurs organisations représentatives, pourtant, ne les ont JAMAIS appelés à bloquer leurs établissements pour combattre la précarité, le chômage qui touche principalement les jeunes, le scandale récurrent d'un système scolaire qui met à la rue (et non dans la rue) 130 000 à 150 000 jeunes par an sans l'ombre d'un diplôme en poche.

Curieuse jeunesse qu'on nous présente ces derniers jours comme si prompte à se révolter mais qui, sur le sujet qui la touche au plus près, au plus "incarné" d'elle-même, je parle de l'Ecole, ne se révolte jamais sinon pour demander toujours qu'on n'y touche pas, qu'on ne la transforme pas, malgré ses échecs... Mais peut-être ne lui a-t-on pas présenté d'autres modèles ? Sait-elle, cette jeunesse, qu'on peut enseigner et apprendre autrement ? Et bien d'autres sujets beaucoup plus immédiats par leurs conséquences que celui des retraites pourraient encore la faire bouillir...

Sans doute, et c'est une bonne chose, ont-ils trouvé dans le conflit actuel un prétexte pour exprimer, avec les adultes, un ras-le-bol de trois années de sarkozysme. Puissent-ils un jour se réveiller et porter leurs jeunes regards sur des réalités encore plus dramatiques et dangereuses pour leur avenir IMMEDIAT! Voire pour leur présent...


Dimanche 10 octobre : La langue française en danger !

Dans sa chronique du Nouvel Observateur en date du 7-13 octobre, page 51, Jacques Julliard nous parle de la langue française. Elle est, dit-il après tant d'autres, depuis si longtemps, "humiliée, ridiculisée, violée à tous les carrefours, réduite à l'état de petit nègre". Diable !

Les responsables par lui montrés du doigt sont dans l'ordre qu'il a choisi : les publicitaires, les professionnels de la télé (sic) et les politiques. Et puis - j'allais dire : bien entendu ! - il accuse, après Brighelli et Polony, sa collègue du Figaro, il y a parfois des rapprochements curieux, "la triste cohorte des pédagogos et des éducateurs marrons, qui ont anathémisé la dictée, le plus beau et le plus intelligent des exercices, dégoûté les jeunes de la lecture en substituant à Victor Hugo des notices pharmaceutiques et ravalé l'orthographe au rang de bimbeloterie inutile". Julliard, en verve, poursuit : "Alors, étonnez-vous qu'en bout de chaîne on trouve le pré-ado du 9-3 qui envoie pour toute déclaration d'amour à sa nouvelle petite amie un "Je T'M" en texto".

Puis il énumère les diverses formes du renoncement linguistique français. Il y a, d'après lui, danger. Les bases de la démocratie tremble sous les assauts. Et, dans une conclusion que vont apprécier les professeurs de lettres, notre chroniqueur affirme sans rire que notre langue c'est notre véritable identité ! Tout cela est une enfilade de clichés mille fois entendus et lus. Mais c'est Julliard qui les livre. Et, pour moi qui le lis toujours avec intérêt, je tombe des nues !

Je ne vais pas me fatiguer à contredire Julliard lorsqu'il s'extasie devant la dictée, "le plus beau et le plus intelligent des exercices", soi disant "anathémisée". Je me demande depuis combien de temps il n'a pas mis les pieds dans une école primaire ou un collège. La dictée y est pratiquée, je la pratique, d'autres la pratiquent. On y ajoute même, cher Jacques, d'autres exercices d'orthographe. Si, si... Je puis vous l'assurer ! Il existe une vie en dehors de la dictée...

Je ne vais pas m'épuiser non plus à rappeler à Jacques Julliard que l'étude des notices pharmaceutiques a peut-être été utilisée mais dans un nombre infinitésimal de cas (je connaissais la même allusion avec un mode d'emploi d'appareil ménager... voilà aujourd'hui la notice pharmaceutique... Pour enrichir la liste des rumeurs à venir, je propose la règle de jeu de cartes, le menu de restaurant, le programme de télévision - et non "télé" cher Jacques - ou la consigne de sécurité...). Il est bien connu que les pourfendeurs de la pédagogie adorent les exemples en petit nombre pour en faire des vérités générales. C'est du totalitarisme assumé... Pour votre information, cher Jacques Julliard, depuis la rentrée, mes élèves (ne prenons que ceux de 4ème d'un collège rural) ont rencontré :

- Prosper Mérimée

- Victor Hugo (mais si !)

- Nicolas Gogol

- Gustave Flaubert

- Guy de Maupassant

- Montesquieu (eh oui...)

Nous préparons également, avec les collègues de français des autres classes de quatrièmes, par groupes de trois ou quatre élèves, un spectacle de théâtre construit autour des grandes scènes du répertoire CLASSIQUE... C'est au mois de mars... Si vous êtes libre... Car voyez-vous, les professeurs de français en ont un peu assez d'être accusés sans cesse des âneries que vous énumérez ! Nous ne sommes pas parfaits, loin de là... Mais les élucubrations brigheliennes, cela commence à vraiment bien faire !

Je me "fendrai", pour terminer, d'une petite colère. Le pré-ado du 9-3 semble être, pour vous, le parangon de l'assassin de la langue française. A vous lire, le pré-ado du 9-3, pas celui du 7-8 ou du 2-4, non non, du 9-3, c'est précis, c'est localisé, c'est stigmatisé, ce pré-ado, donc, serait le seul à envoyer des mots d'amour en texto... Et bien, cher Jacques Julliard, sachez qu'on envoie des textos en SMS aussi depuis Neuilly, depuis Angers, Lyon, Toulouse, Rouen, Lille, etc. On en reçoit même, me suis-je laissé dire, depuis la rédaction du Nouvel Obs 

Ya enkor du taf !


Mardi 5 octobre : Qu'est-ce qu'on attend?

"...Il peut être impossible de motiver positivement un élève qui a le sentiment d'aller à l'école, comme d'autres entrent dans une prison. Tel, était mon cas. Même si ce terme va à nouveau vous fâcher, un enseignant a inévitablement aussi une fonction de maton !" Elysium (lu sur un forum)

S'il n'est pas totalement faux de dire que certains élèves vont à l'école contraints et forcés (Par qui ? Par les professeurs ?), que certains professeurs se comportent en matons (avec des élèves qui parfois ont un comportement de taulards... On tourne en rond...), l'immense majorité des enseignants de ce pays, et mes différentes rencontres et réflexions partagées m'ont amené à en interoger des centaines depuis 20 ans, sont des femmes et des hommes admirables qui n'ont qu'un seul "tort : être amené à enseigner des matières dont les contenus, notamment en primaire et au collège, sont dramatiquement sans rapport aucun avec une société dont LES complexités évoluent quasi mensuellement, voire plus rapidement encore dans certains domaines... Il existe un décalage absolument ahurissant entre l' "intérieur" et l' "extérieur", entre l'Ecole (au sens large et institutionnel) et le monde (au sens large aussi). Un monde que les élèves, devenus adultes, ne maîtrisent absolument pas, tant l'Ecole prend, peu à peu, de retard sur sa complexité. Et ce n'est pas parce que vous confierez un ordinateur à chaque élève de France que vous progresserez pour autant avec eux. L'ordinateur ? Mais c'est DEJA totalement intégré, voire dépassé, même s'il existe encore des familles privées de cet outil. Enfin, utiliser l'informatique (ordi, TBI et j'en passe), c'est très bien, à condition de s'en servir pour enseigner des contenus qui soient autant d'outils offerts aux enfants, à TOUS les enfants, et leur permettant de posséder les clefs de compréhension, donc d'acquisition, d'un monde dont, je le redirai souvent, la complexité, LES complexités, sont d'un tout autre ordre que celles d'hier. Entre le questionnement sur un robinet qui fuit ou sur l'explication d'un extrait de texte d'Hugo à "diviser en trois parties" (on a tous fait ça étant élèves dans les années 70 !) et les questionnements sur les problêmes de macro et micro économie, sur l'influence des Etas-Unis dans le groupe ALENA (en 3ème !), sur la place du narrateur coupé ou pas de la situation d'énonciation (en 4ème !), sur les différents acteurs du développement durable (en 5ème !), sur les mutations de l'économie française ces 50 dernières années (en 3ème !), sur les causes et conséquences de la faim dans le monde sub-saharien (en 6ème !), il y a un univers entier...

Et encore! Tout ce que je viens d'énumérer, pour être très contemporain, est, ou sera très vite, totalement dépassé, notamment en matière économique, scientifique, géographique, physique, chimique et même mathématique me confiait récemment un mathématicien très en "lumière"... Quant à la littérature, il faudra m'expliquer en quoi le fait d'étudier Hugo et La Fontaine (ce dernier souvent TRES MAL expliqué d'ailleurs, les Fables étant présentées encore parfois et trop souvent comme de petites comptines moralisantes...), auteurs absolument nécessaires, ne pourrait être accompagné de l'étude d'auteurs contemporains comme Houellebecq ou Sollers (en lycée... je cite ces deux-là par goût certes personnel mais on pourrait en citer cent autres)... Loin de moi l'idée d'abandonner les classiques ! Ils sont incontournables ! A condition d'entrer, grâce à eux, dans le XXIème siêcle... Le propre des génies littéraires étant d'avoir toujours anticipé et donc d'autoriser cette projection vers demain par leur intermédiaire !

Souvent on veut reproduire l'école d'hier, celle que nous avons aimée (je parle de l'école des années 60/75 dans mon cas), ou celle dont n'avons retenu QUE les bons souvenirs. Mais on ne refait pas l'Histoire. L'école a TOUJOURS émancipé, projeté, anticipé. Aujourd'hui elle ne fait que reproduire, plus ou moins mal, les échecs d'une société car les décideurs politiques n'ont pas le COURAGE de la faire basculer dans l'avenir !
Mais qu'est-ce qu'on attend ? Que l'on passe de 150 000 à 300 000 enfants sans diplômes par an ! Réflechissez vite et bien mesdames et messieurs les politiques !


Mardi 28 septembre : L'Ecole est morte !

Nous vivons la fin d'une Ecole rendue moribonde par la timidité des réformes, la frilosité des décideurs politiques (droite et gauche confondues), l'enracinement des syndicats dans un corporatisme d'un autre âge, le poids des habitudes dont les enseignants n'ont pas pu ou n'ont pas voulu se défaire.

Moribonde aussi, assassinée quasiment, par les récentes réformes, à commencer par cette absurdité qui a vu la suppression de la formation des futurs professeurs.

Si l'on n'y prend pas garde, cette mort risque bien d'entraîner quelques générations dans un deuil profond. Comme c'est le cas chaque année depuis des décennies puisque, il faut le dire et le redire encore, entre 130 000 et 150 000 élèves de ce pays sont laissés sur le chemin sans l'ombre d'un diplôme. L'Ecole produit de l'échec. Est-ce là son objectif? Certainement pas!

Rendue moribonde encore par une surdité récurrente. Longtemps les enfants de ce pays se sont levés, et se lèvent encore,de bonne heure pour subir un conditionnement plus qu'un enseignement. Les tenants de l'Ecole d'avant, celle où tout était soi disant mieux - mais "tout" quoi? "Mieux" que quoi?-, ont été écoutés. La pédagogie pourtant si nécessaire, incontournable, a été stigmatisée, responsable de tous les maux, sans discernement. Des groupuscules, souvent proches de l'extrême droite et de leurs obscurantiste message, ont véhiculé les pires caricatures. Allant souvent jusqu'au mesonge. Ailleurs pourtant, en Europe du nord par exemple, des professeurs et des élèves ont vécu une lente métamorphose qui les a menés au sommet des résultats. Incroyable même: ces élèves et ces professeurs apprennent avec bonheur. Quand en France, trop souvent encore, on ne dispense que des savoirs encyclopédiques par la contrainte. Comme si apprendre et être heureux étaient incompatibles. Alors qu'apprendre doit rendre heureux! Alors qu'apprendre, c'est aussi apprendre à être heureux!

L'Ecole est morte de n'avoir pas su anticiper. Les enfants de collège que j'ai devant moi chaque jour ne sont pas seulement à "conjuguer au présent". Il faut, c'est impératif, nous projeter dans leur avenir au risque de les perdre par des retards accumulés sur la vitesse de propagation des savoirs de plus en plus complexes. Toujours je pense à Céline ou Pierre, je les regarde et je les vois dans dix, quinze ou vingt ans. Je tremble alors de m'apercevoir que les programmes imposés verront leurs fondements obsolètes dans quelques très courtes années. Ces programmes sont à bruler! Tout doit être remis à plat, à la lumière des connaissances toujours changeantes dans un monde minuscule, de plus en plus contracté.

L'Ecole est morte d'avoir "engrillagé" les élèves à partir du collège dans des emplois du temps divisés, calqués sur ceux des lycées d'enseignement général. Le collège, ce maillon faible dans un corps malade. Le collège qui aurait du être l'objet de toutes les attentions et qu'on a abandonné!

L'Ecole est morte enfin de n'avoir jamais véritablement considéré qu'elle n'existait tout simplement pas! La métamorphose que j'appelle de mes voeux, avec Edgar Morin, avec Philippe Meirieu, avec bien d'autres, devra impérativement entraîner la prise en compte des diversités sociales, culturelles, géographiques, mais aussi prendre en considération la vitesse que chaque éléve peut maîtriser pour apprendre, acquérir. On ne demande pas à tous les enfants nés le 1er janvier 2000 de grandir au même rythme. Pourtant on impose à des classes d'âge entières d'avancer à la même vitesse!

Marche ou crêve... Et souvent crêve !


Lundi 20 septembre 2010 : La rentrée à toute vitesse !

La rentrée a eu lieu dans toute la France. depuis trois semaines déja. Tout passe vite... Chacun d'entre nous a pris, durant ses congés, de bonnes résolutions. Et puis il y a tout le reste, ce qui nous attend, la liste interminable des choses à faire. Déja nous nous apercevons que nous devons faire tout très rapidement... Et cette accélération, nous l'exigeons, volontairement ou pas, de nos élèves. "Dépêchez-vous" est sans doute l'injonction la plus répandue dans nos salles de classes. La vitesse est devenue la norme... Il faut commencer vite, travailler vite, terminer vite... Pour rentrer vite chez soi, consulter vite notre boite email, avaler vite une tasse de café, corriger vite un paquet de copies, jeter un coup d'oeil distrait et rapide sur le site du Monde.fr et de Libération, avaler vite son diner, et enfin, enfin, s'installer devant son poste de télévision en lisant un livre ou un magazine... Avant de passer la nuit pour se dépêcher de se lever et reprendre le rythme infernal imposé par l'air du temps... La vie n'est plus la vie... On l'écrit en SMS... A toute vitesse... Quant à nos élèves, bousculés, pressurés, hâtés et happés par les chronomètres de la chasse aux résultats, ils courent partout: à la recherche d'un car de ramassage, d'une salle, d'un coin pour s'isoler (quasiment impossible!), d'une demie heure pour déjeuner, d'une solution à tel exercice que le professeur réclame "pour dans dix minutes"... Prendre son temps, prendre le temps, il ne faut même pas y penser... D'ailleurs on n'y pense plus!... Le présent se comprime et plus on va vite, plus on ralentit... Incroyable et mystérieux paradoxe... A force d'accélérer, on remplit sa vie comme des pages de brouillon, on fait de nos élèves des "brouillons d'adultes"... C'est le temps de "l'adolescence rapide" pour citer le sociologue allemand Hartmut Rosa.

