Chroniques d'un chef d'établissement

par Bertrand Gaufryau

Le 15 juin 2015

Le Bac ? C’est ici et maintenant…

Un monument national que nos amis européens nous envient et moquent parfois… La culture jacobine a encore de beaux jours devant elle ! Une institution, notre mémoire collective datant du XIIIème siècle… Mais les jours qui viennent, les élèves qui se présenteront aux épreuves de ce diplôme, ne seront pas « de jeunes hommes qui aspireront à devenir chevalier », mais de jeunes femmes et hommes souhaitant obtenir le précieux sésame leur permettant de se projeter dans un avenir qu’ils espèrent plus radieux que ce que les médias leur annoncent ! Et si finalement cet ascenseur social se remettait en fonction ? Et si demain se révélait meilleur qu’hier ?

Depuis de nombreuses années, leurs parents, les enseignants, les amis leur annoncent ce moment d’examen comme la fin de leurs études secondaires et le début d’un nouveau statut, celui d’étudiant ! Peut-être le rite des générations nouvelles depuis que le dernier s’est effacé de notre mémoire collective et qui ne concernait pour l’essentiel que les garçons, je veux dire le service national… ce rite qui fait que chaque petit d’homme devient homme après cette transition qu’est l’adolescence, transition inventée au XIXème siècle afin de pouvoir identifier ce groupe de personnes « dangereuses » !

En tous les cas, le Ministère de l’éducation nationale, celui de l’Agriculture, sont à la manœuvre depuis de longs mois déjà ! Les sujets, préparés, ont été pieusement écrits, analysés, disséqués, puis conservés dans des coffres dans des « couloirs secrets », encore stockés sous forme papier aussi, au temps de la numérisation et des technologies nouvelles. Ces sujets, tirés au sort, font trembler tous les acteurs de nos communautés éducatives : les enseignants qui préparent les élèves, les parents, bien entendu, mais aussi les élèves dont une partie du sort se trouve entre les mains « d’enseignants, inspecteurs, cols blancs et sombres » qui ont choisi les fameux sujets, parmi tous ceux envoyés et proposés une année auparavant ! Autant de maillons d’une chaîne immense et autant de grains de sables potentiellement déstabilisants mais finalement si peu de dysfonctionnements dont se gargarisent avec délectation des médias en recherche de sensationnel !
Tout au long de l’année, les équipes ont donné conseils, accompagné chaque élève, douté, accéléré afin de pouvoir terminer « le programme », douté, ont eu des coups de cafard, se sont parfois lamenté sur le niveau des élèves, leur manque d’investissement ou au contraire vanté tel ou tel élève pour sa ténacité…Bref, derrière chaque enseignant, il y a avant tout une femme, un homme, une personne doublée d’un professionnel qui donne souvent au-delà de ce qui est imaginable, car il a chevillé au corps cette conscience d’un investissement pour l’avenir des génération dont il détient une des clés ! Les salles des professeurs fourmillent, les photocopieurs « chauffent », les couloirs bruissent, les pas se font plus rapides, les voix se mêlent…
Les salles de cours sont largement utilisées, à des horaires parfois qui surprendraient plus d’un observateur pour qui l’enseignant n’est que celui qui, heure de cours terminée, fuit son établissement pour rentrer à la maison ou se détendre ! La détente, ce ne sera qu’après les résultats, après le 10 juillet, lorsque les résultats seront affichés ! Résultats aussi importants pour les enseignants que pour les élèves et leurs parents ! Mais d’ici là, ce sont des centaines de milliers de salles mobilisées, des ordinateurs, des copies, feuilles de brouillon, copies…des personnels ! Des milliers de centres d’examens, des chefs de centres que sont les chefs d’établissement, qui loin de ce brouhaha bien compris, ont la responsabilité sur le terrain, de ce que tout se passe bien…

Si tel n’est pas le cas, ils seront en première ligne pour essuyer les critiques, les manques, les loupés…Chaque année est une année et cette fois-ci encore, c’est comme si c’était la première ! Les mêmes interrogations, craintes, vérifications. Les sujets sont-ils là ? En nombre suffisant ? Et le matériel ? Les connexions internet ? Les vidéo-projecteurs en état de marche ? Le café est-il prêt pour accueillir surveillants, examinateurs et autres personnels ?

Confiance, mais fébrilité…Certitudes, mais aussi inconnues…Je n’ai pas « le droit » de ne pas savoir, je suis le référent ! Je représente l’institution au sens noble du terme pour quelques semaines, mais aussi, serai comptable de chaque instant, chaque battement d’aile…Les élèves sont certainement plus sereins que moi, peut-être une forme d’insouciance de l’âge, que certains cachent plus facilement que d’autres…Les gestes de certains élèves trahissent la fébrilité du moment, les regards cherchent à croiser le mien : besoin d’être rassurés, d’être accompagnés, jusqu’au bout ! Tout ceci est bien naturel. Les enseignants viendront me montrer les sujets, me disant pour certains : vous voyez, je vous l’avais bien dit ! Ca devait bien finir par sortir ! Ou alors, encore pour se rassurer : nous l’avons traité, ils devraient bien s’en sortir !
J’aime particulièrement tous ces moments car je sens bien que nous sommes tous en équilibre « instable », mais que chacun détient une parcelle de ce sésame qui fera le bonheur de beaucoup ! Certains ne l’obtiendront pas et sans redouter ces moments, il m’arrive de les appréhender, car il me faudra trouver les mots, « consoler », accompagner, soulager, pour que ces élèves qui n’auront pas franchi ce cap, puissent l’année suivante, le décrocher pour le bonheur de devenir étudiants, après-demain ! Les yeux humides, les regards inquiets, les cris de joie ou de dépit, les tensions oubliées, l’avenir qui devient à nouveau radieux…Le bonheur après l’attente ! Une belle leçon finalement du temps que l’on ne maîtrise plus et qui contraste tant avec l’immédiateté, graal de nos sociétés modernes ! Il aura fallu attendre 3 ans, autant dire une éternité ! Le baccalauréat, un paradoxe ? Une antiquité à dépasser ? Non, un rêve collectif !

Je vais achever cette chronique que j’aurai du offrir à votre lecture vendredi, mais la course, la recherche d’un peu de temps, ne m’a pas permis de le faire à temps… et avant ! Pour tout vous dire, j’étais quelque peu occupé, par la préparation… du baccalauréat !

Le 17 mai 2015

Une juste réforme et une véritable ambition pour l’école

La réforme du collège 2016 bis...loin de certaines caricatures et conservatismes syndicaux et politiques....

Il me semblait que la mauvaise foi avait atteint son paroxysme. Si je reprends aujourd'hui la plume, c'est parce que de nouveau se sont exprimés des conservatismes qui n'ont que pour objectif de faire que rien ne change pour notre école! Les échecs se multiplient? Les rapports se succèdent et concluent tous au recul des résultats des élèves scolarisés dans nos collèges? Peu importe! Certains syndicats organisent une journée de grève ce mardi pour que rien ne change! Combien n'ont-ils eu de cesse de s'emporter contre la semaine de 4 jours, puis se sont opposés ensuite à la réforme des rythmes scolaires! Combien n'ont-ils eu de cesse de dénoncer la réduction des moyens, la suppression de la formation des maîtres? Aujourd'hui, les moyens sont à nouveau apportés, la formation des maîtres est sur les rails, les outils pédagogiques proposés et mis en négociation pour faire de ce collège pour tous un collège pour chacun! Cette réforme vise à offrir à chaque collégien a la fois un socle commun mais aussi la possibilité de mettre en valeur ses capacités. Le temps pluri-disciplinaire, cette autonomie de 20% du temps scolaire à disposition des équipes pédagogiques, les moyens mis à disposition des équipes afin de les accompagner dans ces nouvelles démarches, les temps d'aide personnalisée! Je ne peux croire que tous ces syndicats qui s'indignent des inégalités sociales et leur reproduction à travers l'école, au nom de leur propre confort, refusent de se "mettre en danger" pédagogiquement pour être cohérent avec les valeurs qui les a conduit à s'engager dans ce service public de l'éducation. Comment peuvent-ils accepter de conforter un modèle qui renforce les inégalités, favorise l'accès aux officines privées qui ont vu leur marché exploser au service des plus favorisés ? Cela est d'autant plus surprenant que ce raidissement qui apparaît aujourd'hui se conjugue avec celui de ceux qui politiquement ont, durant 10 ans, réduit les moyens, y compris les horaires en langue, supprimé l'enseignement de l'histoire en classe de terminale scientifique, mis à bas la formation des enseignants (seul métier qui ne nécessitait certainement pas de formation alors que tous les autres métiers en bénéficiaient)? Alors cette réforme est juste, cohérente et n'accepte pas un retour de "la lutte des classes" à l'école. Elle n'accepte pas le "tri" social et scolaire dès la classe de 6ème que le seul projet alternatif de Bruno Le Maire propose aujourd'hui! Il n'y a pas assez de temps consacré aux langues? Ce conte-projet, dont le mérite premier est bien d'exister, propose la suppression de la seconde langue vivante au collège ! Quid du latin et du grec, de l'allemand dont la réorganisation dans l'actuel projet de la Ministre, et qui ont fait l'objet de cris d'orfraie ? Il s'agirait pour Monsieur Le Maire, de de la mise en place d'un collège à deux vitesse, confortant les inégalités au profit d'une "lutte des classes" à l'envers ! L'autonomie des établissement n'était-elle pas un des chevaux de bataille de la droite? Alors lorsque une part importante du temps d'enseignement fait justement l'objet de cette démarche d'autonomie, et bien elle est décriée par ceux-là mêmes qui ne l'ont jamais mise en oeuvre! Mais peut-être parce que cette autonomie pédagogique pourrait s'avérer « subversive » et incontrôlée? Cela pourrait prêter à sourire si l'affaire n'était aussi sérieuse, montrant la confinace accordée aux équipes enseignantes!

Le projet actuel quant à lui et mis sur la table après concertation, par Najat Vallaud Belkacem offre au contraire l'excellence pour tous, refusant cette reproduction sociale et permettant à chacun des élèves un parcours riche de connaissances, d'apprentissages, facilitant un accès à l'émancipation, à la formation de futur citoyens éclairés. Des ajustements techniques sont certes nécessaires, la modification de l'architecture du système scolaire pourrait être plus audacieuse! Mais ce projet va dans le sens d'un vrai collège pour tous afin que chacun des élèves réussisse. Que celles et ceux, syndicats qui seront en grève mardi prochain et ceux des responsables politiques qui aspirent à gouverner demain, n'insulte n'y pas l'avenir. C'est de l'école dont il est question. C'est de ce qu'il y a de plus précieux et que nous avons en commun. L'école mérite mieux que la médiocrité de certains conservatismes professionnels! Et mieux que des échaffaudages politique si éloignées de la recherche du bien commun! L'école doit être à elle seule notre ambition.

Collège unique, socle commun, réformes successives des programmes, réforme des rythmes scolaires ! Combien de fois n’a-t-on vécu de manière cyclique, de tels temps, soit dans l’indifférence, soit à travers des crispations idéologiques autour de la déliquescence supposée de notre système éducatif en proie aux démons soixante huitards et pédagogos irresponsables ! Il est vrai que « la fabrique des crétins » est un titre plus vendeur que le « plaisir d’apprendre », dans une société tellement encline à un catastrophisme qui est devenu une forme de « pensée unique ». Et faire appel à la théorie du bouc émissaire est tellement plus confortable comme posture que la recherche de causes objectives pouvant expliquer parfois les insuffisances des politiques et des outils pédagogiques construits au fil du temps afin de travailler sereinement pour le long terme.

Alors depuis quelques jours, une nouvelle tempête s’est levée. Le vent est fort, l’orage menace ! Les mots sont forts : « zéro pointé pour Najat Vallaud-Belkacem », déstructuration, gadgets pédagogiques, « la réforme s’attaque aux fondamentaux », que sais-je encore ! Je n’ai pas souhaité ré-agir plus promptement car je souhaitais voir jusqu’à quel point l’incurie de ceux qui aspirent à nous gouverner est abyssale. Ces volées de bois vert sont venues de celles et ceux qui ont réduit les moyens et envisagent encore de les réduire, tout en réclamant toujours plus à l’école ! Ces mots violents évoquent la menace du communautarisme, l’insécurité comme première cause de l’échec scolaire ! Qu’ils sont loin de la réalité, ceux qui disent cela ! Sont-ils entrés il y a longtemps dans une école ou bien ne font-ils que dire haut et fort de fausses vérités mais qui ne convainquent qu’eux-mêmes ou bien les plus fragiles de nos concitoyens les plus éloignés de l’école alors qu’il faudrait plutôt les en rapprocher et les y accueillir comme creuset de la réussite espérée de leurs enfants. Ceux qui réclament ou disent que l’éducation nationale et l’école plus généralement dispose de trop de moyens sont ceux-là mêmes qui disent que les horaires de plusieurs disciplines diminuent trop, que les fondamentaux sont menacés. Ceux-là même qui disent qu’il serait si judicieux de donner davantage d’autonomie aux établissements et aux chefs d’établissement sont les mêmes qui refusent les outils pédagogiques offrant davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques et éducatives, leur témoignant ainsi une vraie défiance, alors que c’est de confiance avant tout dont l’école a besoin pour trouver une juste place dans notre société. Leur méconnaissance de notre système éducatif, ses points forts ou d’attention est telle que j’ai choisi de prendre la plume afin de dire ce que je crois, ce que je vis, ce que je sais : à la fois comme chef d’établissement, comme parent, comme citoyen tout simplement. Je pourrais revenir sur les multiples contre-vérités énoncées ces derniers temps : disparition du latin et du grec, enseignement facultatif du christianisme en histoire alors que celui de l’islam deviendrait obligatoire, suppression de l’allemand, absence de concertation et une réforme adoptée ; enfin, la réforme s’attaquerait aux fondamentaux. C’est par mauvaise foi évidente, ou incompétence que ces éléments sont colportés, répétés et comme il n’y a pas de fumée sans feu, cela va de soit, tout ceci serait vrai ! Bien évidemment, la lecture attentive des textes préparatoires permet de mettre à bas toutes ces contre-vérités qui n’ont pour but que de cacher l’ambitieuse réforme proposée. Le latin et le grec ? Obligatoire dans les pratiques interdisciplinaires, avec approfondissement pour les élèves choisissant ces disciplines. Etude facultative du christianisme ? Obligatoire en 6ème avec judaïsme puis de l’islam en 5ème. Les fondamentaux malmenés ? Horaires maintenus et accompagnement personnalisé de surcroît. L’allemand sacrifié ? Cette langue pourra être étudiée dès le CP ! Manque de concertation et passage en force ? Dialogue avec tous les acteurs durant de longues semaines et adoption par le conseil supérieur de l’éducation à une large majorité. Alors cette réforme est-elle la panacée ? Certainement pas, mais depuis longtemps, elle propose un véritable changement de paradigme pour être à nouveau un pilier fort de notre vivre ensemble.

Afin que le collège trouve une vraie place dans le système éducatif, sans être une « super école primaire » ou un « petit lycée », comme le dit justement Philippe Meirieu, la réforme proposée y apporte une réponse donc appropriée à travers la mise à disposition d’outils pédagogiques spécifiques. Certes, cette réforme n’apporte pas toutes les réponses, mais offre au collège les moyens de se forger une vraie place et identité dans le paysage éducatif. Les principaux axes contenus dans cette réforme concernent à la fois les « entrainements pratiques interdisciplinaires » et l’accompagnement personnalisé » des élèves. Au-delà, ces deux outils sont beaucoup plus ambitieux qu’il ne semble, puisque forgeant ainsi de nouvelles pratiques pédagogiques et donc mettant les équipes en mouvement « autrement ». Ces outils existent toutefois depuis de nombreuses années dans l’enseignement agricole et sont de remarquables espaces permettant aux enseignants de mettre en œuvre les savoirs et permettre aux élèves d’acquérir des compétences de manière transversale et tout à fait efficace. Il s’agit de permettre aux enseignants, pour peu qu’ils soient accompagnés dans cette démarche, de mettre en perspective leurs pratiques, de croiser des savoir à acquérir et de s’appuyer sur des pratiques pédagogiques permettant aux élèves de s’en saisir. Qu’il s’agisse des EPI ou de l’accompagnement personnalisé, cela nécessite du temps, des moyens mais aussi cette capacité à intégrer, pour les équipes, cette idée selon laquelle, partager ces plages horaires avec les élèves est une façon judicieuse aussi de pratiquer une pédagogie coopérative, de rendre ces temps d’apprentissages plus efficaces car les élèves vivent ces séquences de manière très positive. Ce que l’enseignement agricole pratique depuis de nombreuses années, l’éducation nationale a le devoir de le réussir afin de faire émerger ce désir d’apprendre des élèves qui doit se transformer en plaisir.