La journée d'un élève et d'un professeur au XXIème siêcle est une course permanente. Mais je pense ici davantage aux élèves qu'à moi-même. Ils ont entre dix et quinze ans et leur temps ne leur appartient pas. Ils vivent un "temps précaire"... Sans parler des mercredis après-midis occupés par d'autres obligations qu'il convient, évidemment, de remplir vite!... Cette oppression est une nuisance qui casse, plus ou moins violemment, les "identités narratives" (encore Hartmut Rosa)...

Je ne saurais trop conseiller, après cette première chronique que j'ai pris le temps -quel luxe!- d'écrire, la lecture de l'essai intitulé Accélération publié en 2010 aux éditions La Découverte et écrit par, vous l'avez deviné, Hartmut Rosa...

Enfants de tous pays, apprenons ensemble à prendre notre temps...

Dimanche 16 mai : Marianne publie ce jour une enquête intitulée : "France qu'as-tu fait de ton école ?"

Pour rappel, depuis des années ce magazine fustige en vrac :

- les pédagogues (appelés "pédagogistes") dont Meirieu serait le grand gourou et responsable de la "baisse du niveau".

- la formation des enseignants dans les IUFM. Sur ce point Marianne, Natacha Polony (partie au Figaro) et Brighelli peuvent être satisfaits: il n'y a plus de formation DU TOUT à partir de 2010! Nul doute que cela va améliorer les choses n'est-ce pas?.

- le principe de l'élève au centre du système, principe pourtant renouvelé très récemment pas la Cour des comptes dans un rapport sur l'Ecole.

Je laisse évidemment les lecteurs découvrir cette enquête qui, pour être intéressante et consensuelle par son constat établi depuis longtemps par les pédagogues, n'échappe pas hélas quand il s'agit d'aborder les causes du mal et les remêdes à ce même mal, aux poncifs habituels et aux erreurs manifestes et permanentes véhiculées par ce magazine. J'en ai relevé quelques-unes au fil de ma lecture. Je ne peux les commenter toutes tant elles sont nombreuses :

- Page 94 : le Bac est distribué: faux! Le Bac reste un examen difficile que ne passent que ceux qui atteignent ce niveau, c'est à dire très loin des 80% d'une classe d'âge! Beaucoup de français sont persuadés pourtant que "80% de TOUS les jeunes" ont le Bac !

- Page 95 : "Elèves et professeurs sont égaux": vieille réflexion qui de rumeur est devenue certitude. Un peu à l'image du "référentiel bondissant" dont Luc Cédelle a fait la brillante démonstration que la rumeur, le bruit qui court, l'invention pouvaient avoir plus de force hélas que la vérité toute nue. Jamais personne n'a dit ni écrit que les élèves et les professeurs étaient égaux!

- Page 95 : Plus de chronologie en Histoire: c'est absolument mensonger ! TOUS les programmes d'Histoire sont chronologiques. Les directives ministérielles sont claires sur ce point. Chaque chapitre est illustré d'une frise chronologique. Les étapes chronologiques de l'Histoire sont respectées! AUCUN enseignant de 3ème de collège par exemple ne commence par la crise de Cuba pour terminer par la guerre de 1914-1918! Aucun manuel d'Histoire n'ignore la chronologie!

- Page 106: "Le niveau baisse": mais Marianne confirme en même temps que 49% d'ouvriers obtiennent le Bac quand ils n'étaient que...2% dans les années 1930.

Et j'en passe! L'enquête cite aussi SOS Education (voir le blog de Luc Cédelle à ce sujet : http://education.blog.lemonde.fr ), le SNALC, revient une Nième fois sur le film La journée de la jupe et donne la parole à Philippe Meirieu dans un débat où la pauvre Claire Mazeron qui lui est opposée fait bien pâle figure.

Voila... Un long reportage donc qui, je le repête, a le mérite d'exister, n'est pas truffé seulement d'inexactitudes mais devient médiocre par les solutions qu'il effleure et qui sont toujours marquées par la démagogie d'une école fantasmée.
C'est dommage car si le diagnosctic est à peu près exact, les remèdes proposés vont tuer le malade si par malheur ils étaient appliqués.

Il est également dommage, mais là Marianne n'y est pour rien, que PERSONNE au PS ne s'empare en ce moment de ce débat. Quand La Cour des Comptes et les médias ne font que cela, nos politiques élaborent des projets de combinaisons qui n'ont d'autres ambitions que de se placer dans la course à l'Elysée... Triste opposition ! Mais c'est un autre débat...


Dimanche 9 mai : Débuter dans l'enseignement

Ci-dessous une interview d'Hélène Michelotto, jeune stagiaire IUFM (Mathématiques) ayant effectué son stage dans mon établissement. Interview réalisée par mes soins sans aucune prétention journalistique!

1) Tu termines ton année de formation. Celle-ci t'a-t-elle renforcée dans ta conviction, ta vocation de devenir professeure et quelle que soit ta réponse, pourquoi?

Oui complètement. Le contact avec les élèves est quelque chose qui me plaît vraiment. Certes, il y a des moments de tension qui ne sont pas évidents à gérer, un élève qui refuse de travailler, un autre qui refuse l’autorité etc, mais dans son ensemble je trouve que c’est un métier vraiment enrichissant.

2) Est-ce que tu as facilement pu établir des passerelles entre ta formation théorique (IUFM) et ta pratique sur le terrain au collège? Et si oui, lesquelles par exemple?


Nos formateurs n’étaient pas des personnes enfermées dans l’IUFM, en parallèle de leur travail de formateurs ils sont toujours en activité dans leurs établissements respectifs et c’est pour cela que je suis « scandalisée » quand j’entends que les IUFM sont déconnectés de la réalité ! C’est peut-être le cas en effet dans d’autres sections, j’ai eu des échos à propos de la formation des professeurs des écoles qui n’était pas très constructive ; mais dans ma discipline, les formateurs pratiquent leur discipline au quotidien et sont toujours au contact des élèves et des difficultés que l’on peut rencontrer. Ce sont en plus des personnes tout sauf blasées de leur métier, qui, on le sent en les écoutant parler, se remettent en question chaque jour et ont véritablement une passion pour cette profession. Au niveau de mes pratiques disciplinaires, l’IUFM m’a également beaucoup apporté. Des intervenants extérieurs (notamment des professeurs travaillant en parallèle dans un IREM) sont venus nous exposer leurs recherches, les « tentatives » qu’ils ont pu faire dans leurs classes, avec leurs attentes et leurs déceptions, et je pense qu’il est bien là le plus important pour une bonne formation : c’est de pouvoir partager et dialoguer avec des professeurs expérimentés sur nos pratiques.

3) Comment vois-tu l'avenir de celles et ceux de tes futurs collègues qui désormais seront privés de cette formation?


J’ai « la chance » de pouvoir comparer une année d’activité avec ou sans formation. En effet, l’année dernière je débarquais devant mes premières classes en tant que remplaçante contractuelle, autrement dit sans formation. Je me rends compte maintenant, avec la formation IUFM, grâce aussi à ma tutrice terrain (très importante également dans ma formation) à quel point c’est IMPOSSIBLE de commencer à enseigner sur un temps plein et avec une formation quasi inexistante. Je n’avais tout simplement pas assez de temps pour réfléchir en profondeur au programme, sur le « comment aborder telle notion », etc. J’ai balancé la définition de la racine carrée comme si de rien n’était, je leur distribuais des cours à trous, parfois issus d’internet. Mes élèves étaient perdus ! Et moi aussi ! J’étais en plus dans un établissement Réseau Ambition Réussite, les conditions étaient donc aussi particulièrement difficiles. Je plains donc sincèrement les futurs collègues qui vont commencer de cette façon et aussi, voire surtout, l’éducation nationale en général qui va voir arriver nombre de démissions de profs stagiaires, dégoûtés du métier et je ne parle même pas de nos élèves qui sont, au final, ceux qui vont en pâtir le plus.

4) Quelles difficultés te semblent-elles ne pas encore avoir été franchies et pourquoi d'après toi?


Je pense que l’une des choses les plus compliquées est d’avoir la ou du moins une réaction appropriée à telle situation. Du fait que l’on débute, quasiment chaque jour on se retrouve confronté à une situation nouvelle, qu’il faut savoir gérer tout de suite. Dans la vie de tous les jours je suis peu habituée à me laisser marcher sur les pieds et j’avais trop tendance au début, et même encore maintenant d’ailleurs, a trop prendre à c&oeligur les remarques que pouvait faire un élève et à réagir à chaud de façon trop brutale. Bien évidemment, il ne faut pas laisser passer des actes d’insolence, mais sans doute être plus modéré lorsque cela arrive et reprendre le problème à froid plus tard avec l’élève en question, qui aura lui aussi digéré l’épisode. Une autre difficulté, à laquelle j’essaie de trouver des solutions, est ce refus de certains élèves de travailler. C’est notre premier devoir que de mettre les élèves au travail et parfois il arrive que certains s’y refusent. Ces élèves peuvent avoir différents « profils ». Certains sont malheureusement complètement hors du système (absents la moitié de l’année par exemple), d’autres se disent que cela ne sert à rien, qu’ils vont de toute façon redoubler, et d’autres, qui ont de la volonté, mais qui, en ayant les lacunes des années précédentes et parfois personne chez eux pour les aider, vont se démotiver. J’essaie par contre de valoriser au maximum tout travail de leur part, même s’il n’est pas juste, pour ne pas les enfermer dans la peur « de mal faire ».

5) Enfin si tu devais donner un conseil et un seul à un futur prof, lequel lui donnerais-tu à respecter absolument et là aussi pourquoi?


Je conseillerais à un futur prof de bien veiller à instaurer un cadre dès le départ, être ferme, que les élèves sachent que c’est le prof qui est bien le maître à bord en leur fixant les règles dès le début de l’année et de surtout, surtout, s’y tenir. Les élèves attendent qu’on leur fixe des limites. On peut ensuite relâcher petit à petit mais il faut que les élèves sachent qui ils ont devant eux, non pas en instaurant un climat « autoritariste » mais en leur montrant que le prof est le garant de l’autorité, en la pratiquant toujours de façon juste car les élèves sont ultra sensibles à la moindre chose qui leur paraitrait injuste. Je finirais par une petite phrase venant tout droit de l’IUFM (paix à son âme) : « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis. »

Bonne route en tout cas à toi et mille fois merci d'avoir apporté ton enthousiasme et ta passion pour ce métier que tu as choisi de pratiquer !
Christophe


Samedi 17 avril : Violence scolaire : comme d'habitude !

Jeudi soir, le 15 avril, dans l’émission A vous de juger présentée par Arlette Chabot, nous eûmes droit à un nième débat ayant pour sujet : la violence scolaire. Comme d’habitude !

Comme d’habitude, les invités étaient censés représenter le monde éducatif. A vous de juger :

- Un ancien Ministre de l’Education Nationale (Luc Ferry),

- Un représentant du Parti Socialiste (Non non pas Bruno Julliard, pourtant en charge de l’Education au PS),

- Une proviseure de lycée manifestement très « liée » au précédent,

- Un principal de collège (dont l’établissement faisait l’objet quelques jours avant d’un reportage par jour sur France 2 aux environs de 13h15, établissement « exemplaire » des violences scolaires),

- Une professeure du SNALC (syndicat enseignant minoritaire très marqué à droite/ce qui n’interdit en rien qu’il s’exprime, mais il aurait été préférable, pour l’information des téléspectateurs pas forcément très au fait des sigles très nombreux qui envahissent le monde de l’Education, que cela fût dit),

- Un professeur de mathématiques.

(Au sujet du Principal de collège, on avait mal à le voir tenter, dès sa première intervention, de corriger l’image catastrophique qui fut donnée par France 2 affirmant, témoignages et images à l’appui, que son établissement était à feu et à sang tous les jours de l’année scolaire. J’imagine la tête des professeurs de ce collège découvrant un tel portrait à charges tous les jours pendant une semaine !)

Comme d’habitude, les personnels de surveillance n’étaient pas représentés. Tout le monde les réclame mais personne ne les convie aux discussions télévisées entre « spécialistes ». Ils en auraient des choses à dire pourtant nos chers(es) pions !

Comme d’habitude, une petite pique fut envoyée à Philippe Meirieu qui, comme chacun sait, est responsable de toutes les violences scolaires, du réchauffement climatique et de la disparition des dinosaures. Entre autres.

Comme d’habitude, et de plus en plus souvent, aucun représentant des observateurs de l’Education, journalistes (Emmanuel Davidenkoff, Brigitte Perruca, Luc Cédelle), pédagogues (Philippe Meirieu, Jean-Paul Brighelli -si si !-, Gabriel Cohn-Bendit), sociologues experts des problèmes liés à l’Education (Marie Duru-Bellat, Eric Debarbieux, Denis Meuret, Agnès Van Zanten pour ne citer que ceux-là) n’étaient conviés sur le plateau.

Comme d’habitude, aucune définition des violences scolaires ne fut donnée. On mélangea tout : violences d’intrusion ; violences entre les élèves ; violences des élèves à l’encontre des personnels éducatifs ; violences physiques et violences verbales ; incivilités...

Comme d’habitude on prit soin de ne surtout pas donner le chiffre qui chaque année est pourtant la première des « violences scolaires » : entre 120 000 et 150 000 élèves sortent de notre « merveilleux » système sans l’ombre du début du commencement d’un diplôme. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit de 120 000 à 150 000 perturbateurs violents et absentéistes !

Comme d’habitude, on prit soin de ne jamais - surtout jamais ! - mettre en question le « merveilleux système » ci-dessus nommé qui fut tout au long de la soirée défendu car, évidemment, aucun autre modèle structurel que le nôtre n’est possible !

Comme d’habitude, on fit la promotion d’un - bon - film, néanmoins caricatural et porteur d’un message d’une extrême dangerosité : La Journée de la Jupe. A contrario, pas un mot conseillant d’aller voir ou revoir Entre les murs, Palme d’Or au Festival de Cannes.

Comme d’habitude, on prit soin d’ « oublier » de parler de la casse de la formation des enseignants futurs. (Je ne doute d’ailleurs pas un seul instant que nombre des intervenants faisaient partie il y a à peine 6 mois encore de ceux qui disaient pis-que-pendre des IUFM aujourd’hui destinés à la disparition).