Ces deux outils majeurs de la réforme peuvent permettre au collège de sortir de cette ambiguïté « super école primaire » - « petit lycée », mais cela n’est qu’une condition nécessaire et toutefois non suffisante. Pour compléter l’architecture de cette réforme, trois éléments incontournables permettraient de parachever cette première étape inspirée par cette réforme. Cela nécessite des moyens à la fois pour l’accompagnement pédagogique des équipes, de mettre en place en amont des modules appropriés dans la formation des futurs enseignants recouvrant cette dimension de pédagogie de la coopération et du partage, mais aussi des moyens permettant la mise à disposition d’espaces de travail individuels dédiés à « l’accompagnement personnalisé ». Ces moyens, compte tenu de la situation financière de notre pays et des contraintes que l’on peut comprendre doivent dans un premier temps, à budget constant, s’appuyer sur une redistribution entre établissements, en introduisant une discrimination fondée sur l’accueil de tous les élèves. Il est de notoriété publique que l’actuelle carte scolaire mais aussi l’absence de sectorisation pour les établissements sous contrat avec l’état peut entraîner des discriminations fortes et entraîner « une concentration géographique » conduisant des établissements à accueillir une forte proportion de jeunes cumulant parfois difficultés scolaires et sociales, nécessitant, sans stigmatisation toutefois, des moyens éducatifs et une dotation plus conséquente en postes (enseignants, vie scolaire, infirmière etc…). D’autres établissements, publics et privés sous contrat accueillent au contraire des élèves de milieu social favorisé et bénéficiant de conditions d’apprentissage très favorables. Au-delà de cette image qui peut paraître caricaturale, mais bien réelle, l’équité, au cœur de notre République, doit emprunter un juste chemin. Une nouvelle pratique et politique de dotation des établissements doit voir ainsi le jour. De même, l’innovation pédagogique doit pouvoir être valorisée dans cette répartition des moyens alloués aux établissements. Enfin, le temps des cités scolaires à direction unique, véritables usines à gaz, est achevé. Tous ces outils mis en perspective par la réforme actuelle doivent pouvoir s’appuyer sur des « unités » à taille humaine, des micro-collèges comme c’est parfois déjà et encore le cas dans l’enseignement agricole. Le pilotage par les équipes permet à la fois un vrai travail collaboratif, coopératif, une vraie fluidité dans les projets, dans l’accompagnement des élèves et se traduit souvent par une réussite en terme d’insertion sociale et professionnelle.

Faire confiance aux équipes, remettre la liberté pédagogique au cœur de la mission des enseignants, c'est-à-dire leur faire confiance est un gage de réussite d’une réforme qui est ambitieuse, pour peu qu’elle se parachève par une vraie attention aux questions de sectorisation, de répartition équitable des moyens et d’une proximité liée à la taille des unités pédagogiques.

Loin de toute démagogie, donnons la chance à cette réforme de réussir son ambition pour une école de la réussite des jeunes, s’appuyant sur la confiance renouvelée aux enseignants, gage d’une vraie et juste autorité retrouvée au cœur de notre société.


Le 5 mai 2015

A chacun sa cabane….

Chaque chose à sa place…Rien dans mon bureau, dans ce bureau ne changé ! Et pourtant tout change ! Là un ouvrage d’Eve Ricard « La Dame des mots », ici, « Le plaisir d’apprendre" de Philippe Meirie ou bien encore une petite boite jaune contenant  20 photos de Matthieu Ricard pour « Une ode à la beauté »… J’y retrouve presque tous les petits rien qui chaque jour me font rêver, m’apportent du réconfort, me rassurent ou parfois m’aident à m’interroger. Visitons ensemble ce que certains nomment banga, bories, orry, cabane, refuge de montage ou carrelet. Rien n’est hasard, mais tout n’est pas que calcul ! Un bureau derrière lequel je demeure, si je souhaite garder une certaine distance, ou je l’avoue lorsque je souhaite scruter l’horizon et observer au loin la chaîne des Pyrénées dans l’imaginaire de ce que je suis, un homme du Sud-Ouest…Un bureau afin que ce soit la fonction qui soit perçue au bon moment. C’est le Chef d’Etablissement, qui à certains moments, doit imposer, dire la norme, de manière simple mais sans concession.

Mais ce bureau sur lequel deux objets personnels m’aident à rendre moins froid cette forme rectangulaire aux coins « tranchants ». On y retrouve aussi dans un coffret bricolé à la main en plastique transparent, contenant un ensemble de pièces venant de pays d’Afrique Francophone, Anglophone et d’Amérique Latine ! Cet objet, symbole de l’ouverture aux cultures, à la diversité m’invite à ne jamais (ou le moins possible) regarder la personne en face de moi comme un étranger. Il m’invite à faire du métissage une des valeurs fondamentales de l’accueil de tous, des différences pour faire de l’école une richesse ! Une balle « Euskal Herria » rouge et blanche, ou encore un lapin en terre cuite modelé par ma fille, du thé, des tasses ou bien encore un sablier, symbole du temps qui passe et que je voudrais parfois ralentir ou arrêter ! 

Une reproduction du mur de Berlin avec un peu de ce béton qui séparait, divisait, emprisonnait au nom d’idéologies méprisant les libertés ! Rostropovitch jouant devant ce mur qui s’effondrait, un soir de 1989 et c’est l’Homme qui gagne sur le système. Combien de frontières artificielles avons-nous construites, qu’elles soient visibles, physiques ou simplement culturelles ! Combien de murs de Berlin nous reste-t-il à faire tomber ! Combien de fractures nous reste-t-il à réduire ? Alors ce mur de Berlin me rappelle sans cesse que notre métier d’éducateur est un des plus beau métiers du monde et qu’il nous interpelle par rapport à une exigence fondamentale : abattre les murs, faire tomber les frontières de l’ignorance, de l’illettrisme, cette violence faite aux plus faibles. Et sans cesse, remettons nous au travail ! Aujourd’hui, nouvelle fracture, nouveau mur de Berlin : le numérique ! Dans nos écoles, il nous reste tant de murs à faire tomber : entre élèves, entre adultes ! Tous ces édifices artificiels qui fondent l’ignorance doivent faire de chacun un ouvrier de l’éducation !

Parmi quelques tableaux ornant les murs, trois ont une place toute particulière dans ce quotidien qui m’absorbe… Ils me ramènent tous à l’essentiel, chaque jeune à qui je dois le meilleur. Ils honorent des élèves lors d’un don du sang, ou en situation d’apprentissage au laboratoire ou bien encore un projet pédagogique en éducation socio-culturelle, chacun ayant un masque blanc sur le visage…

Et puis ma porte, couverte d’affiches traduisant la vie de l’établissement : une affiche de film, un bal de promo, le festival du conte et de l’imaginaire ; bref, la vie tout simplement et qui traduit l’état d’esprit qui est le mien lorsque je vis « mon bureau », « ma cabane » ! D’où que l’on vienne, quelque soit son parcours, chacune et chacun dispose de talents ! Alors des phots de land art ont aussi leur place sur les murs ! Toujours cette attention à la culture qui irrigue le parcours scolaire des élèves et étudiants, comme une chance pour leur émancipation.

Enfin, un dernier clin d’œil : une feuille de papier sous cadre, avec divers dessins et quelques notes rappelant qu’il s’agit….d’un compte-rendu de réunion « capitale » mais dont ma voisine a retracé la substantifique moelle…C’est aussi une idée partagée que la « réunionite », pratique typiquement française a de beaux jours devant elle ! Et lorsque je remplis mon agenda de réunions, cela m’aide à « oublier » celles qui me paraissent « capitales » !

La visite de ce bureau, dont les murs sont les réceptacles de tant et tant de mots, maux et joies serait incomplète sir je ne vous avais pas entretenu de deux éléments qui me paraissent essentiels ! Le premier concerne un lieu d’échange que j’ai souhaité convivial ! Le bureau du Chef d’Etablissement n’est pas celui que l’on fréquente lorsque les éléments sont contraires ! Voilà une table ronde s’il en est avec quatre chaises confortables. Lieu d’échanges, de convivialité, de rondeur, lieu de liens, de réconfort et de sourires ! C’est bien autour de cette table que nous avons pris le café avec Antoine et ses parents. C’est ici que la parole est plus libre qu’ailleurs. D’ailleurs, si les murs pouvaient parler, ils diraient haut et fort que c’est bien là, autour de cette table, que l’éducation est toujours gagnante ! Que le fil aussi ténu soit-il est renforcé après parfois une bonne prise de bec ! Que les situations douloureuses, complexes, trouvent parfois un début de solution, d’apaisement. Je ne parlerai pas du jardin zen qui agrémente cette table avec son petit râteau…C’est tellement amusant de voir comment chacun se positionne trace des traits (surtout les frères et sœurs qui participent à l’inscription de leur grand frère ou sœur et s’ennuient parfois à mourir…), s’essaie à des dessins dont la valeur artistique reste à démontrer ! Ces rencontres se font autour d’une table : ronde bien entendu ou presque…Une forme particulière avec au centre une flûte qui ne fonctionne pas, mais aussi verte que jolie et provenant du Burkina-Faso. Quelques textes, d’une théologienne, d’une écrivaine musulmane, d’un cinéaste français. Je tais leur nom car là n’est pas l’essentiel, mais le message de leur démarche : « La grande dépense », « la grande épreuve », « la grande bonté »… J’ajouterai une calligraphie de A. Dekhi intitulée « La religion de l’Amour »… Rien n’est ici posé par hasard. Tout a sa place, sa juste place et non juste sa place.     
Ce bureau, c’est mon banga, ma cabane, mon carrelet. Oui, mon carrelet. C’est culturel, c’est physique, c’est viscéral. D’ailleurs, j’en ai un, posé en haut de l’armoire qui jouxte le bureau. C’est un lieu inouï : cela me ramène à la Garonne, la solitude, l’ouverture sur l’estuaire avec au bout ce « Nouveau Monde » qui a tant fait rêver… C’est une pêche artisanale, c’est la rencontre avec les éléments et en vérité, la cabane que je me suis construite au fil du temps. Celle que personne d’autre que moi n’a jamais visité ; cette cabane qui est à la fois mon intériorité et ce lendemain qui ne m’appartient pas. Cette cabane que j’investis lorsque je désire prendre le temps de souffler lorsque j’ai pris une décision qui m’engage pour un jeune ou un adulte et qui n’est pas anodine ; cette cabane que j’habite et qui m’habite ! Vous comprendrez bien que si la porte de mon bureau demeure toujours ouverte, ce n’est pas un hasard… et si je désire trouver le moyen de m’isoler malgré tout, je ferme la porte de mon… carrelet !

le 24 avril 2015

LIBRES !

Quelle belle thématique pour une chronique qui termine cette période scolaire ! LIBRES…Hier, ce mot a pris tout son sens. Hier matin, une collègue de lettres et philosophe a été inspectée. Comme je le fais habituellement, j’ai toujours beaucoup de plaisir à accompagner ces enseignants qui vont passer « sous la toise de l’évaluation » de pairs, eux-mêmes qui parfois n’ont qu’un regard peu attentif sur l’impact de la propre évaluation qu’ils font de « leurs élèves » ! Hier matin, ce n’était pas le cas et le regard de l’enseignante sur sa démarche d’évaluation et d’auto-évaluation me rendait serein. L’échange que j’ai eu aussi avec l’inspectrice avant « ce grand moment » m’a à son tour rassuré sur sa démarche d’évaluation formative. Nous avons évoqué cette liberté pédagogique à la fois si importante, cet espace et ce degré de liberté qui offre à chaque enseignant l’opportunité d’innover, d’offrir une démarche propre qui aide à construire chaque jeune ! Liberté pédagogique ? Terme parfois tellement galvaudé, détourné et même parfois banni de certains établissements ou bien au nom duquel l’immobilisme est de mise ! Liberté pédagogique ? Ce que les « conservateurs », si prompts à donner des leçons aux « pédagogos » retiennent des années 68 comme un simple « privilège », années qu’ils rejettent en bloc, mais pour mieux s’arroger le pouvoir de dé-construire une pédagogie participative, au service de l’esprit critique.

Alors cette liberté pédagogique est une chance à préserver chèrement, à accompagner, à nourrir. Elle est une chance pour les élèves mais aussi pour les enseignants, en constituant le fil rouge d’une démarche professionnelle exigeante. LIBRES ! Oui, enseignement et éducation, pédagogie ont en commun cette liberté qui fondent les écoles dans la République.

LIBRES ! Ce fut aussi un temps rare, trop rare avec la présence de Jean-Paul JAUD, réalisateur du film du même nom, portant sur la transition énergétique et portant un discours fort sur le crime « intergénérationnel » que constitue le nucléaire. Les premiers échanges autour du repas sont vivifiants ! Ce mot LIBRES ! Lui va bien, me va bien…Les échanges le sont ! Forts, apaisés, mais riches sur cette chape de plomb de l’industrie nucléaire dont le discours s’arrange avec la vérité, ne permettant pas d’être libre de son/ses choix énergétiques en tant que citoyens.

Eco-lycée depuis 7 années maintenant, le chemin est long de la sensibilisation à l’action, mais nécessaire pour faire émerger cet esprit critique et ce discours de vérité qui est un risque mais surtout une chance pour les élèves et étudiants que l’équipe accompagne. Eco-lycée par l’investissement de quelques adultes, des élèves, des partenaires associatifs, je suis heureux d’accueillir Jean-Paul, outre grand professionnel, citoyen engagé et porteur de valeurs fortes. La projection réunit 200 élèves de 3 établissements : collèges et lycées, généraux et professionnels, publics et privé sous contrat…Tout cela nous dépasse ! La thématique, la démarche, les enjeux ! Les enseignants « mélangés », des chefs d’établissements « engagés », des élèves futurs citoyens : le cocktail est particulièrement savoureux ! Ce film LIBRES ! qui n’est pas un documentaire est fort et porte un discours dérangeant parce que si différent de celui des « officines » d’Etat ! Cette projection est l’occasion de proposer et non d’imposer un choix ! Ce qui nous revient est de permettre à chaque jeune de trouver des espaces de réflexion, de construction, d’engagement, de questionnement. Le débat, c’est aussi le partage, l’échange, la capacité à dialoguer de manière autre que virtuellement. Le débat, c’est aussi la rencontre des différences ! C’est surtout une partie du chemin qui mènera la liberté pédagogique des enseignants d’investir ces questions qui nous dépassent et qu’il nous revient de ne pas éviter, mais qui doivent s’inviter dans la démarche d’émancipation des élèves et étudiants !

Cette journée s’achève sur un sentiment ! Celui d’une journée placée sous le soleil, celui qui est une énergie renouvelable, mais aussi celui qui permet un éclairage de questions qu’il n’est pas possible de traiter d’un revers de main parce qu’elles peuvent être dérangeantes et déstabilisantes dans la cadre d’une démarche pédagogique si bien « huilées » et « confortables ». Merci à cette inspectrice, hier matin, merci à Jean-Paul JAUD hier après-midi ! Merci aux enseignants, aux élèves ! Merci surtout à l’école de permettre de vivre ces moments rares de démocratie et de construction de la citoyenneté !

https://www.facebook.com/pages/LIBRES-LE-FILM/421726777970572?fref=ts

le 22 avril 2015

Mettre des mots sur des maux…Les prémices d’une démarche pédagogique et éducative !

Sept élèves de 4ème en voie professionnelle. Sept élèves brisés comme personnes. Sept élèves meurtris par ou pour l’école. Avec l’équipe pédagogique et éducative, j’ai pris le parti de consacrer tout le temps qu’il me semble juste et utile pour accompagner ces élèves sur un chemin chaotique qui les conduiront pour la plupart vers de CAP ou autres formations professionnelles. Ecouter, mais de manière active chacun ; comprendre les ressorts de ces parcours abîmés ; trouver les moyens de faire en sorte que demain soit meilleur qu’aujourd’hui ! Accompagner aussi l’équipe en étant attentif à chaque adulte qui peut douter, être parfois en souffrance face à ces jeunes qui en vrac peuvent parfois déraper dans leur expression, dans leur comportement, dans les travaux qui leur sont demandés.