Comme d’habitude, on eut une ou deux bonnes idées : « Enseigner avec deux adultes par classe » proposa Luc Ferry. Personne n’osa lui faire remarquer qu’il faudrait embaucher beaucoup !

Comme d’habitude, personne ne rappela que le plus grand besoin des établissements dits « difficiles » était d’augmenter la présence adulte, en nombre mais pas seulement. En temps passé dans les locaux aussi ! Sujet trop polémique certainement !

Comme d’habitude ! Tristement comme d’habitude ! Du tristement politiquement très correct ! En France on ne pose plus les questions gênantes. Seulement celles dont connait déjà les réponses, y compris lorsqu’elles ne sont pas les bonnes, l’objectif de la classe politique étant la prise du pouvoir par le consensuellement mou, surtout pas par l’incitation du citoyen à l’engagement individuel courageux et audacieux pour une réussite collective nécessaire et urgente.


Samedi 27 mars : Du droit à la dérision

Libération et autres quotidiens ont récemment publié de longs articles illustrés d'incontournables propos experts au sujet de l' "affaire Guillon-Besson". Je ne reviendrai pas sur l'affaire en soi. Elle n'a que peu d'intérêt et agite surtout quelques élites -auto proclamées- politico médiatiques parisiennes (ou pas). L'avez-vous remarqué ? S'attaquer aux "parisiens" n'est plus toléré. En route donc pour un nouveau dogme, un de plus : les chroniqueurs parisiens, tout en ne franchissant jamais le périphérique, savent mieux que personne la vie des français de province... Soit... Mais avez-vous jamais vu un Barbier, un Aphathie, ou un Duhamel, micros en main, caméras sur l'épaule, se frotter au reportage de terrain ? Personnellement, j'attends toujours...

Mais revenons plus précisément à l'affaire... Besson ayant obtenu des excuses de France Inter après une nième intervention de l'incontournable Stéphane Guillon - cet homme est partout ! - qui n'eut pas l'heur de plaire au ci-devant Ministre. Et Libération de poser la question suivante : "Y a-t-il menace sur le droit à la dérision ?" Je laisse le soin aux lecteurs de Libération de découvrir l'enquête et les réponses produites ce jour (26 mars) pages 1 à 4. Quand même!... 4 pages pour ça... Mais bon... Pourquoi pas ? Ce qui m'ennuie le plus dans ce remue-méninges est la confusion qui est faite en permanence entre l'humour, la dérision et l'ironie. Ainsi qu'un oubli - aveuglement coupable quand il est volontaire - tout aussi continu : la puissance nouvelle par leurs multiplications et déclinaisons diverses des outils qui véhiculent les propos des "bouffons".

Quand un Bedos, un Coluche, un Le Luron, un Desproges, ne disposaient que de quelques plateaux, de quelques micros, un Guillon, un Canteloup, une Roumanoff occupent l'espace médiatique du matin au soir, sautillant d'une chaîne à l'autre, d'un micro à l'autre, voire d'une chronique quotidienne dans des journaux à une autre... C'est TOUS LES JOURS et plusieurs fois par jour que les français sont abreuvés des rires que l'on produit au kilomêtre, très souvent à juste raison puisque nos humoristes ont, en plus, du talent! Il existe même une radio entièrement dévouée au rire : Rires et Chansons...

Mais ce qui hier était encore humour d'artistes, même cruel (Il faut réécouter Desproges!) est devenu industrie de l'ironie méchante. Quand on ne verse pas carrément dans l'ignoble chez un Ruquier où l'invité "qui passe dans le fauteuil" vient en public se faire éreinter sous les rires d'un public complice dont l'esprit critique semble avoir été lobotomisé avant l'émission. Industrie facilitée par l'extraordinaire puissance offerte avec Internet qui cimente, verrouille, enferme les cibles, parfois consentantes, de la nouvelle geôlière de la pensée : l'ironie !

Car lorsque tous les jours, plusieurs fois par jour, tel ou tel homme ou femme politique se voit massacrer sous les flêches habiles des chroniqueurs-humoristes, il ne s'agit plus de rire. Il s'agit de procès politique, d'acharnement, que la victime soit de gauche comme de droite.

Ce qui m'inquiête n'est pas de pouvoir ou de ne pas pouvoir continuer de se moquer des puissants de ce monde. Mais de tellement produire de bouffonneries qu'elles en deviendront un travail à la chaîne, enclôsant les cibles dans les barreaux invisibles des moqueries de la foule convoquée à rire, obligée d'applaudir, interdite de siffler, de se retirer, de ne pas apprécier. Jusqu'au jour pas si lointain où on les autorisera à baisser le pouce ou à jeter des oeufs pourris sur les visages atrocement abimés des invités condamnés au pilori...

Les bouffons ne sont que l'autre face des rois... Ils devront se méfier d'acquérir trop de pouvoir, le plus dangereux d'entre eux étant celui de l'impunité et de l'absence d'auto critique. Qu'ils cessent de penser à leur gloire ironique pour privilégier enfin un humour véritable et précieux parce que rare...


Samedi 20 mars : Apprendre aux élèves à dire non, c'est défendre la pratique démocratique...

Des faits d'actualité relatés ces derniers mois et mettant en cause des élèves utilisant Facebook pour épancher leurs ressentiments à l'encontre d'enseignants m'amènent à penser que les convictions pédagogiques, "pédagogistes" diront certains, qui sont les miennes sont parmi celles qui portent les solutions aux problèmes qui minent l'école, mais au-delà, la démocratie.

Le rapprochement est sans doute audacieux, ma réflexion sans doûte iconoclaste, et pourtant... L'école tend à devenir de plus en plus un espace totalitaire. Un lieu où l'élève n'apprend qu'une seule chose : dire OUI. Oui à la parole du maître omniscient-expert, celui qui a raison. Il n'a pas d'alternative sinon celle de la révolte, de la transgression des interdits, de la désobéissance. Et tout cela bien entendu puni de manière disciplinaire, rarement éducative. On l'a vu avec les affaires Facebook : la sanction fut disciplinaire SEULEMENT ! Elle s'est immédiatement traduite dans l'esprit des autres élèves comme intolérable puisqu'indiscutable. Je parle de la sanction, pas de la faute qui elle est inexcusable! Elle pourrait être néanmoins souvent évitée en autorisant, c'est à dire en pratiquant l'autorité non seulement du OUI, mais aussi du NON...

Peut-être faudra-t-il un jour admettre que dire NON s'apprend aussi et que cela peut ou doit être toléré par l'enseignant. Apprendre à dire non, y compris aux maîtres/experts, c'est apprendre la démocratie. Celle où il est demandé de choisir et non d'accepter sans broncher l'avis des techniciens experts. Dire non en argumentant, en respectant l'interlocuteur, en réfléchissant aux conséquences, en pesant le pour et le contre. Bref en apprenant à devenir des citoyens responsables.

Or qu'apprenons-nous à nos élèves ? L'obéissance aveugle dénuée de toute réflexion, de toute mise en question. L'élève est et doit rester celui qui dit oui en permanence pour la seule raison que l'ordre ou l'avis vient d'en-haut. Il ne faut pas s'étonner si ensuite, dans la vie quotidienne, nos adolescents considèrent les outils technologiques de communication mis entre leurs mains comme des références auxquelles il est difficile de dire non. Facebook, Twitter, Google et autres sont devenus leurs maîtres à penser. Ils y obéissent. C'est nous qui le leur avons appris malgré les quelques mises en garde. Remettre en question Internet leur est aussi intolérable que leur est impossible de mettre en question la parole du professeur.

Et ce sont ces mêmes élèves qui n'iront pas voter plus tard, grossissant les rangs des abstentionnistes, car il n'auront pas appris à CHOISIR, à comparer, à contrebalancer, à opposer, voire à s'opposer. Ils seront en revanche des adorateurs absolus et dociles des apprentis dictateurs, ceux auxquels on ne peut donner qu'une réponse si facile : OUI !

En cela, NOUS mettons en danger la démocratie!


Mercredi 3 mars : L'honneur des enseignants

Depuis que les médias ont exhumé, pendant un temps, de leur mémoire les violences dites "scolaires" et alors que celles-ci n'ont jamais cessé depuis plusieurs années, alors que des milliers de collègues souffrent depuis des années (Qui s'en souciait à l'époque?), alors que des ghettos scolaires ont poussé au milieu des ghettos sociaux qui vont aller grandissant, on a réentendu, au sujet de ces élèves décidément intenables, la petite musique habituelle, lancinante et facile des "y'a qu'à les virer", "y'a qu'à les enfermer", y'a qu'à les frapper" (avec la fameuse petite sentence dite en souriant : "une petite giffle n'a jamais fait de mal à personne"... Ce qui reste à voir : à 52 ans bientôt, je me souviens encore des giffles humiliantes devant tout le monde, celles reçues comme celles données à mes camarades...).

On a réentendu les accusateurs publcs, du Figaro et de Marianne en particulier, ne cherchant pas plus loin que le bout de leur souris d'ordinateur, accuser pêle-mêle les IUFM (ils ont gagné puisque désormais on ne formera même plus les malheureux futurs collègues auxquels j'adresse de manière anticipée mon plus sincère soutien... Ils vont en avoir besoin!), les pédagogues, Meirieu en tête, Grand Satan responsable d'à-peu-près tout, y compris si on les poussait un peu du réchauffement climatique, les programmes, le niveau qui baisse, tous les ministres de gauche comme de droite, les syndicats (le taux de syndicalisation enseignante est TRES bas!), la télévision, Internet, les jeux vidéos... Ouf!

Les mêmes ont un rêve : épurer, oui EPURER, l'école française de ses mauvaises graines. Toutes celles et ceux qui ne se conformeront pas au moule, les plus faibles, les plus agités, les plus violents, les plus doués aussi d'ailleurs car dans le système il ne faut surtout pas être trop ceci ni trop cela, ça gênerait... Un rêve d'une école "light" ou "bisounours" d'élèves dociles, obéissants à tout, polis, pas trop faibles ni trop doués, avec des professeurs qui n'auraient rien d'autre à faire que déverser les savoirs dans les entonnoirs des bambins formatés. Yesssssss! Quant aux autres, disparus, envolés, définitivement condamnés. On pourrait alors lire des articles élogieux au sujet d'une école retrouvée, au niveau parfait, réduite au calme absolu. Une école factice et masquée...

Cette école-là, je n'en veux pas. Ce serait pour moi le pire des déshonneurs. Car l'honneur de l'Ecole publique et celui des enseignants est d'accueillir les enfants de la République quels qu'ils soient. L'honneur de la République et des élus est, non pas d'exclure pour une stigmatisation inévitable, mais de mettre en oeuvre tous les moyens humains et pédagogiques afin de respecter l'engagement des professeurs: être chaque jour avec nos élèves, d'où qu'ils viennent, quel que soit leur niveau, leur religion, leurs problêmes. Gardons-nous à jamais de diviser la jeunesse en groupes et sous-groupes. C'est le début d'un engrenage fatal pour l'avenir...

Pour parvenir à cela, il faudra, je l'ai souvent dit et redit, changer de logiciel, c'est à dire d'organisation, de méthodes, travailler en équipes, intégrer les parents et le monde associatif, le monde culturel, ouvrir les établissements et non en faire des sanctuaires "barbelisés", que sais-je encore... Une révolution totale... Une révolution nécessaire... Une révolution obligatoire...


Lundi 22 février : J'accuse...

L'incendie est allumé. Il court de collèges en lycées. En Seine-Saint-Denis, les actes de violence se multiplient. Les médias s'emparent du sujet. C'est leur rôle.

Le Ministère lui aussi s'organise. On annonce des Etats Généraux sur le sujet de la "violence scolaire". Les guillemets s'imposent car je conteste l'expression "violence SCOLAIRE". Mais là n'est pas mon propos.

Je me souviens aujourd'hui des pamphlets ravageurs et outranciers de Jean-Paul Brighelli qui, de La fabrique du crétin à Fin de récré, a entraîné l'opinion (les parents / les élèves / certains enseignants) à croire que l'Education Nationale était devenue un repaire d'enseignants laxistes, feignants et surtout pédagogues. L'horreur absolue pour ces accusateurs publics ! Le titre Fin de récré à lui seul est une accusation grave qui jette en pâture les enseignants et les désigne à la vindicte populaire. Pensez-donc ! A l'école aujourd'hui, on s'amuse plus qu'on ne travaille ! Il faut donc siffler la fin de la "récréation" !

Alors j'accuse à mon tour les Brighelli, Lafforgue, Le Bris, Boutonnet, Polony et leurs suiveurs d'avoir affaibli le corps enseignant, d'avoir sali par des propos, des articles et des livres l'ensemble d'une profession. Et, ce faisant, d'avoir obtenu l'effet exactement inverse de celui qu'ils affirment rechercher. En effet, ils ont participé à la dégradation de l'image des professeurs en travestissant notre métier, en interprêtant des résultats, des statistiques, en faisant d'exemples souvent invérifiables une généralité nécessaire à leur démonstration. Quand un parent d'élève lit Brighelli, Polony et autres procureurs, il est forcément horrifié et est amené (obligé?) à penser que, décidément, ces professeurs ne font plus rien, ne sont que des suppots de la pédagogie "Meirieu", l'éternel bouc émissaire. Que les enseignants, "déformés" par les IUFM aujourd'hui supprimés, sont les vrais responsables du malheur annoncé.

Oui, j'accuse ces gens-là de s'être trompés. Et d'avoir trompé l'opinion. D'avoir surtout dévalorisé notre travail quotidien et d'avoir ainsi démoli la confiance nécessaire qui doit cimenter tous les intervenants de l'école : enseignants, parents, élèves, surveillants, personnels techniques, administration. C'est par le dialogue et non par l'invective, c'est par des propositions raisonnables et non par de vieilles recettes, c'est par des constats honnêtes et non par des interprétations, c'est par le dialogue et non par l'injure à peine voilée que l'Ecole trouvera les voies de l'apaisement.

Revenons à la raison bon sang ! Et soyons inventifs et audacieux !


Samedi 13 février : Peut-on aimer ses élèves ?

La question posée brutalement ainsi peut sembler iconoclaste, inutile, stupide. Certains répondront immédiatement "oui évidemment", d'autres "mais non voyons!"... Me posant la question aujourd'hui bien que mon interrogation ne date pas d'hier, j'ai trouvé bien difficile la réponse. Car "aimer" est un verbe tellement polysémique. On aime un film, un plat, un paysage, un livre, un homme, une femme. Que sais-je encore?