Alors je suis pleinement conscient de l’exceptionnelle justesse des mots que m’a adressés Eve Ricard, suite à la lecture de « la dame des mots ». Ils sont si prégnants qu’ils m’obsèdent au sens premier du terme : « pour qu’une parole d’enfant ne soit jamais oubliée ; pour voir dans son regard s’ouvrir la porte du vaste monde ; pour faire entendre son cœur faire tomber les chaînes de sa souffrance ».  Ces mots qui s’emparent de moi lorsque je cherche les voies les plus simples et appropriées afin de les accompagner vers la réussite, mais ils ont raisonné de manière tout à fait particulière lorsque je me suis interrogé sur mon rapport aux collègues enseignants. Que puis-je faire et comment faire, être, quelle posture adopter face à ces situations qui peuvent être complexes, douloureuses ? Et bien je me suis dit tout simplement que remplacer le mot « enfant » par « adulte », tout cela avait un sens, avait du sens.

Quelle responsabilité finalement ! Je me retrouve porteur, investi – au sens d’investissement – au premier plan, car à l’articulation de deux mondes faits pour se rencontrer, s’apprivoiser, s’enrichir ! Encore faut-il trouver la clé, ou les clés. La première que j’ai souhaité expérimenter est celle de la rencontre : rencontre des élèves, rencontre des enseignants et éducateurs, rencontre conjointe ou parfois séparée. Cette démarche est pour moi première et exigeante car elle met à nu chacun des participants pour peu que l’on s’implique sans esquiver les vraies questions, que ce soient celles du savoir, savoir faire et savoir être ; le tout en alliant bienveillance et fermeté, attention et rigueur, respect et vérité.

Tout ceci est consommateur : de temps, d’énergie. Tout ceci n’a de sens que si cette démarche se pratique dans la durée. Tout ceci ne peut être qu’un point de départ. Celui de la tortue et non du lièvre ! Ecouter, être attentif, accompagner, encourager mais ne pas leurrer, ne pas trahir ce que l’on est pour se détourner de ce chemin lorsqu’il est plus difficile que prévu, lorsque les résultats se font attendre, lorsque l’immédiateté qui est le mal de notre « temps moderne » doit céder la place à une « slow attitude ». Les confrontations, les frictions, les sanctions, les félicitations, tous ces temps sont les faces d’un même dé. Je suis prêt à tout entendre : pourquoi donner autant de temps aux élèves qui ont un savoir être si éloigné de ce que l’on peut attendre ! Il faut être beaucoup plus virulent sur les sanctions, que sais-je encore…

Je crois simplement que la constance est la mère de toutes les sagesses. Et l’éducation est un bien trop précieux pour ne pas faire attention aux mots, aux clés que l’on utilise afin mettre cette démarche en perspective. Combien de fois j’ai eu le plaisir de retrouver quelques années après, des élèves « compliqués » et qui reconnaissants de ce que nous avions mis en place au prix d’énergie, de sueur, afin de les conduire vers leur avenir que nous avions contribué collectivement à éclairer et à co-construire ?

Vendredi, je répondrai à une question posée en délégation unique du personnel à une question sur cette difficulté à accueillir, accompagner certains élèves : comment faire, comment répondre à une forme d’impuissance liée à un manque d’outils pédagogiques ? Certes, le regard ne fait pas tout, loin s’en faut. Mais la nature du regard peut permettre un début de démarche, d’inventivité pédagogique, de travail collaboratif utile et pertinent !  Rien n’interdit l’intelligence collective ! Pour peu que l’on mette en avant l’idée auprès selon laquelle « je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort que moi…grâce à l’autre ! ». Ainsi, le désir et le « plaisir d’apprendre » pourraient devenir l’alpha et l’oméga des parcours de formation de ces jeunes brisés à l’école !
le 15 avril 2015

« Je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort que moi…grâce à l’autre ! »*

Ce samedi, j’ai été convié à m’exprimer dans le cadre d’une journée « parentalité » sur le sujet « De l’enfance à l’adolescence : comment anticiper et accompagner le changement ? ».  Vaste, très vaste sujet et sensible s’il en est ! Cela fait plus de quinze ans que, chef d’Etablissement, j’accueille, observe, accompagne des enfants, adolescents, jeunes adultes, leurs parents ou bien les adultes qui vivent leur quotidien (éducateurs, enseignants, psychologues, personnels administratifs…). Je suis aussi papa de 3 enfants qui ont entre 11 et 22 ans ! Traiter de ce sujet devrait être une évidence ? Malgré ce que d’aucun pourrait imaginer comme allant de soit est un véritable défi. J’ai pris un vrai temps de maturation, j’ai convoqué mes amis les plus solides et experts les plus sérieux en la matière. D’Eve Ricard à Philippe Meirieu, en passant par Axel Kahn ou Marcel Ruffo. J’ai pioché dans leurs écrits, repris quelques notes d’échanges que nous avons eus, recherché dans mes souvenirs téléphoniques ou rencontres impromptues quelques points d’ancrages forts ! Alors, j’ai effectivement produit un texte, que je pense juste, avec des mots simples et positifs ! Un fond d’écran avec des mains qui se tendent, des mains colorées par de la peinture… Tout un symbole !

Pourtant, la rencontre que je viens d’avoir avec Alexis, futur élève de 4ème, accompagné de sa maman et de sa mamie ont mille fois plus de sens que tous les quelques mots savants qui vont se glisser ici ou là dans mon intervention. Alexis est arrivé, timide, « brisé » par cette école qui se bâtit sur les gagnants et dans laquelle les gagnants construisent leur « succès » en fabriquant des perdants ! Après la « fabrique des crétins », je trouverai plus juste que des « experts » de l’âge d’or d’une école qui n’a jamais vraiment existé, parlent et écrivent sur « la fabrique des perdants » qui n’est autre que la face de plus en plus visible de cet autre côté du miroir qu’est « la fabrique des gagnants ». En écoutant Alexis qui exprime ce mal être évident, je repense à cette belle phrase d’Albert Jacquard : « Je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort que moi… grâce à l’autre.»

Alexis est un jeune comme des milliers de ses camarades. Fragile, plein de ressources pour peu que les adultes qui l’entourent aient l’envie de l’aider à les mettre en valeur ! Une maman célibataire, en formation, pour l’instant sans emploi ; une grand-mère qui s’est jointe à notre rencontre. Je ressens une atmosphère de bienveillance, de tranquillité, malgré les heurts de leur vie personnelle, familiale. Une maman fragile, un papa absent qui ne paie pas de pension, des grands-parents débordant d’amour ! Les premiers ingrédients pour qu’Alexis retrouve l’envie, le désir puis le plaisir d’apprendre sont réunis. Je profite d’un temps où sa maman et grand-mère se sont arrêtées au pôle administratif pour aller faire visiter un atelier à Alexis, lui dire qu’il est le bienvenu.

Le soleil nous accompagne. Alexis sourit ! Il sera un élève prêt à « grandir » avec nous. A vivre cette fameuse adolescence qui parfois tétanise les adultes, mais qui est un temps qui peut s’avérer décisif dans sa vie d’adulte en devenir. Je ne regrette jamais, même lorsque nous vivons une partie de cette « crise » sur l’établissement, ces rencontres, ces moments où l’on voit la personne devenir ! Devenir, avenir sont les deux mots qui me reviennent lorsque je replonge mon esprit dans cette conférence qui m’attend samedi. Autour d’Alexis, de sa maman et de sa grand-mère, je retrouverai la richesse des mots de Philippe, Eve, Marcel et Axel qui donneront à tous les participants l’envie de d’accompagner le changement, de vivre ce passage de témoin entre enfance et adolescence le plus sereinement possible. Aider les jeunes à franchir, accomplir, s’accomplir ! Avec Jacques Gaillot, j’écrivais en 2010 : « Les jeunes, une chance pour la société ». Ces mots n’ont pas vieillis, me semble-t-il. Pourvu que nous ayons, au-delà des pesanteurs, des difficultés du moment, comme horizon, la société de demain que nous voulons construire avec eux !

*Albert Jacquard – 1925-2013

le 8 avril 2015

Risquer la pédagogie ou comment capter les métamorphoses…

Risquer la pédagogie, écrivais-je dans ma dernière chronique. Utile et nécessaire ! Je ne croyais pas que l’occasion de vérifier cette hypothèse se présenterait aussi rapidement. Je vais donc profiter de cette chronique pour vous raconter une fable, une histoire avec un peu de distance, mais qui ressemble à un beau « coup de gueule » face à celles et ceux avec qui je devrais partager ce souci de l’accompagnement, de la transmission, de la volonté de permettre à ces adultes en devenir de marcher vers une citoyenneté et une émancipation assumées ; mais qui au nom d’une idéologie conservatrice et frileuse ne font que moquer « les pédagogos » dont je suis heureux d’être.

Ce mardi matin, j’ai donc rendez-vous avec une maman et son fils que j’appellerai Pierre pour les besoins de cette chronique. Pierre est élève de 4ème générale et rencontre de plus en plus de difficultés d’apprentissage depuis qu’il est entré au collège. Sa maman m’assure d’emblée que Pierre ne pose pas de problèmes de comportement et que ses difficultés ne sont « que d’ordre scolaire ». Les échanges que nous avons tous les trois montrent bien qu’une journée de cours est longue, bien longue pour cet élève et que sa concentration est parfois loin d’être au rendez-vous. Rien de plus normal, dis-je, lorsque les notions, raisonnements, connaissances s’accumulent et que Pierre ne perçoit ni le sens de ces apprentissages, ni ne comprend parfois un traitre mot de ce que l’enseignant essaie de lui transmettre. Pierre s’est « éteint » au fil des semaines, se renfermant, s’excluant de la démarche autant que les enseignants l’en ont eux-mêmes exclu, n’allant pas « le chercher » là où il est, mais attendant qu’il vienne simplement là où ils l’attendent !

Une maman désemparée, un élève à la dérive, des réponses à leurs questions qui ne viennent pas. Ou si, une réponse : Pierre redoublera sa classe de 4ème ! Fermez le banc. Puis, après plusieurs échanges avec le professeur principal, celui-ci avec un collègue de l’équipe propose à Pierre et sa maman une solution, la solution « miracle » : mettre à disposition de Pierre un ordinateur ! Ainsi, toutes ses difficultés s’envoleront et il finira son année scolaire sur les chapeaux de roue ! Aucun accompagnement, rien d’autre d’un outil, un prolongement de la main, un prolongement « intelligent »…Ce qu’il manque à Pierre ?

Je découvre que rien n’a été posé, pas d’équipe éducative, pas de recours à l’enseignant référent de la MDPH (pardon pour ce barbarisme….Maison Départementale pour les Personnes atteintes de Handicap), de rencontre formelle, de diagnostic clair ! Et comble de tout, la maman m’indique que les enseignants lui ont indiqué que si se mettait en place une équipe éducative, si un recours à l’enseignant référent de la MDPH était sollicité, cela « suivrait » son fils pour toujours et que son orientation serait bien compromise !

Je vous avoue que je suis défait, anéanti par de tels comportements d’enseignants, de tels messages véhiculés et une telle stigmatisation exprimée sans le début d’une once de vérité ! J’essaie de remettre un peu d’ordre dans ce que me disent Pierre et sa maman, de parler de l’orientation de Pierre qui souhaite entrer dans l’armée de l’air ! D’expliquer encore et toujours que Pierre a des capacités, que Pierre a un projet et qu’il faut construire avec lui et sa maman ce parcours qui sera exigeant mais solide afin qu’il vive l’école comme une chance et non un lieu « qui n’est pas pour lui ». De convaincre sa maman que la mise en place d’une équipe éducative sera la chance pour Pierre de voir mis en place tous les outils dont notre intelligence collective est capable pour faire en sorte que revienne le désir d’apprendre et se prolonge en plaisir d’apprendre.
Pierre sera élève dans « mon établissement » l’année scolaire prochaine. J’en suis particulièrement heureux. Sa maman et Pierre quittent mon bureau avec le sourire que demain sera plus joyeux et constructif qu’aujourd’hui. C’est pour moi l’essentiel !

Mais au-delà de Pierre et de sa maman, c’est bien le message délivré par des enseignants qui « les accompagnent » aujourd’hui qui me révolte ! Comme si la réussite ne tenait qu’à un outil ! Comme si la réussite et l’attention à chaque élève n’avait de sens qu’à travers la mise à disposition d’un « prolongement dit intelligent de la main » sans aucun accompagnement ! Comme si tout cela ne nécessitait aucun travail collectif, pluridisciplinaire, comme si l’éducation, la formation, l’accompagnement pouvaient se dispenser d’intelligence pédagogique ! Risquer la pédagogie, risquer l’innovation, risquer d’accompagner…Risquer ! Notre métier, nos métiers sont tout sauf « plan-plan », sauf un long fleuve tranquille ! Ils sont des occasions uniques de recherche-action, d’essais-erreurs, de prolongement humain de l’intelligence pédagogique pour peu que nous soyons imprégnés de l’idée selon laquelle à notre place, nous participons à la construction de notre vivre ensemble de demain ! C’est exaltant pour « les artisans » que nous sommes ! Car notre horizon est bien la société de demain, qui se projette et permet de capter les métamorphoses qui se font jour, et non la réaction, la conservation d’un monde et d’un âge d’or de l’éducation fondé sur la verticalité des relations qui est le contre-modèle de notre avenir.

le 31 mars 2015

Vive la pédagogie du risque !

Lorsqu’une pédagogie de projet sert de fil rouge à une semaine entière et implique l’ensemble de l’établissement, je suis un chef d’établissement heureux ! Heureux parce que la diversité, l’inventivité, l’imagination et le désir d’apprendre sont au cœur de l’acte de formation. D’une exposition sur la thématique des cabinets de curiosité, ces lieux où, dès les XVIème et XVIIème siècles, l’on collectionne une multitude d'objet rares ou étranges représentant le monde animal, végétal et minéral, en plus de réalisations humaines... en passant pas un atelier « cirque » où la magie et le regard de chacun est émerveillé par ce retour dans le monde de l’enfance... en se promenant devant des sculptures de gargouilles à base de bouse de vache... jusqu’à une course alliant la « tête et les jambes » et tant d’autres expériences, découvertes, échanges, expositions…

Mixer les publics, les expériences, mettre en valeur le travail de chacun, adulte comme élève ou étudiant constituent des moments de pur bonheur éducatif. D’ailleurs, si je ne me trompe pas, cette expression ne se trouve dans aucun des dictionnaires de pédagogie, des programmes de formation des enseignants, ou bien à la marge, parce que cela constitue le fondement de quelques "pédagogos" (ici vous aurez compris le respect que j’éprouve pour celles et ceux que l’on classe dans cette catégorie…), ces olibrius trop peu nombreux à mon goût mais dont je suis fier de partager la démarche et les idées. Comment ne pas voir, dans le regard de chaque jeune, la fierté d’avoir participé à un projet collectif, partagé, devant les résultats visibles et tangibles où tous s’arrêtent avec un émerveillement non feint?

Trans, pluri disciplinarité…projet, démarche…Tous ces mots sont écrits, ici ou là, dans des textes, des circulaires. Des injonctions venues « d’en haut » le souhaitent, y invitent sans parfois mesurer la portée ou les moyens que cela nécessite. Mais trop peu, si peu s’y lancent ! Parce que certains établissements ont peur de l’inconnu, de passer la ligne jaune au-delà de laquelle l’inconnu peut mettre l’enseignant en difficulté ! C’est effectivement tellement confortable intellectuellement de « faire cours », de penser maîtriser le cadre et de dire qu’en dehors de lui, point de salut.