Mais un enfant, un adolescent, quand ils ne sont pas génétiquement les vôtres, peut-on les aimer ? La réflexion devient encore plus complexe quand il s'agit de vingt-cinq à trente enfants, multipliés par un nompbre "x" de classes. Ils ne sont plus seulement alors des enfants mais des élèves, toutes et tous différents, assis devant vous dans une salle, huis-clos dans lequel se déroule chaque jour une pièce dont vous êtes l'auteur, le metteur en scène, l'acteur et dons les élèves sont les spectateurs. Idéalement, il est bon, voire absolument obligatoire, de les faire participer au "spectacle". Un bien étrange spectacle au cours duquel c'est l' auteur/metteur en scène/acteur qui évalue son public. L'inverse est parfois le cas.

Mais revenons à note question. Avant d'aimer ses élèves, il faut, c'est l'évidence aimer sa matière et son métier. le montrer ! Leur montrer ! La chose n'est pas si simple quand vos élèves prennent plaisir parfois à vous faire perdre pied. Là est tout l'art du pédagogue qui, tel Cyrano faisant taire ses adversaires par le talent de son verbe, entend peu à peu s'éteindre les bavardages et les gloussements pour un silence non pas engourdi et porté par l'ennui, mais par celui de l'intérêt et bientôt du dialogue.

Alors, le professeur se prend à transmettre son savoir mais aussi à mettre en avant les compétences de Salim et de Cécile, de Pierre et d'Hélène. A susciter leur curiosité, à corriger telle erreur pour rebondir et poursuivre. Alors le professeur se met à aimer celles et ceux qui partagent ce moment privilégié de cinquante-cinq minutes au cours desquelles s'opére l'alchimie consistant à élever son auditoire vers des connaisances et des savoir-faire.

Oui on peut aimer ses élèves. Il ne s'agit pas d'une obligation. Ce serait une erreur. C'est un "amour" qui se mérite et qu'il faut aller chercher sans cesse. En suant sang et eaux ! Non pas, surtout pas, pour en tirer une quelconque vanité prsonnelle, mais pour transformer un enfermement en une évasion vers la découverte de terres inconnues quelques minutes auparavant.

Aimer ses élèves, c'est aimer son métier. Enseigner c'est vivre ai-je écrit un jour. C'est vivre sa passion et la mettre à nu devant eux. Il faut mettre son âme et ses tripes au coeur de la séance. Cela s'apprend. Il faut être même d'une indécence contrôlée. Se donner sans se laisser prendre... Les prendre sans les violenter. Sans rien laisser passer non plus... Un exercice permanent d'équilibriste...

Evidemment, j'entends d'ici, et je les comprends, mes collègues chaque jour confrontés à des élèves "difficiles" au point de ne plus les supporter. L'actualité bruisse depuis longtemps de ces appels au secours de professeurs insultés, bousculés, frappés parfois. Il serait inconvenant de ne pas en faire cas. Et ceux-là, à juste titre, pourraient me dire: "Et l'amour dans tout ça ? A quoi sert-il ?"... Terrible question quand la réponse serait : "A rien!"...

Peut-être, je dis bien peut-être faudra-t-il un jour avoir le courage politique de faire de l'Ecole, dès la maternelle, non pas un sanctuaire mais un lieu des réapprentissages des repères perdus par des enfants perdus au milieu de nulle part. Irrécupérables dit-on en parlant de ceux-là... Je me refuse et me refuserai toujours à baisser les bras... Je ne peux pas, viscéralement, ne pas les aimer...


Samedi 30 janvier : Un nouveau concept : l'élève "vrai"...

Comme j'en ai pris l'habitude, voici le second texte de ma jeune collègue stagiaire IUFM, à laquelle je laisse volontiers la parole une fois par moi ici même.
Christophe


Lors d'un repas de midi dans la salle de restauration réservée aux professeurs... Les collègues sont en train de parler d’une des classes dont j'ai la responsabilité en mathématiques et, plus particulièrement, de certains de ses élèves, très brillants, notamment l'une d’entre eux. C’est alors qu’un des professeurs affirme à son sujet : « Elle, au moins, c’est une vraie élève ! ». Grand silence. Je croise le regard affligé d'un autre collègue qui me dit à voix basse : « Ah ! Je ne savais pas qu’il y avait de faux élèves. »
J’ai poursuivi mon repas la gorge serrée en pensant que, malheureusement, il y avait encore des enseignants qui pensaient ainsi. D’ailleurs, aucun autre professeur n’a réagi ou personne n’a osé, moi la première ! J’entends dire aussi parfois : « Il ne fait pas son boulot d’élève, je ne ferai donc pas mon métier de prof ! » Nous avons eu et avons, tout au long de notre carrière, une formation pour pratiquer notre métier (ce qui ne sera plus le cas bientôt !), il n’en existe pas pour devenir un « vrai » élève ou, du moins, un élève conscient que ses apprentissages requièrent une certaine méthodologie. Il me semble légitime et obligatoire de les accompagner dans ce lourd travail, car, bien souvent, un élève qui est "perdu" ne sait pas travailler. Comment fait-on pour apprendre une leçon ? Comment « s’entraîner » pour le prochain contrôle de mathématiques ? Par où commencer ? Et plus simplement, que veut dire « apprendre sa leçon »? Cela signifie-t-il l’apprendre par cœur, la maîtriser pour l’employer dans un contexte différent ? Face à toutes ces questions, il est normal que nous montrions et disions de manière claire aux élèves ce que nous attendons d’eux. C’est pour cette raison, me semble-t-il, que l’évaluation, non pas par une note (qui tombe comme un couperet et qui ne reflète qu'une partie de cette évaluation) mais par les compétences, trouve son sens.
Pendant ma scolarité, à chaque devoir-maison, à chaque contrôle, le couperet tombait. On devait être prêt au moment de l’interrogation, au moment où le professeur avait jugé bon de nous évaluer. Si untel ou untel avait eu besoin de deux heures supplémentaires pour comprendre, c’était trop tard ! Il fallait LA note ! Mais que signifie un 10/20 ? Que l’élève connaît la moitié de ce qu’il aurait dû savoir ? Ou la moitié de ce que l’enseignant attendait de lui ? J’ai peur que ce ne soit ni l’un ni l’autre ! Lors d’une interrogation, au moment où un élève a terminé et que je m’apprête à prendre sa copie, je la regarde et si je vois des erreurs je n’hésite pas à lui dire « relis bien la consigne de cette question ». Ils ont au départ été surpris que j’intervienne de cette façon pendant le contrôle (noté), maintenant c’est devenu « « normal » et ils guettent ma réaction quand je regarde leur copie. Je veux pouvoir laisser cette possibilité à un élève qui a lu trop rapidement l’énoncé, qui n’était pas concentré à ce moment-là, la possibilité de « retenter » et, généralement, ils sont plutôt reconnaissants car c’est aussi une manière de leur indiquer que l’interrogation n’est pas faite pour les piéger mais pour les faire raisonner et les mettre en action devant une situation.
La mise en place d’un socle commun de connaissances et de compétences pour les collégiens dès l’année prochaine favorisera peut-être cette réflexion à mener sur l’évaluation des élèves qui me donne, à chaque fois, beaucoup de fil à retordre !


Hélène Michelotto
Stagiaire IUFM
Certifiée Mathématiques


Mardi 26 janvier : Petite lettre d'adieu aux stagiaires d'IUFM


Chers collègues,

Notre Ministère ayant acté le fait qu'enseigner est un métier qui ne s'apprend pas, j'adresse cette "lettre" aux derniers stagiaires IUFM actuellement en situation de formation dans divers établissements scolaires auprès de leurs dévoués tuteurs. Les derniers puisque votre "espèce" est condamnée... à mort !

Adieu donc à vous toutes et tous qui avez choisi ce métier en ayant la conviction qu'il doit s'apprendre. Et qui l'apprenez avec passion, détermination, sérieux et courage. Manifestement ces qualités-là ne suffisent pas à nos décideurs. Plus exactement elles sont, à leurs yeux, parfaîtement superflues. Inutiles. Encombrantes. Dispendieuses...

Surtout dispendieuses... Car dans un Ministère, qu'est-ce que la passion de la transmission des savoirs comparée à des chiffres, des pourcentages, des courbes ? On compte dans les bureaux de Matignon et de la rue de Grenelle... On aime et on sue dans les écoles... Chacun ses problêmes...

Adieu aux Hélène, Vincent, François, Tahar, Mélissa, adieu à vous qui étiez le sang neuf de notre profession. Un sang vivifiant et mobilisateur. Aux anciens, à ceux en tout cas qui s'intéressaient à vous, vous apportiez vos enthousiasmes, vos doutes aussi et nous partagions ensemble. Cet échange demain n'existera plus. Effacé d'un trait de plume...

Avec vous, on enterre aussi les IUFM. Ces repaires de pédagogues, "pédagogistes" responsables de tous les malheurs avérés et supposés de l'Ecole. Puisque point n'est besoin de formation, autant détruire les outils ce cette même défunte formation... Pensez-donc: vous étiez "contaminés" par les Meirieu et autres chercheurs ! Les Sciences de l'Education ne proposaient que des gadgets ! A tout cela il fallait mettre un terme...

Bien entendu, nos futurs collègues, sans formation autre qu'académique et encyclopédique, devront eux-aussi être accueillis avec bienveillance par les anciens. Ils ne sont pas responsables de cette fin programmée, décidée. Notre devoir sera même de les aider. Ils vont en avoir besoin !

Tout cela est plus qu'absurde : c'est triste!

Je ne peux m'empêcher de penser à toi, Hélène, "notre" stagiaire, à ton sérieux, à ta conviction, à ta curiosité, à ta volonté d'apprendre, à ton amour du métier et des élèves, à l'attachement à ta matière, les mathématiques. A travers toi, c'est tout un pan de l' Histoire de l'Education qui va disparaître.

Prends conscience de ta chance... Les futurs enseignants n'en bénéficieront pas... Hélas...

Adieu donc et sans désespérer de l'avenir car je suis un éternel optimiste, utopiste et rêveur, préparons-nous à un futur pour le moins difficile...


Dimanche 17 janvier : Chronique de la vie d'une étudiante ordinaire

Vous l'avez sans doute croisée dans un escalier, dans un couloir de cette Université. Vous étiez assis à côté d'elle ou vous lui faisiez face en disant votre cours. Au milieu de cet amphithéâtre bondé, vous l'avez vue... Pas regardée... Vue comme tant d'autres... Elle s'appelle comment déja ? Céline, Hélène, Camille ou Dorothée ? Vous ne savez plus. Elle est une de vos étudiantes ordinaires. Ni plus, ni moins... Aucun chame particulier... Ou vraiment une étudiante ordinaire...

Et puis un jour, en plein milieu d'un oral que vous lui faisiez passer, elle a craqué : "Je n'en peux plus Monsieur de devoir payer mes études en faisant des passes à 100 euros de l'heure!"
Et elle s'est effondrée, puis a pris son sac, très vite... Vous avez à peine eu le temps de vous précipiter dans le couloir... Elle avait disparu... Vous ne l'avez jamais revue...

On ne sait pas aujourd'hui combien d'étudiantes (plus rarement d'étudiants) se prostituent - car il, s'agit bien de cela - pour payer leurs études. Les seuls éléments disponibles sont les offres de "services" qui pullulent sur les sites de rencontres et qui commencent pas : "Etudiante sexy et dans le besoin recherche moments agréables...". Le Ministère de la Jeunesse et des Sports, qui a créé un site Internet ( passe-passe.org ) pour prévenir les jeunes des risques liés à la prostitution) parle de 5000 à 50 000 cas de prostitution étudiante. En clair, on ne sait pas ! On ne sait pas mais cela existe ! C'est incontestable. Comme est incontestable le fait que la tendance est à l'augmentation des cas. La crise n'explique pas tout mais elle n'arrange rien.

Ce dimanche, à 20h45, CANAL + diffuse une fiction tirée de l'histoire vraie racontée par Laura D. dans un livre magnifiquement écrit et intitulée Mes Chères Etudes, Ed Max Milo, Paris, 2008. Vous plongerez dans un monde d'où le plaisir est exclu, rayé, nié, bafoué, un monde qui est à vos portes, au bas de votre escalier, peut-être dans l'appartement de votre si sage voisine, étudiante, prostituée...
Et terriblement seule !

PS : pour rappel, le racolage en ligne est interdit et passible de deux mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende. Pour certaines étudiantes, cela se termine ainsi...


Mardi 8 décembre : Et l'élève dans tout ça ?

TOUT projet éducatif d'envergure sera ambitieux ou ne sera pas. Il devra lever les verrous qui bloquent notre école. Que risquons-nous ? Rien ! Et pour renverser ces tabous, il faut un guide, une petite étoile, celle qui guide sur les routes difficiles. Cette étoile a un visage : celui de l'ELEVE ! Entre autres bien évidemment !

Mais quel élève? Celui que connaît l' administration centrale, c' est l' élève moyen. Celui qui serait tout à la fois :

• le lycéen d' Henri IV à Paris
• le jeune beur de Clichy sous Bois
• la petite fille surdouée de Carpentras
• le grand espoir du basket au lycée de Vichy
• la petite dyslexique du CM1 de Riom
• le fou d' informatique du lycée professionnel de Dieppe
• la jeune chinoise sans papiers depuis trois mois à Besançon
• la petite ado de Lyon qui ne rêve que de la Star Ac'
• le génie hyper actif de la maternelle de Melle
• le bon-en-maths-mauvais-en-français (ou inversement) de La Rochelle
• le rebelle décrocheur de Gennevilliers
• le jeune violoncelliste d' Orléans
• etc...

Ils sont 12 millions comme ça et chacun est un cas particulier. La Loi d' orientation de 1989 a permis de passer d'une logique de l' offre de formation à une logique centrée sur l' élève (beaucoup plus que l' "élève au centre du système", formule tant reprise et décriée) et sur la réponse à ses besoins. Les intentions sont là mais l'Education n'en a pas tiré les conséquences. Et tout particulièrement, elle a «oublié» de prendre les mesures nécessaires à la personnalisation de l' enseignement.La personnalisation consisterait à fonder l' ensemble de la structure et du fonctionnement d' un établissement scolaire sur la base de ce qui est nécessaire pour la progression optimale de tous, en identifiant et en respectant les différences. Chaque situation particulière devra être prise en compte (surdoués; hyper actifs; handicapés; jeunes artistes; enfants vivant une situation familiale particulière; etc...). Nous évoluons aujourd' hui dans une logique inverse, les élèves ayant pour fonction de remplir des cases administrativement créées alors qu' il faudra construire et déconstruire les cases suivant le besoin des élèves.

Pour personnaliser, l' enseignant devra être formé pour apprendre à détecter les différences, à adapter son enseignement par des pédagogies différenciées qui ont fait leurs preuves. Tel enfant de CP a peut être besoin de la méthode globale pour apprendre à lire; tel autre aura besoin de la syllabique, d' autres encore de méthodes mixtes. Construire une méthode pédagogique en fonction de nos élèves plutôt que de plaquer la même méthode à tous. Voilà une autre proposition à porter. C'est une révolution, non pas du "système", mais du logiciel qui lui sert de moteur.

Dernière étape à franchir : modifier l' organisation des établissements en fonction de chaque élève. Et c' est possible! Cela consisterait à généraliser une forme de « discrimination positive » dont voici quelques illustrations :

• tel élève a besoin quelques temps d' un encadrement individuel ou d'un tutorat,
• tel autre a besoin d'un travail en petits groupes (c'est ainsi que fonctionnent les cours de langues pour adultes, avec des résultats remarquables),
• pour tel cours ou telle activité, le travail en classe a lieu d'être,
• pour tels autres, le travail en classe n'a pas lieu d'être,
• la vitesse de chacun, que ce soit la vitesse choisie par l'enseignant comme celle subie par l'élève, doit être modulable. Et dans ce cas là, le redoublement, dont l'inefficacité est unanimement reconnue aujourd' hui, n'a plus lieu d'être non plus.

La mise en place d'enseignement personnalisé, comme cela existe dans la formation continue, pourrait être expérimentée pour l'apprentissage de l'anglais. Ce qui, soit dit en passant, permettrait d'atteindre l'objectif défini pour les langues vivantes par l'audit de modernisation de 2006 : (que tout le monde fait mine de ne pas connaître) : « 100 pour 100 des lycéens français doivent avoir obtenu leur certification B2 (utilisateur autonome) à l' horizon 2010 dans au moins une langue vivante ». (Source : Rapport sur la grille horaire des enseignements au lycée général et technologique : mission d'audit de modernisation. Inspection Générale des finances, Inspection Générale de l' Education Nationale, La Documentation Française 2006)

Dans le système actuel, avec notre mode d' organisation des établissements scolaires, avec nos impératifs d'enseignement et avec nos habitudes, malgré 1000 heures d'enseignement tout au long de la scolarité, l'objectif fixé par cet audit est tout simplement utopique. Comme beaucoup d'autres !


Mardi 1er décembre : Internet, un procès d'un autre âge !


Depuis quelques temps déja, quelques intellectuels comme Alain Finkielkraut ou des politiques comme Jean-François Copé, s'en prennent en termes très violents à Internet. Pour le premier, "le web est la poubelle de la démocratie" ; pour le second, c'est "un danger pour la démocratie". Bien d'autres encore sont cités cette semaine dans l'enquête menée par Le Nouvel Observateur pages 12 à 20. Pour tous ces procureurs, Internet est un danger. Bien entendu, aucun n'en demande l'nterdiction ! Mieux même, la majorité d'entre ceux-là dispose d'un blog où ils publient de longs articles, dont certains fort intéressants.

Ce procès en rappelle d'autres, d'autres âges... Celui qu'on fit à Gutenberg, "inventeur" de l'imprimerie en occident ; celui qu'on fit aux philosophes des Lumières coupables, forcément coupables, d'ôser vouloir rendre accessible la culture au plus grand nombre. Ces hommes là faisaient peur, déja, aux détenteurs des savoirs. Peur d'en être dépossédés...

Le procès actuel fait à Internet n'a pas de sens. Pas d'autre objectif à mes yeux que de voir une nomenklatura parisienne se réapproprier les outils de la diffusion des savoirs. Oh bien entendu, on trouve tout sur Internet. Le meilleur mais aussi le pire. N' est-ce pas AUSSI le cas dans n'importe quelle librairie ? Même de qualité. Aux cotés de joyaux littéraires, on peut sans problême lire des stupidités absolues ! Doit-on exiger la fermeture immédiate de toutes les librairies de France ?

Internet est un outil de plus. Il convient de l'enseigner, de l'apprivoiser, de l'utiliser avec toute la distance critique nécessaire. Cela s'apprend. Cela doit s'apprendre dès l'Ecole. Le procès des Finkielkraut et autre Copé est un combat perdu et inutile. Il pointe les dérives, et seulement les dérives, du net. Il accuse à charges et seulement à charges. Est-ce là une belle image du débat démocratique ? Du débat que tout intellectuel doit avoir d'abord en lui-même afin de ne pas sombrer dans l'inquisition.

Le net, Internet, la toile, le web, appelons le comme on veut, regorge de merveilleuses pépites. Il permet aussi les contre-enquêtes comme celle menée ici au sujet d'un récent "fait-divers éducatif" :

http://www.letudiant.fr/etudes/lycee/contre-enquete-sur-laffaire-des-lyceens-qui-voulaient-changer-de-prof-a-jean-lurcat-19803/contre-enquete-sur-laffaire-des-lyceens-qui-voulaient-changer-de-prof-a-jean-lurcat-18670.html

Alors messieurs les procureurs, inquisiteurs, auto-proclamés propriétaires de la "vraie" et seule culture, s'il vous plait, un peu de modestie ! Vous n'êtes possesseurs de rien, de rien d'autre que vos brillantes compétences que nul ne conteste, que vous savez pourtant partager vous aussi sur le net. Que vous DEVEZ partager ! Le procès en sorcellerie, les anathèmes récurrents que vous lancez sur les plateaux de télévision ou dans la presse quotidienne ne font qu'alimenter...la toile ! Et vous en êtes en général fort satisfaits ! Cela augmente en général vos chiffres de vente...

Je vous lance donc ce défi : supprimez vos blogs! N'intervenez plus sur AUCUN site Internet ! Exigez l'interdiction de toutes vos publications sur la toile ! J'attends...


Dimanche 22 novembre : Hélène ou "la conteuse de mathématiques"

Depuis quelques temps déja j'avais envie de partager la parole. De travailler en équipe... En collège ou en lycée ce travail est rendu quasi impossible par l'organisation même des emplois du temps qui laisse peu de place à autre chose que des discussions agréables mais rapides autour de la machine à café. Sans parler des lieux absolument pas pensés pour permettre de fructueux échanges, non seulement entre enseignants mais aussi entre tous ceux qui interviennent, de près ou de plus loin, dans l'éducation des élèves.

Alors, une fois par mois, je laisserai ma place à une jeune collègue, encore stagiaire IUFM mais dans le grand bain à plein temps dès l'année prochaine. Ce qu'elle dit, la manière qu'elle a de le dire me semblent dignes d'intérêt à l'heure où, nous affirme-t-on, le métier d'enseignant ne s'apprend pas...

Christophe Chartreux


                                 
Toute nouvelle recrue de l’éducation nationale (à un remplacement près l’année dernière pendant trois mois), j’avais envie de parler des élèves et de leur rapport aux mathématiques. De tous les professeurs que j’ai pu avoir, aucun n’a réussi à éveiller ma curiosité. Les mathématiques étaient une vieille chose figée qui était née à un instant "t" et tout de suite morte après. Tout cela venait d’où ? Mystère ! Les nombres étaient apparus d’un coup de baguette magique, comme les demi-droites, les parallèles et les drôles de propriétés qu’on devait apprendre. Comme si tout cela était naturel. Je ne voulais pas être prof de maths au départ, mais professeur des écoles, ce métier me paraissant plus varié. Et puis finalement j’ai préféré travailler avec des ados. Vendredi, premier cours avec les sixièmes depuis les vacances de Toussaint. Sur mon casier : "Prévention contre le tabagisme" annulée ! Evidemment, pendant les vacances j’avais planifié mes cours en fonction de mes activités et des salles à ma disposition. Je rallonge donc d’une séance le chapitre.

Sur le moment, je rogne comme tout professeur qui se respecte (je commence à prendre des mauvaises habitudes) puis émerge l’idée de continuer en douceur cette partie du programme. Ainsi, lors de la prochaine séance pourrai-je faire des activités plus ludiques et définitivement plus intéressantes que ce qui est actuellement en cours (perpendiculaires et parallèles), même si (j’ai de la chance!) c’est une classe qui aime assez les maths et en particulier la géométrie. Je leur annonce le programme : « On finit la fiche d’exercices, on écrit une phrase dans le cours et ensuite nous passerons à une activité qui je pense devrait vous plaire ». C’est alors que la magie opère : Matthieu, Chloé, Valentin, Emmanuel, Charlotte, les plus faibles comme les plus forts, finissent en quelques coups de crayon la fiche d’exercices et le moment de l’écriture du cours se fait dans un silence anormalement religieux. Ensuite je leur projette au tableau des illusions d’optique... Surprise des élèves. Puis je leur annonce « maintenant on va essayer de faire cette figure ». Je leur projette alors une tête de hibou au tableau. « Ouaaaaah! » Petit plaisir de prof. Le lendemain, Matthieu, élève avec qui le début d’année n’a pas été évident, vient me voir pour me dire qu’il a finit sa tête de hibou la veille et Charlotte m’offre très gentiment une illusion d’optique qu’elle a faite elle-même. Grand plaisir de prof. Petite pensée à mes anciens enseignants auxquels j’ai dû demander une centaine de fois « à quoi ça sert les maths ? », question qui ne vient même pas à l’idée des élèves quand on leur explique par exemple l’origine des nombres ou quand on leur montre l’utilité de la géométrie pour faire de jolies figures (uniquement pour le plaisir des yeux).

Je me rends compte que c’est maintenant que je prends du plaisir à faire des maths. C’est maintenant que je découvre tout ce qu’il y a derrière, l’histoire des maths, comment sont nés les nombres, d’où viennent ces mots qu’on utilise en permanence (perpendiculaire, cercle...). Les mathématiques sont avant tout à conter aux élèves, pour susciter leur curiosité et leur montrer que leur Histoire remonte aux premiers hommes (eh oui, les hommes préhistoriques avaient déjà leur propre système de numération) et qu’elle est encore aujourd’hui en constante évolution.

Hélène Michelotto
Professeur Certifiée Mathématiques/Stagiaire IUFM


Dimanche 15 novembre : De la pitié avant toute chose ?

L'air du temps est de plus en plus vicié par une pollution nouvelle à laquelle même l'écologie ne fait pas allusion : la pitié. La pitié dont se pare le Président de la République entraînant à sa suite en bataillons zélés les Ministres intègres, les militants fidèles jusqu'aux français "moyens" trop heureux de partager un sentiment si noble qu'on ne pourrait discuter au risque de passer pour le pire des égoïstes.

Pourtant cette pitié médiatiquement entretenue ne se vit pas au quotidien. On partage de moins en moins. Votre voisin de palier peut mourir demain. Peut-être ne vous en apercevrez-vous même pas ! On entend les sanglots longs d'un Président toujours prompt à faire don de sa compassion. Comment d'ailleurs ne pas accompagner cette compassion ? La Victime est un "produit" vendeur... Et c'est atroce ! On va jusqu'à l'Ecole primaire pour oser envisager parrainer un enfant victime de la Shoah (le projet fut heureusement abandonné sous la pression de l'immense Madame Simone Veil) ou pour faire lire chaque année la lettre, admirable, de Guy Môquet...

Je relisais il y a quelques jours Hana Arendt. Dans Essai sur la Révolution, celle-ci évoque la "cruauté de la pitié". De cette pitié qui travestie en vertu, uniquement en vertu, devient alors complice des excés de violences les plus inacceptables. Robespierre fut vertueux au point d'en devenir lui aussi assassin. Espérons ne pas un jour en arriver là... Ne pas en être déja là...

Le monde, chaque jour, est secoué par le drame : individuel et collectif. Ici un salarié se suicide, vaincu par la "pression" ; là un tsunami, un attentat emporte cent, mille, dix-mille personnes dans la mort. Là encore, un fou furieux poignarde au hasard quelques passants innocents. Et la presse, c'est son rôle, relaie et bouleverse l'opinion. Nos gouvernants alors s'emparent de la pitié, victimisent à outrance et s'en vont justifier, de plateaux en micros et à longueur d'articles, les répressions à venir... Puisque l'opinion le demande et pleure avec le pouvoir, donnons-lui de quoi étancher sa soif de lois qui peu à peu deviennent liberticides. Les lois vertueuses dictées seulement par une compassion permanente sont dangereusement contraires aux buts qu'on leur assigne. Une loi n'a pas à répondre à l'opinion.

Elle doit prévenir en amont pour empêcher l'aval des punitions judiciaires qui remplissent nos prisons sans régler jamais le moindre problême ! Pire, elles en créent d'autres! Alors s'empilent des propositions de lois, puis des lois, puis des décrets d'application de Lois certains JAMAIS signés ! Et disparaissant dans l'oubli...

Un monde décidément... impitoyable !


Dimanche 8 novembre : Du désir à la pulsion

Je viens de lire un ouvrage, passé trop inaperçu à mon goût, écrit par Bernard Stiegler (philosophe) et Serge Tisseron (pédopsychiatre), intitulé : Faut-il interdire les écrans aux enfants ?, Edition Mordicus. Alors qu'aujourd'hui un enfant de 12 ans passe 1200 heures par an dévant un écran de télévision, et de télévision seulement, quand il n' en passe que 900 à l'école, toujours pendant un an, la question mérite en effet d'être posée.

Pour Tisseron, la télévision ne présente pas les dangers que beaucoup lui attribuent. L'enfant contemporain, né après l'arrivée des nouvelles technologies informatiques, maîtriserait bien mieux que ses parents et à fortiori ses grands-parents l'outil "télévision". On parle même, pour cette génération, de Digital Natives.

Le discours de Bernard Stiegler est tout à fait à l'opposé. Il n'hésite pas à parler d'addiction aux écrans. Une addiction alimentée par les professionnels du marketing qui, par des méthodes savantes, sont parvenus à remplacer le désir par la pulsion. Les cibles visées sont, en outre, de plus en plus jeunes. J'ai par exemple découvert récemment l'existence d'une chaîne dont les programmes sont exclusivement destinés aux 3 mois / 3 ans ! (Baby First TV). On entre là ans le "Digital NEW Natives"! A quand des émissions que pourraient suivre nos bambins avant même leur arrivée dans ce monde quand même passablement fou ?

Les pouvoirs publics seraient bien avisés de réfléchir, de proposer, de légiférer afin de rendre au désir la place qu'il perd peu à peu, qu'il a perdu pour toute une génération. Entendre nos députés débattre du désir... Voila qui ne pourrait qu'attirer les... caméras ! Mais, avant de légiférer, sans doute serait-il temps que l'Ecole, oui encore elle, s'empare de cet apprentissage de l'écran. Le monde associatif, l'Education Populaire pourraient, en même temps, informer et instruire des parents qui, chaque matin, allument la petite lucarne, machinalement, comme on appuie sur le bouton de la machine à café... par pulsion. Quand ce ne sont pas les enfants eux-mêmes scotchés, télécommande en main, devant des programmes souvent affligeants dont on a même supprimé les génériques afin de maintenir nos chérubins "en éveil"... Afin, aussi, de leur imposer des publicités elles-aussi très ciblées.