Je suis plutôt fier de l’équipe avec laquelle je travaille, car l’option de la « pédagogie du risque » constitue son axe de travail, son horizon afin que les élèves, étudiants, chacun puisse donner le meilleur de lui-même, puisse s’approprier les connaissances, les démarches, les pratiques qui les rendront plus autonomes, plus émancipés, plus citoyens et pleinement adultes ! Même si l’école ne peut tout, elle peut et donne beaucoup pour modeler ce que sera l’aspiration à un vivre ensemble apaisé. Elle peut être un « passeur », un lieu de la pédagogie du chef d’œuvre, de la rhétorique ; elle est un lieu qui doit offrir à chacun l’excellence de ce que permet une pédagogie du risque, une pédagogie qui ouvre les possibles, qui n’a pas peur de l’autre ; une pédagogie qui donne du sens aux apprentissages, cette pédagogie du désir et du bonheur qui permet à chacun de celles et ceux qui ont été « cassés » par cette approche d’une concurrence destructrice de l’humain, de s’épanouir par l’émulation et la coopération.

Ce ne sont pas seulement les élèves ou étudiants qui sont gagnants dans ce « jeux pédagogique coopératif ». Les enseignants à travers cette posture au cœur d’une démarche de projet, se mettent en danger pour mieux retrouver un équilibre leur permettant de donner le meilleur d’eux-mêmes, de retrouver les clés de la motivation qui les a conduits à choisir le métier de transmettre.

En ces tristes journées où les peurs prennent le pas sur la volonté qui ouvre le chemin, je retrouve le sens du très beau proverbe arabe « avance et tu seras libre ». Je le partage avec tous les jeunes et adultes de mon établissements qui croient heureusement encore que l’école a du sens pour que la société de demain ressemble à ce que nous souhaitons transmettre aux générations futures.

le 16 mars 2015

Co-opérer…

Les mots ont du sens. Les projets de co-opération internationale font partie intégrante des missions de nos établissements. Plus que nos missions, ils sont au cœur des parcours de formations des élèves et personnels du lycée. La semaine passée, des élèves ont rejoint l’Allemagne – projet avec l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse - mais des enseignants se sont aussi rendus au Portugal dans le cadre d’un projet ERASMUS+.
Des outils existent ! Ils sont à la portée de tous. Je suis heureux qu’un maximum d’enseignants et d’élèves ou étudiants s’en saisissent. Parce-que la rencontre des cultures est une chance pour tous, la co-opération, un concept et un état d’esprit qui sont une alternative au modèle de concurrence qui broie, élimine autant les personnes que les projets. L’éducation co-opérative et l’émulation pourraient constituer les bases d’une démarche alternative. Tous les projets de réformes mis en place ici ou là n’auront de sens que lorsque ils ne seront pas de purs aménagements techniques, des rajouts d’une heure ici ou là d’aide personnalisée, d’un volume de langue réparti sur 3 années et non deux…Que la pluri-disciplinarité ne fera pas l’objet d’une découverte alors qu’elle est constitutive des programmes depuis de longues années dans l’enseignement agricole…

Alors, je ne dis pas l’inutilité de ces aménagements, parce qu’ils ont du sens, mais ce ne sont pas des réformes permettant de réorienter fondamentalement le modèle de l’école, devenu élitiste et s’étant éloigné du modèle de la méritocratie républicaine. Comme le disait justement Albert Jacquard, le compte à rebours a déjà commencé. Les aménagements face à tous les conservatismes, face à une marchandisation de tous les pans de la société dont l’éducation est malheureusement concernée ne font que reculer l’échéance d’une « fin de vie annoncée ».

Alors, lorsque des projets et des « poches » de co-opération s’offrent aux établissements, c’est une chance de pouvoir les saisir. Travailler ensemble, concertation, échanges, enrichissement mutuel, pratiques innovantes sont au cœur de cette démarche qui doit nourrir les projets d’établissement, au-delà des programmes, des référentiels, des arrêtés, des circulaires qui sont parfois, pour ne pas dire toujours sclérosants.

Alors lorsque je vois des enseignants s’impliquer dans une démarche pour rencontrer des collègues d’autres pays européens, échanger sur les pratiques, découvrir des projets, en inventer de nouveaux pour les élèves et étudiants, je ne peux qu’être le plus heureux des chefs d’établissement ! De même, voir des enseignants s’inscrire dans une démarche historique au sens premier, avec cet Office Franco-Allemand qui s’est construit pour prolonger cette paix si chèrement payée, si fragile et pourtant si précieuse pour nos générations et celles de demain, est un vrai bonheur.

Au-delà, de ces exemples à la fois factuels mais riches de sens, c’est de l’école et des valeurs qu’elle transmet dont il s’agit ; et du comment elle les transmet. Ce n’est pas rien et mineur comme certains adeptes du modèle libéral dominant le laissent entendre. Parce qu’il en va, à travers l’école, de notre modèle de société, celui que nous voulons aider à construire pour demain, afin que les citoyens et adultes en devenir que nous accompagnons, que nous aidons à vivre l’esprit critique, menons vers l’émancipation, puissent s’en saisir.
Notre école, cette école au cœur de la République, c’est un des piliers de notre bien commun, qui ne renie rien de son passé, qu’il soit chaotique ou plus apaisé. Résister c’est créer et créer, c’est résister. C’est par ces mots que Stéphane Hessel débutait son « Indignez-vous » ! L’école n’en serait-elle pas le meilleur des exemples ? Je voudrais aussi accoler à cette démarche ces quelques mots que m’avait glissé un jour, Sœur Emmanuelle, lorsque nous échangions sur les grands inventeurs, penseurs, architectes de l’école et de la pédagogie. Elle résumait alors leur parcours et leur engagement ainsi : « cours, vole, cherche le bonheur des autres et ton cœur chantera ! ».

Soyons, à travers la co-opération des acteurs engagés d’une école qui ait du sens pour demain !

le 11 mars 2015

Culture…

« Quand j’entends le mot « culture », je sors mon révolver ». Cette phrase a été prononcée par Friederich Thiemann, le 20 avril 1933, date de l’anniversaire d’Hitler ! Vous ne le connaissiez pas ? C’est normal, il n’a jamais existé ! Thiemann était un des protagonistes de la pièce de théâtre Schlageter de Hanns Johst, dont la première avait lieu ce jour-là. Hanns Johst, (1890-1978), national-socialiste convaincu a dû à plusieurs romans, poésies et pièces de théâtre d’être lauréat de différents prix littéraires octroyés par le Parti. Très introduit dans le petit cercle des intimes du Führer, il y était reconnu comme le “barde de la SS”. Leo Schlageter, initiateur de la mouvance national-communiste de l’après 14-18, entra en résistance contre les troupes françaises d’occupation de la Ruhr. Arrêté par celles-ci, il fut fusillé en 1923. Il fut alors considéré comme le 1er héros du national-socialisme. Un peu d’histoire, quelques rappels pour planter le décor ne fait de mal à personne et à moi le premier.

Et bien lorsque j’entends le mot culture et que je le vis en partage avec les élèves et l’équipe pédagogique, j’entends égalité des chances, émancipation, citoyenneté, République ! Pour tout dire, je suis pleinement rassuré ! Et surtout, heureux de ce contraste « historique » et factuel ! Que des élèves puissent avoir dans le cadre de leur parcours de formation à cette culture dont il est dit qu’elle est un luxe et ce d’autant plus en période de crise, est au contraire une chance, une opportunité, un véritable gage d’un parcours éducatif qui offre à chacune et chacun des élèves ce que notre héritage patrimonial a de meilleur. Hier au soir, une bonne centaine d’élèves, comme c’est la cas depuis plusieurs années dans l’établissement que je « pilote », ont cette chance exceptionnelle d’être accompagnés, par des enseignants qui sont de cette veine considérant la « culture » comme un vecteur de connaissance, d’enrichissement et d’émancipation sociale et personnelle. Atelier artistique, sorties théâtre se succèdent. De Molière à Beaumarchais, Tosca, ou hier au soir "J’kiffe Antigone" de Ladji Diallo, ce sont des pépites qui sont offertes au cœur et à l’âme de chacun.

Comment ne pas être fier de se dire que les étoiles aperçues dans le regard de ces adolescents qui pour certains passent devant un théâtre en se disant que « ce n’est pas pour eux » !  Que le théâtre, « c’est ce que l’on voit à la télévision, avec des gens « chics » dans le public, des personnes qui comprennent, disposent aussi d’une maison, de beaux vêtements, qui ont réussi leur vie ! » Alors ce soir, effectivement, lorsque j’entends leurs silences, leurs rires, leurs émotions, j’ai cette petite « bête » qui ronge mon estomac, cette émotion à mon tour me gagne. Les enseignants aussi ont ces étoiles dans le regard, ces étoiles d’enseignants fiers d’être au côté de ces élèves dont parfois les parcours ne sont pas fluides, de ces jeunes au parcours personnel compliqué, fiers de pouvoir aussi leur offrir ce magnifique cadeau qu’est un accès facilité à notre patrimoine culturel partagé.

Hier au soir, j’ai été heureux pour toutes et tous, pour chacune et chacun, pour ce temps de découverte et d’échanges, pour ces sourires et ces émotions ; pour la chance offerte - j’en suis certain - saisie par ces jeunes de découvrir un univers qui ne leur est pas interdit, mais simplement auquel ils n’ont pas tous accès ! Derrière ce temps fort, il y aura un travail d’accompagnement éducatif, d’approfondissement, d’innovation pédagogique, d’intelligence qui parle au cœur et à l’esprit.

La culture, une vraie transversalité pour le plus grand bonheur de tous : adultes et élèves ! La culture, ce qu’il reste comme ciment de cohésion sociale lorsque il ne reste que des idées nauséabondes et clichés qui entretiennent les petites lâchetés et conduisent vers un lendemain brun. La culture, c’est aussi ce qu’il nous reste de meilleur au lendemain de l’esprit du 11 janvier. Ce sont les Lumières, c’est Voltaire, Hugo, Péguy, Sartres et Aron, Hanna Arendt. «Elle est bien morte, la culture, écrivait Sartre, quand les écrivains se mettent à la défendre au lieu de la faire.» Elle est vivante cette culture, lorsque dans l’école, on s’en saisit pour faire grandir les jeunes que nous croisons sur le chemin de l’éducation ! Soyons des artisans et des passeurs, pas seulement des témoins ! Soyons des acteurs de cette culture qui à travers l’école la fait vivre et battre dans le cœur des élèves.

le 19 février 2015

Réflexion pour un devoir de vacances !

La période de congés d’hiver est propice à la mise à plat de dossiers administratifs, d’investissements. C’est aussi le moment où j’ai fait le choix de prendre du temps pour moi, de faire « le carême » de la fonction que j’occupe, le « ramadan » des habitudes. « Ramadan, carême », pour moi ne signifient ni privation, ni austérité, mais pause dans le tourbillon incessant d’activités multiples ! Prendre simplement le temps de « faire les choses » : je suis un adepte du slow-work ! Une façon de décliner le concept de slow…que je n’ai pas assez le loisir de mettre en application. Ce lundi, à 10h00, je n’irai pas dans la salle des professeurs prendre le café du matin, deviser ou transmettre des informations aux collègues, écouter les bleus à l’âme ou simplement plaisanter afin de détendre parfois une atmosphère « tendue » à l’approche des vacances…
Je préparerai un « thé des impressionnistes »  qui embaumera mon bureau. La tasse entre les mains me réchauffera, alors que dehors, le gris des nuages et la fraîcheur du vent, la pluie certainement, si la météo ne s’est pas trompée, s’écrasera sur les baies vitrées de mon bureau.

Je ne ferai toutefois pas l’économie de lire les messages laissés dans la boîte électronique ou ceux sur le répondeur téléphonique. Combien traduiront, derrière une demande renseignement sur le lycée, les filières proposées, une inquiétude, un souci de bien faire, l’envie de trouver une bouée de sauvetage, un temps de dialogue pour que cela se traduise par une promesse d’éducation. La France vit au rythme des échéances électorales, des promesses des candidats aux élections départementales : moins d’impôts, davantage de projets, bref, la quadrature du cercle dans la plupart des cas ! Je m’interroge sur la posture que je vais adopter lorsque je vais prendre contact avec ces familles qui lancent pour certaines, un SOS… Vais-je moi aussi, entrer dans ce jeu consistant à faire des promesses en tirant des traites sur l’avenir, conscient de ne pas pouvoir en tenir le début d’un commencement ? L’esprit du 11 janvier a vécu je le crois. En tous les cas, je suis fier de faire partie d’une communauté éducative qui s’inscrit dans ces valeurs si belles de notre République : liberté, égalité, fraternité et laïcité. Une communauté qui tient parole, tout simplement.
Je me dois, comme éducateur, d’être de ceux qui ne peuvent que « tenir parole » ! Comment être exigeant envers des jeunes, les aider à co-construire leur projet personnel et professionnel si je ne suis pas capable de leur dire autre chose que ce qu’ils veulent entendre et qui est la douce musique de la société qui privilégie l’immédiateté, la superficialité et valorise le « juste à temps » ? Devrai-je porter un message lénifiant, faussement rassurant auprès des familles, celui « du professionnel » de l’éducation en leur indiquant qu’elles peuvent « dormir tranquilles », que je m’occuperai de tout, que l’équipe éducative sera à même de faire du « clé en mains » ? Certainement pas ! On ne peut construire, co-construire en excluant : d’abord le jeune en ne lui donnant pas les outils indispensables visant à en faire un acteur de sa formation, gage demain de se construire comme citoyen responsable ; ensuite sa famille, car l’école n’est pas « une bulle sur le continent de la vie » et que l’éducation est un tout. Comment ne pas associer les parents à ce parcours complexe, ardu, qui est une promesse d’éducation ? « Ensemble, tout devient possible » ! C’est le cas en éducation aussi et surtout pour peu que nous ayons l’exigence intellectuelle de tenir parole. 

L’inquiétude qui percera derrière ces messages parfois « maladroits » - mais est-ce si simple de parler à une boite vocale, quelque peu impersonnelle ? – me conduira à prendre contact avec ces familles. Il pourra s’agir d’une jeune qui a redoublé sa classe de 5ème après avoir eu déjà quelques difficultés en CM2 ! Que sais-je encore…Mais en éducation, rien n’est définitif ! C’est aussi mon horizon, mon fil conducteur. Dédramatiser le rapport à l’école autant pour les parents que pour le jeune me semble être la première des conditions pour entamer un cheminement  scolaire et personnel. Promesse d’éducation, oui mais aussi engagement de tous : du jeune, de l’équipe éducative, de la famille. Promesse d’éducation, certes, mais obligation de moyens de chacun des acteurs ! Promesse d’éducation, enfin, mais envie de résultats ! Dédramatiser pour mieux être exigeant pour transmettre des savoirs et aider chaque élève à s’émanciper.

L’école a ceci de précieux, qu’elle est le lieu de la République où les promesses ont encore un sens. Promesse de se construire afin de faire que demain, la société soit à l’image de ce projet collectif porté par cette institution, parce qu’elle est composée d’hommes et de femmes dont l’objectif est de mettre en exergue les talents de chacun pour la réussite de tous. L’école est aussi le lieu de la République où l’on peut encore résister pour construire, faire que la démotivation qui gagne les jeunes – pourquoi travailler bien à l’école puisque nous vivrons moins bien que nos aînés, entend-on souvent – ne devienne pas une fatalité ?
L’école, heureusement, peut quelque chose pour toutes celles et tous ceux qui ont un cheminement un peu compliqué, un peu chaotique. Elle peut aussi beaucoup pour celles et ceux pour qui la route est simple et sans embûche. Demain, comme aujourd’hui, je tiendrai parole ! Parce que l’éducation est une promesse trop belle pour être écornée… comme la nature l’est pour le printemps.

Bonnes vacances à touts et à chacun !

Le 10 février 2015

De "La Dame des mots", j’ai appris…

Un ouvrage, quelques échanges par mail, une rencontre prévue qui n’aura pas lieu, des appels téléphoniques et derrière tout cela, des mots…

J’ai ainsi rencontré Eve Ricard, cette orthophoniste « atypique » qui a posé des mots, tricoté des phrases, permis à des maux de s’exprimer… Sur un coin de mon bureau, un ouvrage et un seul ! Celui d’Eve, « La Dame des mots ». J’ai poursuivi mon apprentissage de la rencontre, un temps fort de ce que je considère comme la belle fonction que j’exerce, grâce et avec les mots de ce petit ouvrage qui est la leçon d’humanité que j’ai inconsciemment et longtemps cherché. La quête du graal…J’ai poursuivi la recherche des mots les plus appropriés, de la bonne distance, de cette capacité à trouver, retrouver le fil de la confiance, de cette capacité à passer du tourment à la pépite que chacun porte en soi.

« Etre responsable de l’autre par le regard que je porte sur lui, sur elle ». Ceci est probablement la clé de cette capacité de chaque éducateur à permettre à chaque élève, de réussir à son insu. Cette démarche est à la fois d’une puissance réelle, mais aussi d’une fragilité, ressemblant quelque peu à cet artiste de cirque, ce funambule qui va cheminer sur son fil ! Nous l’imaginons à la fois si fort qu’il ne pourra tomber, mais aussi fragile, car il peut chuter à chaque instant !

Cela fait quinze années que je suis chef d’établissement, mais c’est certainement aujourd’hui que j’ai le sentiment d’avoir rencontré et certainement avec le plus de justesse, la fonction que j’exerce. Je me dis que tout est possible et que l’impossible n’existe pas ! Ce petit ouvrage, posé là, à portée de main, est ma cabane ; celle dans laquelle je me blottis lorsque un doute vient jouer cette petite musique qui me dit que j’ai encore tellement à apprendre. A l’intérieur, je retrouve ce qui ne s’exprime pas seulement avec des mots, mais ce sentiment de plénitude, qui transforme la certitude en doute, puis le doute en espérance, mais non en solution « prêt à porter » !

« Il n’est pas raté ton dessin, Mohamed. N’oublie pas qu’ici, rien n’est jamais raté. » Une autre pépite, une autre voix et voie que j’entends, lorsque je prends le temps de vivre ce ressourcement au cœur de « ma cabane ».

J’ai donc rencontré Eve, ce chemin de vie qui l’a conduit à devenir un témoin, un passeur de lumière ! Les échanges de messages, les interrogations partagées, nos voix qui font se répondre les mots les uns aux autres ! Et parce que nous sommes le produit de nos rencontres, celle-ci compte certainement davantage que d’autres pour moi. Parce qu’elle a éveillé – oserai-je dire réveillé – ce regard du cœur sans lequel, « aimer son prochain n’a de sens que si on commence par lui ».

Cette cabane dans laquelle je respire parfois ressemble à cette école buissonnière dont Eve parle si justement. Ainsi, j’ai découvert cette dimension nouvelle de ma fonction et suis parfois heureux d’emprunter des chemins de traverse, où faire l’école buissonnière constitue cet oxygène dont j’ai besoin pour donner le meilleur de moi-même.

Je viens de rencontrer à nouveau Frédéric, cet élève de 4ème, puis Ludovic, en classe de 1ère et en échec scolaire, si tant est que cette expression ait un sens. J’ai jeté un œil sur ce petit livre, déposé là, à quelques centimètres de ma main. Je me suis retrouvé simplement seul, ait souri en me disant que peut-être les mots, gestes et regards posés lors de ces rencontres auraient rencontré la bienveillance d’Eve. Qu’aurait-elle dit si elle avait été à ma place ? J’espère au fond de moi que j’ai été à la hauteur de l’ambition que je me suis donnée : celle d’une éducation exigeante et bienveillante. Réapprendre ce que je suis et ce que je fais, chaque jour... car rien n’est jamais acquis.

Le 2 février 2015

L’éducation, une occasion de rencontre….

Le rythme des rencontres a repris son cours. Loin d’être anodines, elles donnent toujours plus de densité, de sens à cette fonction qui est aussi et avant tout une mission. Cependant, demeure l’essentiel qui est de trouver un juste équilibre entre ce que je suis comme personne et ce que je suis devenu, comme chef d’établissement. L’équilibre instable permanent, ai-je l’ambition de dire…

J’ai été particulièrement heureux de rencontrer Frédéric, cette semaine. Quelques jours auparavant, une réunion de l’ensemble des professeurs de la classe de 4ème en voie professionnelle s’était déroulée. Je n’avais pu y assister, mais avaos participé à l’écoute de la conclusion. La professeure principale en avait fait une synthèse particulièrement  remarquable, avec des mots justes, je le crois. J’avais souhaité la rencontrer immédiatement à l’issue, sentant que certains élèves vivaient difficilement cette période depuis le retour des vacances de Noël.

Un des élèves méritait un point d’attention plus particulier, Frédéric. Des hauts et des bas, depuis le début de l’année scolaire. Elève interne, chaque fois qu’il me croise, ce grand gaillard de 14 ans me fait toujours un signe de la main, me salue et me donne du bonjour Monsieur. Je luis rends bien entendu son salut et m’enquiert de ce qu’il vit. Parfois le soir, il m’arrive de manger à l’internat et là encore, je le sens à la fois heureux, insouciant, mais fragile. Frédéric n’a pas acquis les codes appropriés lorsqu’il est en classe, je devrais dire tout simplement en groupe.

Il peut couper la parole indifféremment à ses camarades ou ses professeurs. Parler de tout autre chose que du sujet évoqué. Difficile de se concentrer pour Frédéric. Mais un stage très réussi en mécanique moto. Assidu, ponctuel, travailleur, attentif…

Alors avec sa professeure principale, je prends l’initiative de rencontrer Frédéric. Mais dans mon bureau, et non dans la cour. Le lieu est important. Je souhaite donner à cet instant à la fois de la solennité mais aussi de la bienveillance nécessaire. Face à moi, j’ai un jeune qui me semble « cassé », « brisé » physiquement, psychologiquement. Les adultes lui ont tellement dit qu’il était  « nul » ! Ses parents, mais aussi, ce qui est plus qu’inadmissible, des enseignants. Des enseignants qui ont un devoir d’assistance de « jeune en danger, en insécurité éducative»…

Je lui dis que ce qu’il a entendu jusque là le concernant était aussi « stupide » que son comportement. Qu’il avait des capacités, des qualités, que son horizon était certainement celui de la réussite. « Tu as vu comme tu t’es bien débrouillé sur ton lieu de stage ? Combien le patron était content de toi ? Tu as envie d’y revenir car il t’attend pour ton prochain stage ! ». Frédéric est apaisé, une lumière dans son regard, un sourire masque ce visage « marqué » par l’échec, les échecs, le dénigrement, l’injustice.

Frédéric parle, me parle, regarde, me regarde. Nous abordons les sujets qui fâchent : son vocabulaire, sa façon d’être, l’absence de respect des règles du vivre ensemble. Puis nous fixons des objectifs raisonnables. Ambitieux pour Frédéric, mais raisonnables du point de vue de la vie de groupe. Etre attentif, écouter les consignes, participer, sourire parfois, pauser sa voix…Nous nous reverrons avec Frédéric chaque semaine afin de marquer les progrès, les difficultés. Accompagner encore, toujours, voilà mon ambition. Je crois que cette rencontre a du sens. J’en suis pleinement convaincu lorsque, alors que nous allons nous réparer, dans un dernier regard, Frédéric me dit que ses 4 frères et sœurs et lui-même sont placés depuis l’âge de 5 ans…Je suis certain que Frédéric ma fait le dépositaire de cette histoire de vie parce qu’il a confiance en ce que je suis pour lui. « Son » chef d’établissement. Mais aussi un adulte avec qui il sait pouvoir partager l’essentiel. Une fois terminée cette « pause éducative » - c’est le nom que je donne volontiers à ces rencontres, je mesure la responsabilité qui est la mienne, comme « pilote » d’un établissement. Jamais je ne pourrai me résigner à voir dans les jeunes croisés sur le chemin de l’éducation, cette forme de « nullité » qui stigmatise injustement ! Jamais je ne pourrai accepter que la misère éducative et culturelle prenne le pas sur la vie de chaque jeune ! J’ai encore en mémoire une ou deux tribunes écrites, sur le mode de l’indignation : « les jeunes ne sont pas une marchandise », « les jeunes une chance pour demain »… J’aurais plutôt envie de dire à Frédéric et à tous les Frédéric que je vais avoir la chance de croiser : « avance et tu seras libre » ! A moi aussi de faire en sorte que l’éducation aide chaque jeune à s’émanciper !

Le 28 janvier 2015

Une inspection a-t-elle un effet sur un enseignant ?

Question absconse… tellement forte mais dont la réponse est si difficile qu’elle peut laisser quelque peu circonspect ! Alors je vais essayer de l’éclairer de ma pratique d’enseignant, puis de chef d’établissement…

Je me souviens, dans les années quatre-vingt, de ce samedi matin dont personne ne voulait ! Qui souhaitait enseigner le samedi matin, avec des classes d’examen, dans un établissement « prestigieux », en filière générale économique, avec des groupes de 35 élèves !... Je n’ai pas eu le choix ! Et un de ces samedis où il fait si beau et les élèves sont si peu nombreux dans le lycée, que les fenêtres sont naturellement ouvertes ! Un de ces samedis où les élèves ont davantage en tête le « bassin », la plage, les barbecues, le cinéma que Keynes, Friedman, ou les autres débats sur les avantages comparatifs chers à Ricardo ! Et pourtant, ce fameux samedi de printemps sera celui de ma première inspection ! Tant qu’à faire, ce seront deux séquences de seconde puis de terminale, le cours et les fameux travaux dirigés. Au fond de la classe, se sont installés le Proviseur qui m’a demandé si j’acceptais qu’il soit présent à l’inspection – comment lui aurai-je dit non ? - l’Inspectrice Pédagogique Régionale et l’Inspectrice de la discipline. Que d’honneur pour un si jeune enseignant, mais que de pression pour ce temps « extra-ordinaire » ! Très vite, j’ai oublié la présence de ces trois « autorités » pour dérouler les séquences que j’avais préparées consciencieusement, mesurant mal ou trop bien - je ne m’en souviens plus - l’enjeu de la situation ! Les minutes se sont égrainées, les unes après les autres, tout simplement. Pause entre les heures : je reste à mon bureau, je re-prépare la séquence suivante. Je vérifie mes supports, les photocopies. Voilà, tout est à chaque fois à nouveau prêt. Vient la fin de la matinée. Les élèves ont été égaux à eux-mêmes ! A la fois sérieux, caustiques, surprenants... complices parfois, jamais complaisants. Je ne les avais pas prévenus de cette inspection ! Inconscience, jeunesse dans le métier ? Non pas exactement, mais volonté, certainement, de me « mettre en danger » pour être le plus « naturel possible ». Certains diront présomptueux… à raison en partie… Ils vont rejoindre d’autres rives, celles de la douceur d’un week-end presque estival…

L’entretien commence. Le Proviseur « s’efface ». Reste un « tête à tête » avec « mes » deux inspectrices. Des conseils, quelques ajustements, des suggestions… Des interrogations partagées, sur le « timing », le choix des documents et leur pertinence, des sourires aussi, des propositions de rencontres ultérieures afin d’échanger sur les pratiques pédagogiques. Ce temps va durer une bonne heure et se prolonger, sur la proposition des inspectrices, au café du coin, « Chez Auguste ». Je ne sais si cela est une pratique habituelle, mais je conserve de cette longue matinée, la substantifique moelle d’un professionnalisme exigeant mâtiné de bienveillance républicaine, devenus si rares me semble-t-il.

C’est probablement tout ceci qui a conduit et m’incite à dire qu’une inspection peut avoir un effet sur un enseignant ! Trente ans après, ce temps me marque encore chaque fois qu’une de mes enseignantes ou enseignants se trouve dans une telle situation. Je prends du temps pour accompagner l’enseignant, tant sur un plan professionnel, que technique ou humain afin qu'il se sente aussi serein que possible, qu’il puisse, comme j’en ai le souvenir personnel, se « donner » à fond, à la fois physiquement et intellectuellement ! Car « faire la classe », c’est tout cela à la fois. La faire sous le regard « extérieur » n’est pas neutre, anodin. C’est exaltant ! C’est aussi fondateur et ne doit pas être destructeur. Là, j’ai l’impertinence de m’adresser à la fois aux enseignants mais aussi aux inspecteurs ! Aussi aux élèves qui doivent rester eux-mêmes, aux collègues, simplement bienveillants. Parce que l’essentiel demeure la sécurité éducative des élèves !

Le bonheur ? Que des élèves se souviennent quelques années après de cet(te) enseignant(e) et du rôle joué dans l’apprentissage d’une discipline, d’un dialogue engagé, de ses exigences, fulgurances ce qui n’exclue pas la bienveillance…Et cela est plus fréquent que nous ne pouvons l’imaginer ! Alors, Mesdames et Messieurs, les Inspecteurs, soyez les gardiens de l’innovation, de la diversité des pratiques, de la capacité et de l’envie des enseignants, d’essayer, de réussir sans plaquer vos propres schémas d’une orthodoxie qui n’est qu’une sécurité de « papier », comme toutes les formes de tentatives d’uniformisation. Mais je sais, pour vous accueillir ici ou là, dans mes établissements, que vous êtes nombreux à être ces gardiens vigilants au service de l’éducation et que, oui, le moment de l’inspection achevé, votre rencontre avec l’enseignant aura contribué à enrichir son parcours.

Le 8 janvier 2015

C’est l’encre et non le sang qui doit couler dans une démocratie !

Ce jour est particulier pour le chef d’établissement que je suis. Dans chaque établissement, nous nous sommes mobilisés pour nous associer à la douleur et répondre dignement à la barbarie dont nous avons été collectivement témoins et victimes. Alors cette chronique a un sens qui relève davantage de la posture du citoyen que du chef d’établissement que je suis. Bien que…

L’indignation se doit d’être à la hauteur de la barbarie de l’acte commis. La République a été abîmée, ce mercredi 7 janvier 2014.  La liberté souillée, la fraternité piétinée. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme » comme le proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C’est effectivement l’encre et non le sang qui doit couler dans une démocratie. Le sentiment d’union nationale aujourd’hui doit se traduire en actes forts afin de résister à la haine qui s’est ainsi exprimée. Nous allons devoir faire preuve collectivement d’une force et d’une résistance à la hauteur de l’enjeu posé, et de ce bien commun qu’incarnent les valeurs portées par notre République. Nous devons relever ce défi avec calme, lucidité et une détermination sans faille. Si la haine engendre la haine, l’amour de l’autre doit constituer un des ferments de la réaction de tous ceux pour qui la liberté des pensées est un des fondements de notre vie en commun. La fragilité de notre tissu social doit engendrer cette réponse ferme et qui ne doit faire aucune concession à l’ignoble. Ne jamais céder aux peurs, aux fantasmes, aux haines diverses doit être la seule ligne de conduite qui vaille. Cette attitude digne de chaque citoyen imprégné du sentiment démocratique sera le gage de la possibilité de dépasser cet acte odieux qui constitue une tâche sur le drapeau de notre République.

Chaque citoyen est convoqué par l’Histoire, notre histoire. Celle que construisons ensemble, mais qui nous dépasse. Parce que des criminels ont assassiné des hommes et femmes cette semaine. Avant d'être journalistes ou policiers, ils étaient des personnes. Avant d’être musulmans, juifs, catholiques, agnostiques ou athées, ils étaient des êtres humains, nos frères de combats pour faire vivre ensemble des felles et hommes de convictions religieuses, de pensées philosophiques, et d’origines diverses. C'est de surcroît la liberté qui a été assassinée. Le drapeau, notre drapeau, a été abîmé, tâché, notre idéal commun bafoué. Chaque citoyen soucieux de préserver ce que nous avons de plus précieux, en l’occurrence la Paix, a été bafoué et humilié. Au cœur de la République, l'école doit former des citoyens, transmettre les valeurs fondatrices de notre République : liberté, égalité, fraternité et laïcité. Cette école qui a connu les heurts et soubresauts de la construction d’une histoire passionnée et passionnelle est un des piliers, un des ferments de notre idéal, de notre horizon. Jamais plus qu’aujourd’hui elle n’a eu sa place dans le cœur de chaque citoyen de plein exercice ou en devenir. En effet, au cœur de cette période trouble et troublée, faite d’hésitations, de fragilités diverses, de liens distendus par un monde éminemment violent, « les écoles » de la République doivent transmettre une véritable culture commune du respect, remettre en valeur ce creuset qui permet à chacun de vivre en paix avec son voisin. Chacun, élève et adulte, y apprend ou transmet, selon sa place et sa sensibilité, à refuser l'intolérance, la haine, le racisme et toutes les formes de discriminations qui ne sont que violences sous toutes leurs formes. Les écoles de la République éduquent aussi à toutes les formes de liberté : de conscience, de pensée, d’écriture, de s’exprimer sous les formes les plus diverses, que soit l’écriture, la parole ou toute autre forme d’art. Ainsi, chacune et chacun peut acquérir, par l’école, grâce à l’école et aux maîtres, les outils permettant de donner un sens à sa propre vie. C’est l’art de la pédagogie du chef d’œuvre qui rencontre par l’intermédiaire des enseignants, les exigences de la démocratie.