Lisez ce petit livre qui confronte deux visions et faites votre choix... Le mien est fait... A la pulsion, je préférerai toujours le désir !


Jeudi 5 novembre : Sur "l'identité nationale"

"Dans mes classes, lorsqu'on aborde même de loin ce sujet, les petits immigrés rigolent en disant:

" Nous on n'est pas français, on est là par hasard "

Ceux qui sont français d'origine immigrée disent:

" Moi je suis français mais c'est comme ceux qui ne le sont pas !" " C'est bien pour l'égalité mais c'est de la théorie , on est arabe et on le reste "

Ce qui les intéresse c'est leur avenir professionnel, leur pouvoir d'achat. La nation ils s'en foutent. Ils savent qu'elle n'est pas pour eux. Sauf peut-être le sentiment d'appartenir à une communauté de beurs pour partager le racisme, l'echec scolaire etc...

Je ne pense pas qu'il faille se saisir de ce débat "bessonneux et bessonard"

Il vaut mieux que cela fasse flop ! Car les vrais sujets sont ailleurs."

Tels étaient les propos d'une amie internaute. Ils se terminent par l'affirmation suivante : "Les vrais sujets sont ailleurs". Beaucoup pensent et disent, en effet,que les "vrais sujets" sont ailleurs. Mais il y a autant de sujets importants que de Français. Et établir une échelle "d'importance choisie" entre tel ou tel sujet revient à toujours mépriser celle ou celui qui n'est pas touché par le thème en question.

Même la presse semble en contradiction avec elle-même. Un seul exemple le 3 novembre. Libération consacre une partie de sa "une", les pages 10 et 11 entières, une page entière encore en rubrique REBONDS (page 20), au débat sur l'identité nationale. La plupart du temps pour nous dire aussi que les vrais sujets sont ailleurs. La "privatisation" de la poste par exemple. Voila un sujet qui touche tous les français, au coeur du quotidien. Sauf que ce sujet passionnant fait... cinq lignes et demi avec une photo d'Aubry page 15. En clair, Libération, comme l'immensité des "penseurs" de gauche ne veut pas de ce débat mais ne parle que de ça ! Comme toute la presse écrite, comme toutes les radios, comme tous les sites internet dont les articles sur le sujet "Identité nationale" font le plus de "buzz". Les "vrais sujets sont ailleurs" ? Peut-être... Mais attention ! Il existe un rapport très étroit entre les valeurs (et symboles) de la République et le pouvoir d'achat. (ou tout autre sujet du "quotidien").

Revenons un instant à mon amie internaute qui me dit ceci (et elle est loin d'être la seule) : "Ce qui les intéresse c'est leur avenir professionnel, leur pouvoir d'achat. La nation ils s'en foutent. Ils savent qu'elle n'est pas pour eux. Sauf peut-être le sentiment d'appartenir à une communauté de beurs pour partager le racisme, l'echec scolaire etc." Les derniers mots sont terriblement vrais, hélas. Ce qui prouve que ces enfants-là ont un problême avec l'"identité", même pas nationale. Non ! Leur identité dans la communauté nationale. Avec leur identité d'enfant au milieu d'autres enfants.

Identité dont le problême - et c'est le discours majoritaire auquel je veux ici apporter un bémol sans le contredire en totalité - serait réglé par la résolution des questions sociales. Donnez leur du pouvoir d'achat et tout sera réglé ! Je caricature la pensée de mon amie internaute mais c'est quand même ce que je lis ici, là et partout ailleurs. La question sociale serait à elle-seule la clef unique permettant de surmonter le débat bessonien. Elle en est une clef, une parmi d'autres clefs, dont celle d'un attachement compris et expliqué aux symboles d'une République généreuse, ouverte et métissée.

Mais nous vivons une époque d'individualisme social. Dire et accepter que seul le pouvoir d'achat pourra rendre à tous les exclus (car il n'y a pas que les immigrés ou d' "origine immigrée" qui appartiennent à cette catégorie multiple d'exclus) leur dignité de citoyen reconnu par la communauté, c'est accepter et encourager cet individualisme social dans lequel chacun se compare et s'étalonne en fonction du nouveau "dieu" : le pouvoir d'achat. Que les enfants de la classe de ma collègue s'intéressent à leur avenir professionnel et à leur pouvoir d'achat, quoi de plus "naturel" ? Je le conçois et le comprends absolument. Hélas, le danger vient du fait qu' il ne reste que cela à des enfants dont les repères sont les étalages des rayons de supermarchés ! On a abattu, et nous en sommes satisfaits dans une République laïque, les théocraties. Il n' y a plus de Dieu au-dessus de nos têtes capables d'acueillir nos colères comme nos espérances. En tout cas à l'école publique et laïque, Dieu est mort.

Mais un autre l'a remplacé. Il s'appelle "consommation". Exister, pour certains élèves ou adultes, c'est d'abord consommer, acheter, posséder. La seule valeur reconnue, c'est la paire de NIKE ou le dernier blouson ADIDAS. NIKE et ADIDAS, entre autres marques, devenus les nouveaux anges.

En clair, nous sommes aujourd'hui, sans repères ni valeurs autres que celles décrites ici, dans le "capitalisme pulsionnel" cher au philosophe Bernard Stiegler. Mais un capitalisme pulsionnel qui se heurte en même temps, de manière frontale, violente et explosive aux limites du consumérisme, consumérisme parfaitement compris par nos élèves, encouragés par les professionnels du commerce qui par le biais du packaging ou de l'agencement des rayons poussent les parents à céder aux pulsions de leurs chères têtes blondes, brunes ou autres.

Alors, quid des symboles de la République? Je pense que ces symboles peuvent et DOIVENT, par l'Ecole, par l'Education Civique (matière délaissée y compris par l' Education et par bon nombre d'enseignants, il faut le dire), apporter un "plateau d'équilibre" à la seule pulsion mobilisatrice de l'esprit aujourd'hui : la pulsion d'achat. Je suis persuadé que donner toute sa place aux symboles d'appartenance à une communauté dite "nationale", et la donner à toutes et à tous, permettrait, non pas de résoudre tous les problèmes liés à l'exclusion, mais, au moins, d'offrir à ceux-là qui n'ont plus QUE le pouvoir d'achat comme preuve de leur existence d'en avoir d'autres (car je ne nie pas l'importance SOCIALE du pouvoir d'achat) qui soient d'autres preuves de leur existence tout court parmi la communauté nationale. Et ces autres valeurs, pulsionnelles aussi mais sur la durée ont leur place dans les symboles suivants :

  • L'Ecole publique
  • La Langue
  • La Laïcité
  • La Liberté
  • L'Egalité
  • La Fraternité
  • L'Hymne national (non pas comme un chant de guerre mais bien comme un chant d' union)
  • Le Drapeau

Délaisser ces symboles, les mépriser, les cacher, s'en détourner par peur de dérives nationalistes, c'est l'assurance d'offrir les générations futures en sacrifices au nouveau Dieu : le consumérisme. Il y aura BEAUCOUP de victimes !


1er novembre : Reprenons le flambeau de Blum

Dans les banlieues (que je connais très bien pour des raisons de vie personnelle), le débat sur l'identité nationale est très attendu. Car si les Dupont-Durand n'ont aucun problême d'identité nationale, il faudrait quand même comprendre que les Tarik-Boubacar en ont et en souffrent tous les jours ! C'est eux qui vivent dans les cités HLM dortoirs où pas un seul moralisateur anti-débat (Moscovici et Mamère en tête) ne voudrait déménager pour y vivre, ne serait-ce qu'un mois !

C'est eux dont les enfants sont dans des écoles ghettos où les profs (je sais : je suis prof d'Histoire-géo en collège) enseignent les symboles de la République et s'entendent répondre : "M'sieur, on s'en fout de vos symboles ! C'est pas notre République !". Ecoles et collèges-ghettos renforcés par la carte scolaire "nouvelle formule" que nos chers syndicats n'ont que très timidement contestée. Jamais entendu le moindre mot d'ordre de grêve contre ça. Par contre, "Des moyens ! Des moyens !", ça oui ! On ne dit jamais pour quoi en faire mais il faut des moyens ! C'est un dogme !

C'est eux qui sifflent (60 000 sur 80 000 spectateurs) la Marseillaise. Non d'ailleurs ! Ce n'est pas la Marseillaise qu'ils sifflaient ce soir-là au Stade de France, mais cette France qui les rejette tous les jours avec maintenant une gauche qui a peur de s'emparer du débat pour ENFIN faire le procès de la politique de Besson et autres ! Emparons-nous justement de cette "grenade" que Besson nous offre sur un plateau ! Investissons les réunions ! Retournons le miroir vers leurs défauts ! Vous verrez alors notre cher Besson trembler sur ses bases. Reprenons le flambeau de Léon Blum (ça dit quelque chose à Moscovici et au PS ça?) qui retourna le procès de Riom contre Vichy et l'occupant à tel point que les audiences furent suspendues !

Au lieu de ça, certains à gauche nous disent sans rire : "Mais non, il n'y a pas de problêmes d'identité nationale !" Allez dire ça dans les cités ! Vous vous faites casser la gueule ! Bien sûr que si, il y a des problêmes d'identité nationale !

Enfin si nous parlions d' "identité citoyenne et sociale" à Besson ? En lui posant ces quelques questions :

- Pourquoi les prisons françaises sont-elles remplies de jeunes immigrés ou Français issus de l'immigration alors que les universités et grandes écoles n'en accueillent que très peu ?

- Pourquoi la Police ne contrôle-t-elle que les français d'origine immigrée à la sortie des gares de banlieue ?

- Pourquoi les offices HLM orientent-elles systématiquement les familles d'origine immigrée vers les cités-ghettos ?

- Pourquoi les collèges-ghettos ont-ils les résultats les plus faibles ?

Tant d'autres questions encore qui ont des réponses et des solutions !

En avant bon sang ! La droite vient de commettre une erreur tactique monumentale ! Que la gauche n'y ajoute pas la honte du ridicule par le silence ! (Merci à Ségolène Royal d'avoir été l'une des rares à gauche à dire qu'il fallait s'emparer ce de débat pour justement faire le procès d'une politique d'immigration, d'une politique tout court. Elle n'a pas peur, elle...)


29 octobre 2009 : Identité nationale ou "identité citoyenne"

Eric Besson a donc décidé de relancer le débat au sujet de l'identité nationale. Oublions un instant les arrière-pensées électoralistes évidentes. Ce débat (qui sera organisé sur le modèle de la Démocratie participative : consultation des citoyens ; remontée des débats par les préfectures ; synthèse) peut être intéressant, même s'il est très dangereux. Dangereux pour le gouvernement et le Président de la République qui vont ainsi démontrer, à leurs corps-défendant, que le siphonnage des idées de l'extrême droite n'avait d'autre objectif que de remplir la "cagnotte" électorale du candidat Sarkozy. Les électeurs, les sympathisants et les "égarés" du FN ont là l'occasion de faire entendre leur différence. Malheur à Eric Besson qui manie l'incendie sans être certain que les lances fonctionnent !

L'identité nationale est un sujet d'une complexité très ancienne. Platon et Aristote, déja, en ont parlé sans parvenir à des conclusions satisfaisantes et admises par l'ensemble. Quant à l'époque contemporaine, parler d'identité nationale dans un pays, la France, dont 22% de la population compte un parent étranger reste un tour de force. D'autant plus brouillé qu'Eric Besson y a ajouté, adroitement, les questions du drapeau, de la Marseillaise et de la burqua.

Je ne crois pas à l'identité nationale. Je crois en revanche à une "identité citoyenne". Qui a les mêmes fondements, les mêmes valeurs que l'identité dite "nationale" mais qui a le mérite d'ajouter la responsabilité, l'action, la prise de position, la reconnaissance de l'autre à égalité de chacun, la solidarité, la fraternité et l' "identité sociale partagée". Liberté-Egalité-Fraternité... Cela vous dit quelque chose Monsieur Besson ? Je vous pose la question sans malignité aucune. Je crains seulement que comme beaucoup de ceux qui évoquent l'identité nationale, vous ne parliez d'elle qu'en pensant D'ABORD à celles et ceux qui en seront exclus !

Quant à la gauche en général, et au PS en particulier, ils doivent se saisir de ce débat pour ENFIN faire entendre leur différence. Rejeter le débat, comme les Mamère ou Moscovici souhaitent le faire, serait une erreur. Une de plus !

Ne prenons que l'exemple du drapeau. Ségolène Royal s'attira les foudres et les railleries lorsqu'en 2007 elle osa demander aux français de montrer leur attachement à la France par l'utilisation occasionnelle des trois couleurs. Les pires absurdités ont été dites. S'il n'est pas dans notre culture d'accrocher un drapeau en permanence à nos balcons (comme aux Etats-Unis), est-il sain de laisser l'un des symboles républicains commun à tous aux seules mains des supporters d'équipes sportives et aux membres du Front National ? Il est quand même extravagant que la gauche ait oublié que le drapeau français était AUSSI celui des soldats de Valmy, celui des poilus suppliciés et sacrifiés de 1914-1918, celui des résistants de la France Libre, ces trois couleurs qui couvraient le cerceuil de Jean Moulin "entrant ici" au Panthéon sous la voix de Malraux, celui qui flotte partout sur les bâtiments publics de la République, celui qui flotte au fronton de nos ambassades partout dans le monde, celui qui flotte Outre-Mer, celui que les marocains, algériens, sénégalais, africains francophones et francophiles, indochinois, ont défendu jusqu'au sacrifice ultime pour vaincre la barbarie... Celui enfin que chaque enseignant de France évoque lors des cours d'Education Civique. Que devons-nous dire à nos élèves ? (La question s'adresse à la gauche). Qu'il faut être fier de ce drapeau mais qu'il faut le cacher et ne pas s'y reconnaître ? Contradiction funeste !

L' "identité citoyenne" doit être défendue par la gauche face à une "identité nationale" excluante. Avec l' "identité citoyenne", c'est TOUTE la communauté qui sera reconnue, sans exclusive. Sans nationalisme dangereux et populiste. Des citoyens responsables appuyés aux valeurs républicaines communes et constitutionnelles :

Un hymne
Un drapeau
Une devise
La Déclaration des Droits de l' Homme et du citoyen...

Du CITOYEN !


26 octobre 2009 : De Google à Mandiargues...

Une mère d'élève, bon chic bon genre de province, femme de médecin "en vue", me disait il y a quelques jours :
"Nos enfants ne savent plus écrire, ni lire! Tout cela par la faute d'Internet, de Google!".