Enfin, et peut-être comme clé de voute de l’ensemble, « les écoles de la République » donnent du sens aux autres valeurs fondatrices de notre démocratie : l’égalité et la fraternité ainsi que la laïcité, gage du respect de tous et de la tolérance envers chacun. Parce que dans noter République, aucune discrimination n’a sa place. Ensemble et tous réunis par ces principes et ces valeurs, soyons dignes, restons debout afin que de ne jamais oublier que ce qui abaisse l’Homme est le poison de notre vivre ensemble, poison qui ne peut que conduire les extrémismes et fanatismes à anéantir une Paix qui a été si chèrement acquise par les générations passées, en Europe et dans le monde. Au-delà de ce choc terrible qui s’est traduit par l’assassinat de femmes et d’hommes qui n’avaient que seul point commun de défendre la liberté de dire et de protéger, notre détermination doit demeurer sans faille. Parce que la Liberté sera toujours plus forte que la mort, l’amour surpassera la haine. Oui, dans notre République, c'est l'encre et non le sang qui doit couler.

Le 16 décembre 2014

« Dans la cité idéale… »

La dernière semaine de l’année est toujours un véritable marathon. Conseils de classe, réunions parents professeurs, repas de Noël, cartes de vœux, réunion du Comité d’entreprise, que sais-je encore…Une vraie liste à la Prévert ! Chaque rencontre est minutée afin de pouvoir donner un peu de temps à chacun. C’est à la fois passionnant mais aussi quelque peu frustrant. Frustrant car pour celui qui met au sommet de la conception qu’il se fait de la fonction de chef d’établissement, la relation, ne pas pouvoir offrir tout le temps nécessaire est véritablement insatisfaisant !

Alors, pour m’évader quelques instants et retrouver un peu d’énergie, de sérénité, je m’isole dans cette « cabane » intérieure qui est ce lieu magique et ressourçant que personne ne connait et qui demeurera jusqu’au dernier jour de ma vie professionnelle, l’ultime secret de vie. En m’y installant quelques instant, j’ai pu y piocher l’inspiration de la phrase que je souhaite glisser sur la carte de vœux que je vais adresser aux amis, connaissances, associations, parents, institutionnels… Si je vous dis que j’ai retenu une citation d’Albert Jacquard, mon ami Albert, je ne surprendrai personne : « Dans la cité idéale, tout est école ». Nous avions échangé à ce sujet et poussé dans mes retranchements, je lui avais signifié que selon moi, la cité idéale, c’était l’école, mon école…et que chaque lieu de cette école était un lieu et un temps éducatif. Il avait souri et m’avait alors dit : alors Bertrand, nous sommes de vrais amis.

A l’aube de cette nouvelle année, je repense à nos rencontres, nos échanges, nos complicités…Celles vécues aussi avec Stéphane Hessel ou Jacques Gaillot, pour qui l’éducation c’est aussi et avant tout un facteur de Paix fondé sur l’émancipation… Dans ma cabane, je pense aussi à Philippe Meirieu, hôte de ces chroniques et au « plaisir d’apprendre ». Cela m’a nourri chaque jour dans ma démarche, mon regard, mon souci de vérité et de justesse dans ce que je tends à être pour chacun : un inlassable résistant pour que la pédagogie demeure le moteur de mon horizon…

Je vais quitter ma cabane, dont vous avez deviné qu’elle pourrait être l’écriture et revenir à ce quotidien qui m’envahit, ne me laisse que peu d’espace, mais dont l’absence serait un vrai manque. Les vacances vont arriver ! Un temps de sevrage certainement…Donner du temps, prendre du temps, vivre le temps comme une nouvelle dimension, comme le sable que l’on fait couler dans ses mains en espérant le maitriser ne serait-ce qu’un instant…

J’ai le sentiment en écrivant ces lignes de m’éloigner de ce que je devrai partager avec vous. Et pourtant, je crois que je reste au cœur de ce que je suis pour faire ce que je fais ! « L’humaine condition » chère à Philippe Meirieu, je l’espère, transpire à travers ces lignes. Je souhaite demain être à nouveau « ce spectateur engagé » qu’analysait si justement Raymond Aron aussi. Spectateur lorsque je prends le chemin de ma cabane, engagé, lorsque je suis au cœur de la démarche éducative et pédagogique qui fait que je ne « quitterai le navire » pour rien au monde, tant que j’aurai en moi l’énergie de faire que chacun mesure la dimension émancipatrice de l’éducation.

Cette chronique n’est peut être pas aussi dense, précise, riche que je l’aurai souhaité. Elle me ressemble. J’espère qu’en la lisant, vous pourrez y puiser un peu de ce que m’ont transmis ces belles personnes dont je me suis permis d’évoquer la rencontre. Sans oublier « La dame des mots » et Eve Ricard, une belle découverte en devenir ! Mettre les mots sur les maux, partager le regard de ce qui reste encore invisible aux yeux de chacun. Belles fêtes de fin d’année ! Oui, rêvons ensemble à la cité idéale où tout serait école…

Le 8 décembre 2014

La parentalité en question…

Les premières rencontres en vue de la prochaine rentrée scolaire débutent tôt cette année. Parfois, cela s’avère le cas pour des établissements proposant des options rares. Oserai-je dire qu’une classe de 4ème relevant de l’enseignement agricole est une classe à ce point rare qu’elle est très convoitée ? Souvent, les rencontres se présentant si tôt sont un bon indicateur de la démarche des adultes qui accompagnent l’élève concerné. Broyé, détruit, ayant perdu toute estime de soi, noyé… exclu de cours, parfois de l’école, stigmatisé !

Que n’ai-je avec les années, entendu au sujet de ces élèves pour qui « passer du temps » en classe relève du défi, de l’exploit ! Rêver, être ailleurs, ne plus comprendre, perdre le sens du savoir. Savoir ? A qui bon savoir et d’ailleurs à quoi sert-il de savoir ? Alors les classeurs sont vides, ou bien remplis de dessins, de ratures, de vrais champs de bataille…

Aujourd’hui, je reçois la maman de Mickael, avec une assistante sociale et une de ses collègues en formation. La maman reste en retrait dans un premier temps, laissant « aux professionnels » que nous sommes, le soin de dialoguer. Avec nos codes, nos gestes… Très rapidement, je me tourne vers cette maman un peu effacée pour lui offrir cet espace qui aurait du naturellement et immédiatement lui être proposé. De son fils que nous dit-elle ? Ce qu’elle ne souhaite pas qu’il soit ou ce qu’elle espère qu’il ne devienne pas… « Pas comme moi, pas cassé par les adultes, qu’il devienne quelqu’un ! » Je lui explique que son fils est déjà une personne, un citoyen en devenir, qu’il doit posséder des intelligences qui n’ont certainement pas encore été découvertes ou que les adultes n’ont pas pris la peine de déceler.

Alors à travers les échanges qui s’instaurent autour de la table ronde qui est une forme d’accueil qui me semble fort appropriée et permettant d’inclure chacun des partenaires dans le dialogue, nous parlons bien entendu de Mickael, mais aussi de ses frères et sœurs, de la maman et de sa peur de rentrer dans l’école – les professeurs, çà me fait peur ! Et puis pour entendre toujours des reproches, des mots durs contre mon fils et moi, je n’y vais plus !- mais aussi de ses espoirs ! Finalement, le fil n’est pas rompu, jamais totalement coupé… Juste si ténu qu’il faut un peu de temps, de patience et un regard empreint de cette expérience bienveillante acquise au fil des années et qui s’appelle l’expérience. Je suis loin des disciplines enseignées, des modules, des exigences attendues. Nous parlons de projets pour Mickael, de parcours de formation, de sa capacité à se mettre en mouvement dans et avec un groupe. « Vous avez un internat ; cela l’aidera car je suis dépassée et je ne peux l’aider à la maison ! » Bien entendu, mais cet accompagnement n’est pas la solution miracle ! D’ailleurs l’école n’est pas faite pour faire un miracle, mais en fait à chaque instant ! Parce qu’à chaque instant, il faut aux adultes trouver le mot, l’attitude, le geste qui fera que les funambules qu’ils sont, puissent demeurer en équilibre afin de mieux accompagner ces jeunes qui n’aspirent qu’à grandir !

La maman, un peu plus en confiance, me demande un conseil. Elle puise la force dans l’assistante sociale qui l’a accompagnée aujourd’hui. Je lui réponds que je ne me permettrai pas de lui en donner et que son choix sera celui que je respecterai. C’est ma façon de respecter chacune des personnes que je rencontre. Le temps m’a appris l’humilité. Je veux bien donner un avis, mon avis qui ne vaut que par la connaissance du passé pour aider des parents à se projeter dans l’avenir.

Le 27 novembre 2014

Le fil…

La semaine passée s’était achevée sur une belle rencontre, « la dame des mots », Eve. J’ai relu quelques passages de ce petit bijou d’écriture et d’humanité, de cette dame « qui ouvre l’esprit » avec ses mots, avec des mots. Les sigles et expressions « barbares » pour les non initiés ont refait leur apparition : MDPH, PPS, enseignant référent, équipé éducative. Derrière tout cela, il y a des élèves, des familles, des enseignants, des personnels de l’établissement. Nous nous sommes retrouvés dans mon bureau autour de la table. Il y avait Jean, sa maman, son professeur principal, la responsable de la vie scolaire et un enseignant référent. Quels outils, quelles pratiques mettre en œuvre afin de Jean, élève de seconde professionnelle puisse vivre le parcours scolaire le plus judicieux possible compte tenu du handicap qui lui est reconnu, un handicap qui ne se voit pas, mais qu’il vit, lui, avec sa famille, ses frères et sœurs, ses camarades de classe, mais aussi l’équipe éducative et enseignante du lycée. Dyspraxie visio-spatiale ! Nous faisons un tour de table, chacun se présente, les sourires font place à une certaine réserve. Les résultats de Jean sont satisfaisants, il utilise judicieusement les outils informatiques mis à sa disposition, l’équipe enseignant, très à l’écoute est pleinement impliquée dans la démarche d’accompagnement. Je pense à nouveau à la « dame des mots » qui apaise et soigne des maux, certains maux. Ces équipes éducatives ne sont pas toujours simples à « piloter ». Parfois, les enseignants sont réticents, ont des difficultés à intégrer les demandes entrainant des pratiques spécifiques ; les parents vivent le handicap de leur enfant comme une forme d’agression et ont peur de ce regard sur leur enfant, de la société sur eux-mêmes. Ce temps de rencontre achevé a constitué un moment de respiration, permettant à chacun de mesurer à la fois l’importance et la densité de son implication pour la réussite de Jean. Je suis convaincu, pour vivre ces moments auxquels je me fais un devoir de participer, que la prise en main des handicaps constitue une démarche noble de nos métiers. Cette dimension mérite d’être valorisée car elle implique chacune et chacun dans ce qu’il a de plus fort et profond en lui dans le souhait de devenir un jour enseignant, éducateur ou bien chef d’établissement. Si la semaine ne se résume pas à cet unique rencontre, elle est marquée de cette empreinte.

HSE, CE, DUP, CHSCT…La litanie des sigles est encore présente. Mais sous ceux-ci, ce sont encore des rencontres, des échanges, la capacité de se remettre en question, d’avancer, de se « pauser ». Il en est de même pour les élections professionnelles à venir. Je suis chargé de les organiser sur l’établissement. Démocratie professionnelle, démocratie de proximité : chacune et chacun va avoir la chance de pouvoir se prononcer et désigner ses représentants nationaux pour les commissions nationales, qu’elles soient sociales ou disciplinaires. Je lis les tracts, professions de foi, profite aussi de ce temps pour lire les documents affichés sur les panneaux réservés aux syndicats. J’aime cette vie aussi, celle qui permet l’expression, le lien, met en avant les dimensions collectives de l’action, même si le consumérisme semble parfois prendre le pas !

C’est aussi le temps des conseils de classe qui débute ! Là encore, chaque conseil est l’occasion d’une rencontre à visages multiples. Chacun a l’occasion de pouvoir exprimer, s’exprimer, que ce soit avec bienveillance ou exigence ; parfois les deux à la fois. C’est aussi l’occasion de dire, ce qui ma foi est assez rare, que lorsque le bonheur de transmettre des connaissances rencontre le plaisir d’apprendre, nous vivons le meilleur de l’école. Cette semaine va s’achever sous un soleil d’automne qui perce un peu sous un épais matelas de brouillard. Je repense à cette belle image : « je compte beaucoup sue ce qui ne s’exprime pas, comme l’élévation mystique sur ce coin de territoire »… Cela me donne encore davantage de courage…

Le 21 novembre 2014

Une semaine comme les autres…

Parfois les semaines se suivent et se ressemblent mais ne relèvent d’aucune forme de banalité : Les rencontres avec des élèves et leurs familles, des collègues, des notes administratives à attribuer, poursuivre la préparation des élections professionnelles, les inévitables représentations à l’extérieur de l’établissement. Toutefois, chaque semaine recèle son lot d’imprévus, de surprises, d’inattendus. Ce fut encore le cas durant celle-ci. Mais chaque incident, chaque rencontre constitue un temps improbable d’une infinie richesse. Des élèves partant à Paris visiter le Louvre et le Musée d’Orsay ? Parfait ! Une erreur d’horaire de train et tout le bel édifice construit avec patience par les enseignants s’effondre. Des billets qui ne sont plus valables ni remboursables, des horaires décalés, des visites toutefois réservées ! Finalement, tout s’arrange sauf le prix du trajet qui explose ! Mais les élèves ont été ravis de cette visite, les enseignants heureux que tout se soit finalement bien déroulé malgré l’angoisse de ce que pourra leur renvoyer leur chef d’établissement que je suis. Serai-je excessif au point de croire que l’éducatif doit être le fil conducteur en chaque circonstance ? J’admets cela bien volontiers. L’explication, sereine, l’apprentissage de l’essai-erreur est aussi valable pour les adultes pour peu que chacun prenne la mesure de cette « défaillance » ponctuelle… L’essentiel est d’apporter une solution qui permette à chacun de retrouver du sens à son cœur de métier. Je suis profondément heureux de pouvoir expliquer, argumenter et au final apaiser afin que, demain, les enseignants concernés soient peut-être davantage attentifs mais aussi enthousiastes à l’idée de construire de nouveaux projets et ne restent pas tétanisés. Une leçon de vie, tout simplement.

Une autre belle rencontre, cette semaine, encore à Paris. Retrouver un ami à la Direction Générale et de la Recherche de l’enseignement agricole constitue une belle bouffée d’oxygène. Deviser sereinement, échanger, partager des sourires mais aussi aborder des questions de fond restent un excellent moment de cette semaine. Qui pourra dire que les hauts fonctionnaires sont bien lotis, travaillent dans des conditions matérielles de qualité ? Que les personnes découvrent et se rendent dans des bureaux annexes de Ministères, même situés dans des arrondissements privilégiés, et elles comprendront combien les lustres des serviteurs de la Républiques ont terni... Ce n’est pas tout à fait le cas du lieu de ma seconde rencontre, elle aussi dans le cadre professionnel, d’une sénatrice de mon département. Recherchant un appui à l’ouverture d’une filière, elle m’accueille au Sénat, ce magnifique et haut lieu de notre République. La salle des pas perdus, la buvette où nous nous asseyons sont pour moi des lieux inconnus et magiques à la fois. C’est l’occasion de croiser des sénatrices et sénateurs connus, reconnus, débonnaires qui me saluent volontiers. Les clivages, dans ces lieux, n’ont pas le sens que je peux imaginer leur donner, de l’extérieur. Tel ancien premier ministre partageant un café avec un ancien candidat à la présidence de la République. C’est aussi cela, le climat feutré du Sénat. Je reste en tous les cas admiratif de l’architecture du palais du Luxembourg, mais interrogatif sur le prix du café : 0.50 centimes… Je cherche à comprendre !