Je ne me souviens plus de la réponse que j'ai formulée. Il y a douze ans naissait Google. Il y a aujourd'hui un monde avant Google et un monde après. Lequel des deux est le meilleur des mondes ? Je pense, contrairement à une partie de l'intelligencia française, contrairement à Alain Finkielkraut, que l'outil Internet dont Google est l'une des entrées peut, comme n'importe quel outil, être expliqué et compris par nos élèves. SURTOUT par nos élèves très ouverts aux nouvelles technologies. Je me souviens des torrents de boue qui ont été déversés sur le malheureux stylo BIC lorsqu'il fit son apparition et remplaça peu à peu le porte-plume puis détrôna même le stylo encre. On peut le regretter avec des sanglots longs dans la voix. Pourtant que de belles dissertations j'ai lues écrites au stylo BIC. Même au stylo BIC.

Alors oui, mille fois oui, il faut absolument permettre à nos élèves, dès l'école primaire, de s'emparer d'Internet et de Google. Ne pas le faire serait tout simplement une hérésie, un contresens historique majeur. Nous pourrions, nous les enseignants, regretter longtemps d'avoir laisser nos enfants à l'écart de la révolution informatique. Ce serait faire des ces élèves des adultes aveugles et sourds, handicapés. Ce serait aussi laisser Internet et Google aux seules élites, à tous ceux qui craignent pour leur magistère. Car si l'on trouve des écrits et images absolument lamentables sur la toile,on peut y découvrir de véritables perles, en très grand nombre. J'y ai lu des articles, des textes, des poèmes merveilleux. Ecrits par des anonyme ou des artistes plus connus. J'y ai vu des photos d'une beauté saisissante. Tout cela en quelques sauts de sites en sites, comme on feuillette des livres chez les bouquinistes des bords de Seine. Google et Internet sont eux aussi des bouquinistes et l'internaute flâne pour s'attarder parfois le long des quais informatiques.

J'y ai lu des lettres d'amants improbables. Jamais sans Google ni Internet je n'aurais découvert cette correspondance de Nelly Kaplan et Andre Pyere de Mandiargues rassemblée dans un livre débordant d'une vérité lumineuse comme peuvent l'être les étincelles du regard dans les yeux des amants. Lisez et relisez Ecris moi tes hauts faits et tes crimes chez Tallandier Paris 2009.

Internet et Google, bien appris et maîtrisés, ne sont d'aucun danger. Si c'est un risque d'offrir au plus grand nombre ce qui jadis était réservé à quelques uns, alors je veux courir ce risque!

A corps perdu mais à espoir retrouvé...


Le 18 octobre 2009 : Le chant des muezzins…

Il est bon, salutaire même, de parfois sortir de l'actualité. Ce que ne savent plus faire les grands médias, les chaines de télévision et de radios, les grands quotidiens de la presse écrite qui, pour la plupart, analysent le "premier plan", beaucoup plus rarement l'arrière-plan. Pourtant, comme l'affirmait hier Serge July sur France Culture aux environs de 22 heures, c'est cela le journalisme : traverser le premier plan pour donner à voir et à comprendre les arrières-plans. (1)

Alors je lève la tête et je vous parle aujourd'hui d'autre chose que de Jean Sarkozy, de la crise économique, des suicides à France Télécom, des malheurs du Parti Socialiste, de la "réforme" du lycée, du Prix Nobel d'Obama ou du championnat de France de football. Je vous parle aujourd'hui du chant des muezzins...

J’ai pendant seize années, les seize première de ma vie, entendu les chants des muezzins. Le Maroc, Royaume chérifien du Commandeur des croyants, est, chaque soir, chaque matin, rappelé à ses devoirs religieux par les mélopées obsédantes des prières coraniques lancées du haut des minarets vers la terre musulmane. C’est le Haut qui parle au Bas. Et le Bas se prosterne d’Agadir à Tanger, de Casablanca à Fès, de Marrakech à Meknès, de villages à villages, de bleds en bleds jusqu’aux confins mystérieux des sables sahariens.

Enfant, je n’ai jamais cru. En Dieu. En quelque Dieu que ce soit. C’est sans doute la raison pour laquelle j’aimais tant entendre l’appel à la prière. Moi l’occidental enfant d’Afrique du nord, je goûtais la musique de ces hommes invisibles qui n’existaient que par la voix. Je savais ce qu’ils disaient. Je le comprenais. Mes parents ont eu l’idée si généreuse de me faire apprendre la langue du pays qu’en son temps nous, les français, avions mis à genoux. Moins que l’Algérie voisine mais quand même… A genoux ! A genoux, comme en prière… Celle des Chrétiens…

Plus tard, j’eus l’occasion de lire le Coran, la Bible et quelques autres textes que l’on dit « fondateurs ». Je n’en suis pas plus croyant qu’auparavant. Pourtant, il y a dans les sourates du Coran, surtout quand la voix des muezzins descend les escaliers de la vieille ville d’El Jadida, rebondit joyeusement dans la palmeraie de Marrakech, s’insinue dans les ruelles de Rabat, envahit les souks de Marrakech, enveloppe le silence du désert près d’Erfoud, comme un envoutement qui, si vous n’y prenez garde, peut vous prendre tout entier, corps et âme, et vous faire croire en Dieu ! Le temps d’un chant du muezzin… Peut vous rappeler aussi que, dans ces pays misérables souvent, il ne reste qu’Allah pour vous sauver du reste… Ce reste qui se résume à rien pour des peuples affamés du matin jusqu’au soir… Et Dieu rafle la mise !...

Si vous voulez entendre ce que j’écoutais le soir au Maroc, ne manquez-pas le spectacle donné cet été au Festival d’Avignon, dans un Cloître heureusement choisi pour cette « rencontre » :

Radio Muezzin par Stefan Kaegi. En tournée en France et en Belgique de décembre 2009 à mars 2010 et du 16 au 20 février 2010 au Parc de la Villette à Paris

Nul besoin de connaître la culture nord africaine, nul besoin d'être mystique pour apprécier ces mélopées envoûtantes... Allez-y, écoutez... C'est tout... Vous sortirez alors du "premier plan"...

(1) A lire: Faut-il croire les journalistes? Regards croisés de trois grands professionnels passionnés sur ce métier difficile et exposé, Auteur Edwy Plenel, Jean-François Kahn, Serge July, Editeur Mordicus, septembre 2009


Le 11 octobre 2009 : Les bas-fonds...

J'ai longuement hésité à exprimer une opinion sur ce qu'il faut désormais appeler "l'affaire Mitterrand". Hésité car nous sommes là dans les bas-fonds de plusieurs lieux différents.

La vie privée d'un homme d'abord. Et elle est intouchable. Jusqu'au jour où cet homme-là se met à nu dans un livre, basculant de son propre chef dans le domaine public. Tant qu'il n'était qu'un homme de spectacle, de télévision, rien ne pouvait l'atteindre. La célébrité permet de pratiquer la liberté en dépassant les limites interdites aux communs des mortels. Privilège... Roman Polanski, lui-aussi impliqué dans une ancienne et sordide histoire, fut d'abord maladroitement défendu par ses amis au nom de son talent - indéniable - et de sa notoriété, de son douloureux passé aussi, comme si ces hommes-là étaient des Dieux dans un Olympe sordide hanté par des orgies que ne renieraient pas Néron ni Caligula... Les "amis" en question ont depuis fait machine-arrière... On n'est jamais trop prudent...

Les bas-fonds de la politique aussi... L'intervention de Madame Le Pen, qui déclencha la tempête, n'avait d'autre objet que d'abaisser, d'avilir, d'accuser en public, de lyncher. Alors la meute, par l'odeur du scandale alléchée, des partis aux journalistes, des sites Internet aux blogs, de radios aux plateaux télé, la meute se mit en route... Il fallait prendre le gibier, l'acculer, le détruire. Quelques-uns furent dignes et préfèrèrent se taire ou nuancer le propos. D'autres enfoncèrent le poignard en une curée sanglante. Et la politique, l'analyse, le commentaire disparurent sous l'excès. C'était à celui qui serait le plus vulgaire, le plus hypocrite, le plus veule... Les bas-fonds de la Rome antique avant sa destruction! En rejoignant la "bête", les chasseurs à leur tour devenaient "animaux"!...

Alors bien sûr, l'accusé est ministre de la République. Il représente, à ce titre, le pays et sa Nation. Si demain un enseignant venait à écrire la moitié, le quart, le dixième de ce qui apparaît dans le livre de de Frédéric Mitterrand, il serait immédiatement mis à pied, puis interrogé, puis jugé et enfin condamné. Mais "selon que que vous serez puissant ou misérable"... La Fontaine déja avait anticipé... Est-ce à nous néanmoins, à la presse, de réclamer des têtes? Non! Que le Président de la République, en son âme et conscience, fasse la part des choses. C'est lui le décideur. Et, quelle que soit cette décision, qu'il montre enfin qu'il sait être aussi et surtout responsable.

Les bas-fonds... Oui, j'ai quelque peine, comme me le disait encore ces jours-ci une amie, à reconnaître mon pays. Le pays des Lumières... Elles sont bien tamisées depuis quelques temps... Tamisées comme les lampes bon marché diffusant tristement des éclats aguicheurs dans les bars thaïlandais, ces bars où des enfants, garçons et petits filles, hommes et femmes, toutes et tous à-demi nus, attendent leurs clients dégueulés des charters... Des charters de Bangkok!...


Le 4 octobre 2009 : L'assiduité des élèves ne s'achête pas mon Petit Nicolas !

Le Petit Nicolas est donc sur les écrans. Je parle évidemment du héros de Sempé et Goscinny. Un Petit Nicolas que j'ai trouvé bien lisse, bien propre sur lui et pour tout dire, bien fade. Même Le Figaro s'est ennuyé au spectacle de cette France de la fin des années 1950 où tout semblait si calme. Du moins veut-on nous le faire croire... Un calme apparent dans lequel s'ébrouent des enfants et parents qui, quelques années plus tard, enverront tout promener. Mais de cela il n'est pas question. Le temps semble suspendu, entre parenthèses, arrêté même. On eût aimé savoir ce que cette "belle époque" où seules les mèches étaient rebelles allait enfanter dix années plus tard : un Nicolas en pantalon pattes d'éléphants balançant des pavés sur les casques des "CRS/SS" et des parents largués ou partis vers Katmandou d'où ils reviendront dépressifs de n'avoir pu adapter leur karma occidental à une civilisation aux moeurs décidément bien trop contraignantes pour être partagées.

Je me demande, puisque je parle du Petit Nicolas - le héros de Sempé et Goscinny... je le précise encore pour éviter de fâcheuses confusions - ce que celui-ci aurait pensé de cette expérimentation consistant à offrir une cagnotte aux classes dont le taux d'assiduité sera le plus élevé dans l'Académie de Créteil. Outre le fait qu'on est là dans le degré zéro de l'imagination, qui depuis longtemps n'est plus au pouvoir remplacée par le pragmatisme le plus froid et tranchant, cette mesure, mon cher Petit Nicolas, ôte tout sens à ce qui fait l'Ecole et l'Education : le lien entre le professeur et l'élève, lien fondé sur la transmision "gratuite" des savoirs sans autre gratification que la satisfaction d'avoir "bien fait", d'avoir réussi, d'avoir franchi avec l'aide du maître telle ou telle difficulté. Quel regard portera cette classe si "assidue" sur ses professeurs et quel sera le degré de confiance de ces professeurs devant une assiduité aussi peu spontanée ? Ah mon Petit Nicolas... De ton temps, on n'aurait jamais vu ça n'est-ce pas ? Sauf que de ton temps, ces élèves-là "trimaient" déjà à l'usine ou dans quelque garage sentant l'huile et le métal. Ah la "belle époque"!

Le sens de l'Ecole, si cette mesure venait à être étendue, serait dévoyé. C'est extrêmement grave ! Comme est suicidaire le fait de prendre le risque de rompre le "contrat non écrit", contrat de confiance mutuelle entre le maître et l'élève. Oh je ne suis ni dupe ni naïf ! Oui beaucoup d'établissements scolaires connaissent un absenteïsme récurrent et inadmissible. Mais n'est-il pas plus inadmissible encore d'acheter la présence d'élèves plutôt que mettre en place les outils - qui existen t- permettant de donner sens aux apprentissages. Cette idée saugrenue - et je suis aimable - est une injure faite au corps enseignant. Car que dit-on en palimpseste aux professeurs de ce pays? "Puisque vous êtes incapables d'intéresser vos élèves, alors nous allons acheter leur présence". C'est tout simplement une honte ! C'est la reconnaisance implicite d'un échec généralisé, échec des élèves, des professeurs, des parents, du Ministère, de tout le monde ! C'est un abandon, un repli en rase campagne, un manque de courage politique. C'est aussi la désignation de boucs-émissaires, les enseignants, les pédagogues... mais on se trompe (volontairement?) de cibles ! En évitant soigneusement de mettre en question les méthodes, en évitant soigneusement de mettre en oeuvre une "politique du sens", on se voile pudiquement la face et on laisse le terrain au mercantilisme, à l'appat du gain facile. Car être présent en classe pour SEULEMENT gagner la cagnotte ne signifie nullement qu'on intéressera ces élèves.

L'attention et l'assiduité d'un élève ne s'achêtent pas! Il faut aller les chercher... Avec les dents ! Et avec des outils PEDAGOGIQUES !


Le 27 septembre 2009 : Quelques symptômes d'une France "fascisée"...

Le titre peut choquer, scandaliser. Les guillemets sont pourtant le seul bémol que je me permettrai au cours de cette réflexion. Non la France n'est pas un pays fasciste. Les libertés fondamentales, malgré quelques entorses ici ou là, sont maintenues et préservées ! Non le Président de la République n'est pas fasciste ! Ridicules sont ceux qui l'en accusent  ! Pourtant, certains signes tendent à indiquer que si l'Etat n'est pas fasciste, la société française tend à se "fasciser".

- Le Premier Ministre, chef du Gouvernement, est inexistant, donc invisible et inaudible. Il a quasiment disparu du paysage politique. Souvent même il est contredit. C'est un collaborateur du Chef de l'Etat.

- Les ministres sont de simples porte-paroles. Dans TOUTES leurs interventions, le nom ou le titre du Chef de l'Etat doit être dit et redit. Il faut, de manière dogmatique, qu'entre dans les esprits des français l'idée que le Chef dirige tout, impulse tout, qu'il est le guide quasi infaillible. Voir les propos de Mr Raffarin ci-dessous :

Leadership et contre-pouvoirs par J.-P. Raffarin
www.carnetjpr.com/2009/09/21/leadership-et-contre-pouvoirs

N’est-ce pas un mauvais signe, au moment où les députés veulent affirmer l’hyper parlement ? Avec Nicolas Sarkozy, nous vivons une mutation institutionnelle. Nous sommes entrés dans un système que j’appelle la « république du leadership ». Le président concentre ses pouvoirs, assume ses responsabilités, communique sa politique et va même jusqu’à, en partie, animer l’opposition. Il est au coeur du système et, au total, les Français acceptent bien, en période de crise, ce mode de fonctionnement car il est lisible, efficace et lève certaines hypocrisies institutionnelles. C’est un système politique que Tony Blair a installé, que Barack Obama pratique, qui correspond à une certaine modernité : une personne incarne une politique. (...)