Rentré de Paris, je retrouve le mail d’Eve Ricard avec qui j’ai entamé un échange sur un magnifique ouvrage qu’elle a écrit, La Dame des mots : promesse de non oubli donnée à tous ces enfants qui ne voulaient ni aimer, ni être aimés, cela leur étant danger et douleur. La magie des mots de cette dame, grande dame de la psychologie ont une résonance chez moi. Sa relation au monde ne s’est réalisée que par sa poésie. Je suis heureux de connaître Eve et de bientôt la rencontrer.

Etre chef d’établissement offre aussi des temps de rencontre improbables. Je le sais, je le vis et cela constitue un de mes bonheurs. Puisse la semaine qui vient m’en offrir d’autres.

Le 14 novembre 2014

Je note…

L’année scolaire est séquencée de rites bien particuliers. La période de la notation administrative est arrivée ! Exercice formel, passage obligé, lourdeur administrative ! Comment qualifier ce temps ? Au-delà de cette obligation, je le vis comme un vrai temps éducatif. Sur l’établissement, chaque temps, chaque rencontre peut être considéré comme une charge : conseil de discipline, conseil éducatif, rencontre parents-professeurs, réunions pédagogiques… Au risque de paraître un peu « décalé », je considère cette période d’évaluation administrative comme autant de chances de rencontres avec les enseignants de l’établissement. Au-delà de la note, des critères qui entrent dans cette démarche, c’est avant tout un temps d’échange, de mobilisation, d’écoute, de mise en perspective, de projets individuels. Chacune ou chacun a la liberté de dire, dans une relation sereine et constructive ses attentes, ses angoisses parfois, ses inquiétudes, son souci des élèves ou d’un(e) élève, d’une classe…Si cette rencontre se centre davantage sur la personne, je trouve que l’occasion est parfaite pour remettre en perspective cette notion de projet, non pas seulement individuel et de formation par exemple, mais collectif.

J’ai le sentiment que la notion d’individualisation utile et pédagogiquement pertinente a eu tendance à renforcer, tant du côté des élèves que parfois des personnels, un repli sur soi, un individualisme de consommateur, de consommation. J’ai cependant la volonté et l’ambition de croire que l’établissement scolaire est un lieu de résistance et de construction du vivre ensemble qu’il appartient de modeler, de façonner, de construire sur la base de la formation à l’esprit critique. Bien entendu, cela peut présenter des risques lorsque l’on veut être dans la maitrise totale des équipes, ne voir aucune tête dépasser, se retrouver dans un cadre aseptisé, inodore…

Alors permettre l’expression de chacun, « mettre sur la table » la dimension collective de la vie de l’établissement, de son projet, des espaces collectifs de réflexion et d’action afin de donner du sens à la mission de chacun constitue la pierre angulaire sur laquelle je mets l’accent lors de chaque rencontre. Je suis agréablement surpris d’entendre que cette forme d’oxygène est attendue, espérée et simplement enfouie dans la conscience de beaucoup. Ranimer la flamme, offrir en partage cette volonté partagée d’accompagner chaque adulte afin qu’il puisse transmettre, au-delà des savoirs, cette envie de peser sur les choix de société, de co-construire un avenir commun s’appuyant sur le socle de cet esprit critique qui fait aujourd’hui parfois défaut. Ne pas avoir peur de la richesse de l’expression de chacun, ne pas diviser pour mieux régner, mais aider à redonner le goût de travailler ensemble et partager les valeurs de l’école au cœur de la République ! Voilà ce qui m’anime au moment de recevoir et d’attribuer la note administrative de chaque agent. Je crois que je n’ai jamais été aussi près du sens que l’on peut donner à ce temps d’évaluation. Ainsi, je vis pleinement ma fonction de Chef d’Etablissement, heureux de participer à cette belle aventure de l’éducation.

Le 7 novembre 2014

Une semaine sous le signe de la discipline… mais pas seulement !


La fin de la période avait été quelque peu tendue. Les bilans de classes avaient fait ressortir pour quelques élèves, des difficultés récurrentes, que ce soit en termes d’assiduité ou bien encore de manque de respect envers les adultes. En accord avec les professeurs principaux et la responsable de vie scolaire, je décidai de la tenue de trois conseils de discipline. Chaque temps, chaque lieu est pour moi éducatif, tant à destination des élèves concernés ou siégeant au conseil de discipline, des parents que des adultes de l’établissement. Mardi dernier, se sont donc tenus ces moments forts, chargés de sens et lourds aussi d’émotion. Je n’ai pas de mal à assumer qu’au fond de chacun, et moi le premier, même si la démarche professionnelle est première, les élèves et familles restent avant tout des personnes et que nous ne sommes pas devant un « tribunal scolaire ».

Au-delà des motifs ayant conduit ces trois élèves à se présenter devant le conseil ainsi réuni, ce sont les échanges, les interrogations, les attitudes des uns et des autres, l’attention portée aux explications. Au total, nous restons parfois surpris, sans mots, devant des paroles, des comportements qui devraient, après une période de recul, ne plus avoir leur place à l’école ou même dans la vie de tous les jours. Parfois, une lumière, parfois une espérance, parfois encore, et malheureusement, une déception ! Au bout de ces échanges, nous voulons croire que les décisions auront du sens, de la portée et permettront une nouvelle étape dans la scolarité de ces jeunes.

Cette semaine est aussi celle, pour les représentants syndicaux, de la "tournée des popotes" en vue des élections professionnelles du 4 décembre prochain. J’accueille bien volontiers les représentants nationaux FEP-CFDT pour une rencontre régionale. Je suis toujours surpris et agréablement, de la qualité de ces femmes et hommes pleinement investis dans une démarche visant à faire vivre et respecter des droits, mais aussi à participer activement à la vie des établissements. Au-delà d’un avis personnel que je n’ai pas à exprimer, je mesure l’utilité et l’importance du dialogue social et parfois m’inquiète de voir de l’individualisme, ici aussi, pointer son nez. Les projets collectifs portés par les organisations syndicales représentatives n’ont plus cette force là où la consommation cède un peu la place à l’idéal réformiste.

Il peut paraître assez paradoxal de lier ces deux sujets dans cette chronique. Mais ni l’école, ni la vie des organisations professionnelles ne sont à l’abri de cette tendance à un égoïsme qui a tendance à guider les projets qui ne sont malheureusement souvent plus que la somme d’intérêts particuliers. Il ne s’agit pas aujourd’hui, de résister pour résister ! Il s’agit de résister pour faire en sorte que les idéaux d’hier conduisent aujourd’hui à redonner un sens collectif à l’école, à son rôle dans la société que nous voulons construire ensemble. Nous avons besoin de tous afin que les institutions retrouvent une place forte pour que l’horizon ne se limite pas au chacun pour soi mais au tous pour tout ! Cher Albert Jacquard, tu avais bien raison en écrivant « dans la cité idéale, tout est école ». Puisse cette utopie guider l’horizon des acteurs engagés !

Le 15 octobre 2014

Des vacances bien méritées !


L’air du temps n’est certainement pas à la louange du corps enseignant. D’ailleurs cette notion de "corps" m’a toujours paru étrange et décalée, car souvent utilisée par des journalistes ou pseudo-intellectuels contempteurs de ces hussards de la République ! Même si parfois, "faire corps" permet d’afficher une solidarité utile et indispensable au service de la mission d’éducation et de formation données aux jeunes. « Jeunes », encore ! Cette catégorie « fourre-tout » qui n’a de sens que pour certains sociologues mais qui n’a comme identité commune que l’âge et encore…

Bref, enfin des vacances bien méritées après sept semaines intenses de travail, d’implication, de projets portés, de réunions, de pré-conseils de classe, de création de liens afin de faire que la somme d’élèves devienne un vrai groupe classe dont l’aspect collectif est un supplément d’âme pour chaque enseignant.
Des vacances méritées, je n’ai pas peur de le dire et je le revendique haut et fort pour celles et ceux qui rasent les murs alors qu’ils devraient pouvoir avoir la tête haute comme de vrais serviteurs de l’Etat dans ce que cette fonction a de plus noble. 

Les traits sont tirés, les réactions parfois plus épidermiques ou atones, mais le regard brille. Tout cela constitue la plus belle alchimie qui soit : celle de l’envie d’offrir le meilleur aux élèves, à chaque élève, en exigeant que chacune et chacun de ces jeunes puisse donner le meilleur de soi. Le chantier est vaste, l’ambition réelle, l’horizon lointain, mais l’envie intacte.

Chaque enseignant a retrouvé « ses » élèves, en a découvert de nouveaux, s’est peu à peu mêlé aux nouveaux collègues, « frotté » aux interrogations multiples et parfois inquiètes des parents. Cela n’est jamais simple, mais toujours le début d’une nouvelle aventure, exaltant mais aussi épuisant, stimulant mais nécessitant des questionnements permanents : pédagogie, apprendre comment, apprendre à vivre ensemble, plaisir d’apprendre ; créer, innover, écouter, accompagner, exiger, sanctionner, féliciter, encourager…Enseigner, transmettre des connaissances ou bien comment transmettre ?

En cette fin de période, les mots les plus fréquents qui reviennent sont programme, objectifs, niveau des élèves, projets ! Jamais de certitudes ou bien de rares points qui ne sont rien d’autre que des acquis de l’expérience. Oui, la certitude est bien le signe d’une pensée morte et cette fin de période me rassure. J’évolue au cœur d’une équipe qui pense, qui vit, qui innove, expérimente, en questionnement permanent. Vendredi, nous prendrons un peu de temps pour nous, dans cette « salle des profs » qui est à la fois un lieu banal pour nous mais « sacré » pour ceux qui n’y sont jamais entrés ! A l’heure où j’écris ces lignes, je sais que ce temps sera simplement serein, tranquille, véritablement agréable, collectif, riche de nos individualité.
Peut-être fendrons nous l’armure…Et je me dirai ou trouverai-je une manière élégante de le dire à chacune et chacun ? Bravo l’artiste…chapeau l’artiste ! Lors d’une chronique précédente, j’avais écrit que je ne quitterai jamais le navire de l’éducation. Maintenant, en partie, vous savez pourquoi !

A travers ce billet, je souhaite de belles vacances bien méritées à toutes et tous les enseignants d’ici ou d’ailleurs qui oeuvrent sans compter pour accomplir au mieux leur mission dans une période troublée ou les caricatures prennent le pas sur la raison.
A la rentrée avec plaisir !

 

Le 13 octobre 2014

Effacement…

Cette semaine, j’ai pris le parti de prendre un peu de recul, de me mettre en retrait, de m’effacer, toutefois un peu autrement qu’Aurélien, cette personne du roman Hors-champ de Sylvie Germain, car je ne suis jamais indifférent à ce qui m’entoure, à ce que vivent les personnes, jeunes ou adultes avec qui je partage la mission éducative au quotidien.

Effectivement, je me suis volontairement mis « hors-champ » : prendre le temps de l’observation, de l’écoute, faire attention à chacune et à chacun, et ne pas être systématiquement dans l’action, comme un boulimique qui a réponse à tout et à chaque instant. Cela peut être un peu déstabilisant aussi bien pour celles et ceux qui attendent des réponses que pour moi qui suis plutôt dans le faire naturellement et qui ait du mal à prendre parfois le temps.

Ici, je rencontre la fragilité d’un enseignant, trésor d’humanité et au parcours exceptionnellement riche, sa pudeur mais aussi ses doutes dans l’adversité d’une classe ; Là, je mesure la détresse d’une élève dont le frère vient d’être placé en famille d’accueil et qui ne comprend pas tout à fait ce qui se passe, un peu comme un boxeur « sonné » et qui dans le coin du ring subit les coups de son adversaire sans pouvoir en sortir ; ou bien encore ces collègues principal et proviseure de collège et lycée professionnel s’interrogeant sur la violence de jeunes « qui trainent » à la sortie de leur établissement et qui se demandent si la vidéo surveillance ne serait pas une solution ; cet ouvrier d’entretien, s’interrogeant sur la longueur de l’allée qu’il vient de réaliser en pavés afin que l’on n’ait pas les pieds « humides » par les temps de pluie ; enfin, cette responsable du personnel  d’entretien réfléchissant à l’organisation de son équipe, afin que les tâches soient réparties de manière équitable.

Se mettre en retrait « volontairement » m’a permis tout au long de cette semaine, de mesurer les trésors de créativité, de réflexion, d’initiative, de compétences tout simplement dont chaque acteur dispose, sans en mesurer parfois, ni la qualité, ni la portée au service du projet collectif que nous portons. Pas une seconde d’indifférence de mon côté, mais simplement cette envie de partager cette idée selon laquelle chacune et chacun, à sa place, a un rôle majeur, constitue un maillon indispensable à la vie de l’établissement.
Il est parfois tellement étouffant de « faire à la place de », pour celles et ceux à qui je fais à la place, parce que c’est ainsi, c’est bien naturel ! Et puis le Chef d’Etablissement a souvent la bonne réponse au bon moment, à chaque question, situation complexe. Parfois c’est effectivement le cas. Mais pas systématiquement. Pour faire en sorte que notre projet collectif ait du sens, il faut que chacune et chacun puisse donner la pleine mesure de ses connaissances, compétences. Afin que cela puisse être le cas, offrir à tous ce degré de liberté est un gage de sérénité, de réussite d’une démarche de formation et d’éducation. Cela est juste à la fois pour les jeunes mais aussi chaque adulte de l’ensemble du personnel. Et cette mise « hors-champ » a été une bouffée d’oxygène ! Pour qui ? Pour moi, égoïstement oui… Mais pour l’ensemble des acteurs de l’établissement, j’en ai la conviction !  

Le 5 octobre 2014

Rétrospective…

Une semaine vient de finir et, comme presque chaque vendredi, je jette un œil sur l’agenda de ces cinq journées qui viennent de s’écouler. Derrière les mots, des rendez-vous ; les créneaux, ce sont des visages, des parcours de vie, des rencontres, des temps de plaisirs éducatifs. Oui j’ose le penser et l’écrire. Comment finalement pourrait-il en être autrement lorsque l’on s’est engagée par passion sur ce chemin ardu mais plein de belles surprises qu’est l’éducation ? Oui, des visages d’adultes, enseignants, collègues proviseurs ou principaux, animatrices culturelles (tiens, un métier plutôt féminin ?), enseignants, personnels d’entretien, gestionnaire ou secrétaire… Des sourires, des temps d’échanges apaisés, parfois des urgences, mais toujours une volonté partagée d’être dans le lien. Parfois il peut être effectivement éducatif, quelquefois social, plus personnel. Je le souhaite toujours respectueux, serein car j’aime à dire qu’il n’y a rien de grave pour peu que l’on soit en capacité de dialoguer, d’échanger, de poser des mots, de se pauser. Tous ces moments, qu’ils se résument à une poignée de main, un salut, un geste, un regard ou un sourire, ont ceci en commun que je les ai vécus aussi bien avec des adultes qu’avec des élèves, des parents ou bien des intervenants, des bénévoles associatifs ou des éducateurs…

Ici, c’est un enseignant à rassurer sur sa pratique, là une inspection à annoncer et préparer avec l’enseignante, le questionnement des élèves sur la qualité des repas, que ce soit pour le petit déjeuner ou bien le dîner pour les élèves internes ; là, c’est participer au bilan des bénévoles du centre social et culturel, du festival du conte et de l’imaginaire, mêlant des personnes salariées ou en insertion, d’origines sociales, culturelles si différentes mais ayant en commun l’envie de partager un engagement au service de l’animation du territoire ; plus loin, il s’agit de co-construire la semaine de l’Europe, renforcer des liens entre établissements scolaires, de manière ou symbolique ou concrète, assumer cette dimension européenne à travers les 28 pays membres et les 28 étoiles brillant sur ce drapeau bleu et cet hymne à la joie qui nous rassemble ; là encore, ce sont des élèves qui vont partir en stage et donner le meilleur d’eux-mêmes pour consolider leur formation ; là enfin, la signature d’une charte de vie de classe afin de permettre à des jeunes parfois ayant des repères inappropriés, de (re)trouver des chemins pour  « apprendre à vivre »  et « le plaisir d’apprendre ».

La semaine s’achève, le silence reprend sa place le temps d’un week-end, l’agitation, les cris, les interpellations dans les espaces extérieurs cèdent la place à une forme de pause me permettant un vrai ressourcement, de profiter sous un soleil d’automne, des bancs, d’une végétation qui vit la fin d’un cycle…Des couleurs, des oiseaux ici ou là reconquièrent des lieux le temps de cette fin de semaine.