On a souvent l’impression que Nicolas Sarkozy mène une politique contre sa majorité. Ne tire-t-il pas trop sur la corde ? Il nous a dit l’autre jour, juste avant d’annoncer la taxe carbone : « Il est normal que je sois en avance sur vous, car je suis votre leader. Si ce n’était pas le cas, je serais suiveur. » Il considère que son rôle est d’être sur le fond en décalage « maîtrisable » avec sa majorité, car toutes les grandes réformes ont été faites par des responsables en avance sur leur temps. C’est le leader qui montre le chemin.

- Le Parlement est aux ordres.

- Les médias nationaux les plus lus, écoutés et regardés diffusent à longueur de journées, de pages, de commentaires, les idées venues d'en-haut. Ceci sans opposition forte, l'opposition étant muselée par des divisions internes et fuyant le rassemblement pourtant nécessaire et vital pour elle-même comme pour nos institutions.

- Les puissants de ce pays sont l'objet de toutes les attentions quand, en même temps, les plus défavorisés souffrent jusqu'au suicide parfois.

- Le débat politique est faussé par l'absence d'esprit véritablement critique. A part quelques intellectuels courageux mais peu souvent invités à débattre sur les plateaux de télévision d'où les émissions politiques ont disparu, c'est l'ironie, la raillerie et la "grosse rigolade" qui ont remplacé les analyses de fond. Les Ardisson et Ruquier ont remplacé le journalisme d'enquête. L'ironie permanente a enfermé l'intelligence, qu'elle soit de droite ou de gauche.

- Notre télévision, pour beaucoup unique moyen d'accès à la culture, d'ouverture sur le monde extérieur, est d'une consternante et affligeante nullité. La réforme de l'audiovisuel commencée en 2008, qui a entre autres décisions interdit la publicité après 20h sur les chaînes publiques, a entraîné la mort violente de très nombreux projets. TF1 connait une érosion de télespectateurs telle que la direction est aujourd'hui prudente. Toutes les autres chaînes, y compris sur la TNT, ressortent d'anciens concepts ou les adaptent en faisant appel à quelques "vieilles gloires". Mais le danger est ailleurs : dans la vulgarité prmanente qui prend le français "moyen" pour un français idiot ! Qui efface petit à petit son esprit critique. Il faut très rapidement voir et revoir le chef-d'oeuvre visionnaire de Sydney Lumet, Network. Une idée de programmation ? Chiche!

- L'Education est peu à peu minée par la culture du résultat, et si possible du résultat immédiat. Dans "élève" il y a "élever" ! Or, aujourd'hui, il ne s'agit plus d'élever les consciences de la jeune génération mais de la formater pour entrer dans le moule sociétal prévu pour elle. Et tant pis pour celles et ceux qui n'entrent pas dans ce moule. Ils sont éliminés.

- Les dernières déclarations du Président de la République lors de son interview multidiffusée (le "lapsus coupable") suivie d'une mémorable "avoinée" à l'encontre de Madame Arlette Chabot sont celles d'un chef de parti, certainement pas d'un Homme d'Etat.

Je pourrais multiplier encore les exemples d'une société qui n'a plus que l'apparence d'une vraie démocratie vivante, ouverte et accueillante. Diverse aussi. Mais qui a désormais le visage glacé du pragmatisme, de l'efficacité, de l'immédiateté, de la rentabilité, du profit facile sous l'oeil implacable de "big Brother" multiplié en caméras de surveillance. Le visage aussi d'une société qui, en toute impunité, désigne des boucs-émissaires en les soumettant à la vindicte populaire: les immigrés, les sans-papiers, les pédagogues, les journalistes (pourtant si dociles parfois), le monde associatif, les syndicats, les désobéisseurs, les grévistes (qu'on ne doit plus voir), les sans-logis, les jeunes en général et ceux des cités en particulier, les artistes (pourtant bien timides), l'africain pas entré dans l'Histoire, jusqu'à La Princesse de Clèves en passant par l'instituteur moins important que le prêtre!

C'est cette société qui fait peur. Qui me fait peur ! Si la France n'est pas fasciste, elle en prend de plus en plus souvent les mauvaises et dangereuses habitudes... Jusqu'à quand?


Le 19 septembre 2009 : Insignifiance et servilité médiatique... deux dérives dangereuses, mais dans l'air du temps

La Toile, mais aussi les médias traditionnels, ont été cette semaine agités par deux "événements" très différents et pourtant bien dans l'air du temps :

Ce fut d'abord le buzz gigantesque et disproportionné provoqué par l'ouverture du nouveau site Internet de Ségolène Royal (www.desirsdavenir.com <http://www.desirsdavenir.com/> ). Marianne, L'Express, Le Point et tant d'autres rivalisèrent de railleries et d'ironie devant une page d'accueil qui n'eut pas leurs faveurs. C'est bien connu : une certaine presse "intello-bobo" a le monopole du bon goût ! Les commentaires des internautes se multiplièrent ensuite au point d'atteindre des pics dignes de la période de la campagne présidentielle. Tout cela donc pour un... fond d'écran ! Cet "exemple" de ce qui fait l'actualité de nos jours est celui de l'insignifiance médiatique qui transforme un fait mineur en polémique majeure. Majeure en tout cas pour le sites Internet des magazines et journaux de la presse quotidienne nationale, lesquels ont bien compris que certains politiques, et en premier lieu Royal et Sarkozy, sont très "bankable" comme on dit dans la société du spectacle. Mais ne sommes-nous pas depuis un certain temps déja beaucoup plus dans les paillettes que dans la réflexion ? Toujours est-il que ce fond d'écran, d'une totale banalité, est désormais aussi célèbre que le sourire de la Joconde ! Et alors ? Et bien justement : et alors RIEN ! Sauf la tristesse de constater à quel niveau certains journalistes, au demeurant brillants, s'abaissent pour attirer le chaland, le gogo qui pianote ensuite frénétiquement sur son clavier afin de laisser son avis, celui-ci disparaissant au bout de quelqus heures, quelques minutes parfois. L'insignifiance médiatique est également très éphémère... Il faut aller vite, vite, très vite !

Ce fut aussi la "convocation" de quelques journalistes à l'Elysée. Et pas n'importe lesquels ! Des "pointures", du "lourd" : Catherine Nay, Alain Duhamel, Christophe Barbier. Ceux qui font et défont votre manière de penser. Ils sont tellement présents dans les médias qu'on n'a plus le temps de réfléchir à une de leur réflexion qu'ils sont
déjà sur un autre plateau pour commenter, commenter et commenter encore. Depuis combien de temps ne sont-ils pas sortis du microcosme politico-médiatique parisien ? Nul ne le sait ! Mais là n'est pas l'important. Peut-être faudrait-il les informer qu'un visa n'est pas obligatoire pour franchir le périphérique. L'image de ces trois - excellents - journalistes arrivant à l'Elysée pour répondre à la convocation présidentielle avait quelque chose de surréaliste, de tragicomique aussi et, hélas !, la palme revenait à Madame Nay toute fière de pouvoir garer son véhicule sur l'emplacement réservé au Premier Ministre. (Si si, il y a un emplacement ! Un Premier Ministre aussi, paraît-il!). D'ailleurs qu'une journaliste de Paris-Match puisse sans vergogne occuper cette "voie de garage" a quelque chose de signifiant dans notre République de 2009... La servilité médiatique ce jour-là a atteint, à l'image du buzz évoqué ci-dessus, un sommet (ou une profondeur) que l'on ne soupçonnait pas.

Insignifiance et serviité... Deux maux dans l'air du temps...

Un air vicié !


Le 12 septembre 2009 : A ceux qu'on laisse en route...

Chaque année, notre belle et grande maison Education Nationale laisse entre 110 000 et 150 000 de ses "enfants" sur le bord du chemin sans l'ombre d'un bagage, sans le moindre diplôme... Et ceci depuis des lustres! Car notre belle et grande maison n'a rien prévu pour ceux-là qui n'entrent pas dans le moule. Pour ceux-là qui, à tort ou sans raisons, n'ont pas pu, pas voulu, se glisser dans les normes décidées Rue de Grenelle...

Je me souviens, dans les années 1960, alors que je fréquentais l'école primaire, de la distribution des prix au mois de juin, au Maroc où mon père enseignait. Il y avait là, sur une estrade, les maîtres, le Directeur et quelques élus invités... Nous passions l'un après l'autre pour recevoir, attachés par un beau ruban de couleur, des livres sur lesquels était collée une petite affiche: "Prix d'excellence"... J'ai toujours eu la chance ou le mérite de recevoir beaucoup de "Prix d'Excellence"...

Et puis il y avait les autres... Ceux qu'on n'appelait pas sur l'estrade... Ceux qui ne parvenaient pas à suivre... Déja, à l'époque, tout n'allait pas si bien pour eux... Je me souviens de Thierry C. C'était mon meilleur copain ! Mais il ne ramenait jamais de livres au mois de juin. Il en souffrait atrocement! Cette absurde cérémonie de distribution des prix ne faisait qu'ouvrir ses plaies... Un jour, en revenant chez nous -nous habitions la même rue- j'ai détaché le ruban et lui ai donné trois de mes livres sur les six que j'avais... Un geste d'enfant... La vie ensuite nous a séparés... Je ne l'ai jamais revu.

Un jour, bien plus tard, en France, j'appris par hasard qu'il vivait à quelques kilomêtres de chez moi. Je cherchai à le revoir. J'appris alors qu'il reposait dans le cimetière de son village d'adoption. A seize ans, il avait mis la tête dans une gazinière, avait ouvert les robinets et s'était endormi, à jamais... J'appris aussi que son choix lui fut dicté par l'accumulation de ses échecs et des humiliations qui en découlaient...

J'espère que notre grande et belle maison se rend bien compte des souffrances qu'elle inflige encore aujourd'hui en refusant de s'ouvrir à d'autres normes, à d'autres possibles, à d'autres voies, à d'autres rêves...


Le 5 septembre 2009... Lettre à Alain Finkielkraut

Cher Alain Finkielkraut,

C'est un de ces professeurs de collège, un collège rural de la Normandie la plus profonde, qui vous parle. Trente années de pratique. Vous écoutant hier sur France 2 dans l'émission de Franz-Olivier Giesbert Vous aurez le dernier mot, aux environs de vingt-trois heures trente, je vous ai entendu dire - je cite de mémoire et pardonnez mon éventuelle exagération - que l'Ecole d'aujourd'hui ne remplissait plus sa mission de transmission des grands textes littéraires, que les élèves de nos écoles, collèges et lycées étaient détournés par les professeurs eux-mêmes de la "Littérature majuscule" au profit de l' "actualité"... un cours de français en 2009 n'étant, à vous comprendre, qu'une séance de décryptage d'images et de sons. Puis vous prîtes l'exemple d'un manuel scolaire (Magnard si mes souvenirs sont exacts) qui met en parallèle une fable de La Fontaine et une publicité pour la marque automobile Innocenti. Sacrilège manifeste à vos yeux. Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que ce qui fait la fortune d'une oeuvre littéraire, c'est bien justement de traverser les siècles pour être en permanence d'actualité. En enfermant les textes dans leur passé, vous adoptez une position mortifère qui met en danger la littérature classique. La Fontaine, du paradis des poètes, doit jubiler sous sa perruque en constatant que ses fables ont survécu jusqu'à notre siècle mercantile et consommateur. Que serait devenue l'oeuvre de Montesquieu si l'on suivait vos conseils ? Elle aurait disparu ou serait entre les mains de quelques lettrés qui l'auraient confisquée. Qui auraient donc empêché le développement de L'Esprit des Lois... Est-ce là votre objectif ? Question taquine : qui vous lira dans deux cents ans?

Monsieur Finkielkraut, et Michel Onfray qui vous faisait face dans un débat brillantissime mais à fleurets très mouchetés vous l' a heureusement fait remarquer, l'immense majorité des professeurs de français, d'histoire-géographie, de philosophie fait, tous les jours, découvrir la littérature française et étrangère à ses élèves. Il faudrait vraiment que vous cessiez de dénigrer, de caricaturer, d'insulter vos collègues. Il est des bornes à ne pas dépasser au risque de sombrer dans l'idéologie, idéologie dont vous avez hier soir dénoncé très justement les défauts... dont le manichéisme permanent consistant à toujours opposer, dans un système binaire, le bien et le mal, la gauche et la droite, le blanc et le noir, etc. Tout cela pour, quelques phrases après ce propos, jouer au pire idéologue mettant face-à-face l'éducation d'hier avec celle d'aujourd'hui que vous vomissez à longueur d'interventions médiatiques.

Sachez, cher collègue, que nous sommes loin, heureusement, du désastre dont vous avez fait hier soir état. Le désastre est ailleurs. Il est dans le dénigrement que vous condamnez souvent pour l'utiliser pourtant à des fins idéologiques à l'encontre des professeurs qui, chaque jour, travaillent avec sérieux et abnégation, souvent dans la difficulté, et refusent de vous suivre sur le terrain que vous labourez, avec d'autres, pour y planter les graines de la désinformation.

Amicalement

Christophe Chartreux


Pofesseur de collège

Le 28 août 2009... Treize fois plus de temps


Les médias français de service public (télévision et radio) consacrent treize fois plus de temps aux informations boursières et au Loto qu’à l’Education. Est-ce normal ? « Heureusement », notre Ministre de l’Education va remédier à cela pour pallier les fermetures de classes, d’écoles, de lycées provoquées par la pandémie annoncée de la grippe A. La télévision et Internet vont être consacrés à l’école ! Même s'il aura fallu une pandémie planétaire pour enfin consacrer un peu d'espace à l'Education. Vive la grippe A !
Au fait, qui va garder les enfants et vérifier que ces derniers sont bien en train de regarder les programmes « scolaires » ? Toujours les mêmes je suppose : ceux qui ont la chance de pouvoir suivre leurs chérubins, ceux qui ont Internet - ce qui est loin d’être le cas général en France – et ceux qui ont les moyens d' offrir des cours privés à leurs enfants (ce qui n'est pas un reproche!).
Luc Chatel, invité sur quasiment tous les médias n’a que rarement été interrogé à ce sujet. On nous a en revanche très largement abreuvé de commentaires à propos de sa sortie très médiatisée dans un supermarché. Où il aurait mieux fait, cette fois, de se méfier des journalistes de moins en moins naïfs lorsqu'il s s'agit de les manipuler. Plantu s'en donnera à coeur joie ! Pensez donc ! Un Ministre poussant un caddie... Mais oui, c'est Chatel ! Un Ministre dans l'air du temps. Celui de la consommation à laquelle on consacre tellement de temps... Tellement de temps perdu...

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