J’ai le sentiment que le sable coulant doucement dans le sablier marque aussi un temps d’arrêt…Rêve, utopie…Laisser du temps au temps, le maîtriser…Vivre simplement l’instant présent. Je sais que dès lundi, la vie, une autre forme de vie reprendra son cours ; celle pour laquelle je reste ambitieux et pour laquelle je ne quitterai jamais le navire de l’éducation ! Parce que le cap est clair, fort : celui de la transmission, de l’innovation, de la responsabilité d’accompagner aujourd’hui des jeunes qui seront les lendemains qui chantent… Je n’ai aucun doute !
 

Le 30 septembre 2014

Un avis est une belle responsabilité…


Que retenir de la semaine venant de s’écouler ? Outre le fait qu’elle ait été intense et que des tâches multiples sont venues heurter un emploi du temps pourtant si bien construit, une rencontre a retenu mon attention mais aussi s’est révélée comme le sel de cette période. Une maman que je ne connaissais pas et dont la fille a quitté l’établissement venait chercher, entendre, un conseil. Après une classe de 3ème, sa fille s’est orientée vers une formation professionnelle – un bac pro – de soins aux animaux. Loin de chez elle, en internat, dans une voie s’appuyant sur l’alternance : beaucoup de changements en peu de temps pour cette jeune fille !

Depuis la rentrée, chaque week-end est difficile : tristesse, pleurs, manque d’envie, la peur de repartir…
Alors, la maman vient interroger le chef d’établissement que je suis : diagnostic, remède, potion magique. A la fois psychologue, médecin, pharmacien, assistant social, que sais-je « gourou » ? J’écoute cette maman qui vient m’interroger a postériori sur l’orientation de sa fille et sur la possibilité de l’accueillir à nouveau sur l’établissement…pour une formation dans le domaine du service aux personnes et au territoire… Effectivement, rien à voir avec le soin aux animaux ! Mais cette jeune fille, que je nommerai Laura pour poser les choses, n’a pas trouvé ses repères. Elle est submergée par l’inconnu et n’en a pas retrouvé de nouveaux ! Sa maman est inquiète, souhaite retrouver une Laura souriante, enjouée, bien dans ses baskets !

La solution ? Elle souhaite un conseil. Et que ce conseil corresponde plutôt à ce qu’elle souhaite entendre : que j’accepte d’accueillir à nouveau sa fille dès le lundi suivant ou même au retour des  vacances de la Toussaint.
Je vais décevoir cette maman dans un premier temps. Après un temps d’écoute et d’empathie, je vais lui indiquer que ce n’est pas un conseil mais un avis que je vais lui donner. La différence n’est pas mince car au-delà des mots, la démarche n’est pas exactement la même. Je ne vais pas prendre de décision ni à sa place ni à celle de Laura, mais les accompagner sur un chemin plus ardu de la responsabilité éducative. Bien entendu, je vais prendre du temps. Plus que ce que mon agenda prévoyait. Mais l’essentiel n’est pas là. La maman comprend peu à peu qu’il n’est pas de mon intention de me substituer à elle, ni à Laura. Expliquer, comprendre, convaincre, faire entrer cette maman dans une démarche, ne pas se précipiter, prendre de décision dans l’urgence afin de « régler » ce fameux prochain week-end que redoute la maman.

Parler du fond de cette démarche d’orientation, des nouveaux repères à créer, de donner aussi un peu de temps au temps et de ne pas zapper systématiquement à la première difficulté, voilà les quelques éléments dont je pense essentiels que Laura et sa maman puissent s’entretenir. A l’issue de la semaine et de cet échange, je pourrai nourrir à nouveau cette démarche afin qu’une décision sereine puisse être prise pour le meilleur et un parcours de formation réussi pour Laura.

Je retrouverai avec plaisir Laura et sa maman. Je les accompagnerai dans leur choix. Mais jamais je ne me sentirai en droit de me substituer à leur choix, leur décision. Simplement éclairer le chemin. C’est aussi cela la démarche éducative dont je me sens porteur. Un chef d’établissement acteur et responsable des mots et de l’accompagnement de Laura. Ce sera un plaisir et donnera du sens à ce qui me semble une posture juste et non juste une posture.

Le 19 septembre 2014

Apprenti et heureux de l’être !


Nous sommes tous en démarche d’apprentissage ! Voilà le maître mot de cette semaine. Les élèves, les enseignants, tous les personnels, chacun doit faire preuve de cette humilité qu’est la démarche d’un apprentissage permanent, une co-formation continue, indispensable afin de réussir la mission à la fois d’instruction et d’éducation dont nous sommes co-acteurs. Chaque temps et lieu sur l’établissement scolaire est l’occasion unique de rencontres plurielles : avec un(e) élève, le bureau de la maison des lycéens pour des propositions d’animation, mais aussi dans le cadre de rencontres plus formelles comme la délégation unique du personnel  ou encore des réunions de travail sur les projets pédagogiques, enfin de plus informellement lors du café, à la pause.

Comment « enseigner à vivre », permettre à chacune et chacun de se comporter de manière solidaire, de mettre en avant la dimension coopérative de sa personnalité en vue de donner du sens aux projets pédagogiques dans lesquels adultes et élèves s’inscrivent ?

Une entrée possible et qui me semble judicieuse est celle consistant à faire du dialogue une condition prioritaire de ce « vivre ensemble » qui doit fédérer tout groupe, a fortiori dans un établissement d’enseignement. Dialoguer, échanger, argumenter, s’appuyer sur la démarche constructive de l’esprit critique. Négocier un budget pédagogique ? Un acte éducatif ! Rencontrer un représentant syndical ? Une occasion d’échanges et de pédagogie réciproque au-delà des postures ! Réunir des parents et professeurs ? Une occasion de partager, à la fois précieuse, riche et intense, d’information, de transmission, d’écoute, outil indispensable afin que chacun puisse jouer sa partition au service de la réussite du parcours de formation du jeune !

Tous ces temps et bien d’autres nourrissent ce que je suis mais aussi mes pratiques. Elles donnent de la densité et j’espère de la profondeur à ma démarche de responsable d’établissement, davantage de sens à mon engagement, une couleur à ce que je me propose de transmettre aux enseignants et personnels avec qui je travaille au quotidien ; ce que je souhaite aussi indirectement porter et partager indirectement avec les élèves et les familles avec qui je fais un bout de chemin.

J’ai le sentiment d’être en apprentissage permanent mais aussi, dans une démarche de construction partagée, d’essai/erreur je l’avoue bien volontiers aussi, qui conforte mon envie de ne pas « quitter le navire » de l’éducation, pour chacun, donc pour tous.

J’ai acquis au fil du temps que la certitude que la coopération, la pédagogie de projet, la rencontre, permettent l’attention à chacun. J’ai la conviction que la démarche d’esprit critique qui participe à la construction des citoyens de demain doit passer par l’école ; la conviction que la transmission des savoirs dans un monde en mutation doit être accompagnée ; la conviction que si les élèves sont en permanence en apprentissage, les adultes aussi ne peuvent que l’être pour le meilleur dans leurs approches pédagogiques. Apprendre à apprendre, capter la complexité afin de mieux répondre aux défis auxquels les jeunes auront à faire face demain, faire partager l’idée selon laquelle l’éthique du vivre ensemble avec ce que cela implique d’exigence pour soi ne sont pas des lieux communs d’un autre temps. La capacité de les faire partager à celles et ceux avec qui je suis en « apprentissage » chaque jour constitue ma propre frontière, celle pour laquelle je me suis engagé il y a de nombreuses années  maintenant parce que l’humain en est le cœur.

Je serai porteur de ces valeurs et de cette démarche encore demain, inlassablement, avec ténacité parce qu’aujourd’hui, le plaisir d’apprendre est le seul capital qui est et devra être accessible à toutes et tous, donc aux plus fragiles, mais aussi à toutes celles et ceux qui s’engagent au-delà de la planète éducation, pour un vivre ensemble renouvelé, régénéré et solidaire. L’éducation pour transformer une société qui est aujourd’hui déshumanisante ? Voilà un véritable projet collectif à partager au cœur des communautés éducatives !

Le 15 septembre 2014

Le temps de la réflexion…

Rares sont les semaines où j'ai le plaisir de laisser un peu de temps au temps, où le faire cède la place à la pensée. Alors, entre le tourbillon des rencontres avec les adultes de l'établissement, les élèves, les échanges inattendus, m'est revenu en mémoire un des sujets de baccalauréat que j'avais eu à traiter : la certitude est-elle le signe d'une pensée morte  ?

Cette interrogation est venue pointer son nez alors que j'avais pris le parti de prendre ce temps de pause en découvrant le contenu d'un hebdomadaire "Chaque semaine, une question d'actualité, plusieurs regards : Que faut-il apprendre à nos enfants  ? Au fil des articles ou interviews, de petites phrases loin d'être anodines, venaient en jouant chacune une petite musique, écrire une belle pièce, presque une symphonie tellement le sujet avait d'ampleur. C'est ici Michel Serres pour qui le "professeur devra transformer l'information en connaissance", ou plus loin Cédric Villani pour qui "les systèmes scolaires les plus efficaces ne sont pas ceux où l'on encadre le plus les enseignants par des règles mais ceux où ils se sentent les plus valorisés", ou bien encore "en pédagogie, il n'est guère de règles simples. Il faut tester pour savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas". Michel Onfray y va aussi de sa phrase musicale en affirmant "l'apprentissage exige des vertus perdues: la modestie, la patience...". Peut-être le mot de cette enseignante, Sonia Ribot, "mes élèves sont déjà lassés du tableau numérique. Récemment, c'est en distribuant des photocopies en couleurs que j'ai réveillé leur attention" est-il aussi à entendre. Enfin, c'est peut-être Edgar Morin, à travers la philosophie de Jean-Jacques Rousseau et "Emile ou de l'éducation -1762", qui éclaire avec le plus de justesse ces regards multiples en ouvrant les possibles : " On peut enseigner à chacun et à tous ce qui aide à éviter les pièges permanents de la vie". Au-delà, c'est bien du "plaisir d'apprendre" dont il s'agit comme l'écrit de manière si pertinente Philippe Meirieu dans l'ouvrage collectif récemment paru. Le doute, la pédagogie, la confiance, la modestie, enseigner à vive sont autant de défis qu'il revient à chaque acteur de cette symphonie dont nous sommes au quotidien co-producteurs, de relever pour la formidable aventure ambitieuse à laquelle nous participons.

Chacun des regards croisés me semblent les pièces d’un puzzle, les partitions de chacun des musiciens de l’orchestre qui joue cette symphonie. Quelques certitudes viennent compléter celles qui se construisent au fil des jours, mais qui font à leur tour naître de nouveaux questionnements. Il s'agit moins de faire ce qui est faisable que de regarder un peu plus loin et apprendre à connaître "nos élèves". La lecture de cet hebdomadaire m'a rassuré: la certitude est bien le signe d'une pensée morte, à ceci près que nous avons au moins en commun celle que, lorsque "l'école s'effondré c'est bien une prison qui s'ouvre" et que la première, la seconde, la troisième politique, c'est bien l'éducation. Mais chaque jour apporte son lot de  nouvelles interrogations, de nouvelles réponses, des richesses liées à des innovations pédagogiques : la dernière en date concerne l’utilisation ou non de notes et au-delà la culture de l’évaluation. Chacun devra y prendre sa part, de manière sereine et constructive et non simplement selon un angle purement idéologique au sens étroit du terme.  Prendre le temps de penser, faire vivre cet esprit critique dont il est vital d'aider les jeunes à se doter lors des apprentissages, constituent aussi des axes forts de la mission dont je suis dépositaire comme chef d'établissement, modestement, à ma place et aux sein de la communauté éducative que j'anime. Rassuré mais aussi, je l'avoue, troublé par l'immense chantier musical dont je ne suis qu'un instrument. Troublé aussi par l'importance de chaque "musicien" du projet collectif auquel je participe malgré moi ou je l'avoue sans peine avec enthousiasme  : éviter les fausses notes, jouer la partition, mais aussi faire entendre aussi une petite musique différente, celle qui donnera un ton authentique à cette symphonie d'apprendre avec plaisir afin d'enseigner à vivre.

Le 8 septembre 2014

Des rencontres improbables...


Nouvel établissement ! Comme de nombreux élèves, quelques nouveaux collègues, je fais ma rentrée ! Une semaine de rencontres, plus improbables les unes que les autres, mais donnant une couleur, un ton, à l'année scolaire qui s'ouvre. Des élèves cherchent leurs repères, internes ou non, en collège ou bien en BTS. Il est assez singulier parfois d'être le témoin, mais aussi souvent l'acteur de ce temps qualifié d'adaptation, mais dont je préfère dire qu'il est le début d'une démarche, d'une aventure partagée ! La première soirée à l'internat avec quelques rires excessifs qui sonnent un peu faux comme pour se donner du courage et ne pas montrer au camarade cette petite angoisse qui s'est progressivement emparée de quelques jeunes. Dans des espaces un peu plus à l'écart, il y a celles ou ceux qui s'isolent avec leur téléphone portable, échangent avec leurs parents, amis pour échapper à ce moment délicat. Certains, les plus nombreux, se retrouvent en chambre, écoutent de la musique dans la maison des lycéens, jouent au baby-foot, regardent un match à la télévision, ou bien se retrouvent en groupes pour parler de ce pas si ancien où l'insouciance des vacances leur permettait de jouer avec les règles que la vie sur un établissement scolaire rendent moins souples. Enfin, des caractères s'affirment, des propos parfois déplacés se font jour. Expliquer, convaincre, accompagner, parfois affirmer ! Cette première étape est toujours délicate, intense, consommatrice de temps, de ressources qu'il faut aller chercher, re-chercher au fond de soi sans réussir à chaque fois ! Mais cela est bien le propre de la démarche éducative dont j'ai la faiblesse de croire qu'elle a encore du sens dans une société qui ne prône que l'individualisme et la concurrence féroce au détriment de la coopération et de l'entre aide. Et c'est bien la démarche engagée au sein des classes de BTS, les élèves de deuxième année, partageant avec ceux de première année, les projets qui seront portés, accompagnés en lien avec l'équipe d'enseignants, les acteurs du territoire. Une bouffée d'oxygène ! Mais c'est aussi cet état d'esprit qui prévaut dans et au cœur de l'équipe pédagogique et éducative de l'établissement.

Rencontres improbables aussi avec les personnels techniques ou administratifs, enseignants, éducateurs, avec un temps de rencontre individuel que j'ai souhaité, informel, simple, mais serein. Alors ce sont les projets, les parcours, l'attachement à l'établissement, les craintes, les défis, des confidences ou bien des débuts de complicité qui s'instaurent...Parfois aussi, s'effectue un partage de la première séquence de cours. Cela est à la fois inattendu, mais un instant de plaisir pour moi, non feint. Mais ce sont aussi des enseignants d'autres établissements, connaissant mon appétence pour la « pédagogie au service de » qui n'hésitent pas à me solliciter, à me demander d'investir leur champs pédagogique et disciplinaire. Oui ce sont des rencontres improbables dont je me nourris avec un vrai bonheur. Parce que la vie sur un établissement est celle qui tisse et renforce les liens, permettant de piloter avec le plus de justesse « ce navire » dont la barre m'a été confiée. J'ai la conviction que cette démarche n'a de sens que si elle s'appuie sur un projet collectif ; si la coopération l'emporte sur les exigences purement individuelles ; si la pédagogie de projet constitue le cœur d'une démarche au service de la formation et l'accompagnement des élèves ; que 1+1 peut faire 3 si l'ensemble des ingrédients pédagogiques et éducatifs mis en musique et le supplément d'âme que permet une démarche collective l'emportent !

Cette semaine s'achève avec le sentiment que beaucoup est à construire avec patience et ténacité, grâce à l'appui des compétences de chacune et chacun, mais aussi de ce qui ne s'exprime pas et ne s'explique pas, comme l'origine de ou des univers. Le notre est plus restreint mais l'intuition partagée que l'école a toute sa place dans la construction des citoyens de demain, constitue un horizon à la fois ambitieux et exaltant.

Le 2 septembre 2014

Une nouvelle rentrée pour construire une rentrée nouvelle…

Les rentrées scolaires se suivent et ne se ressemblent pas. Cela semble une évidence et, pour autant, il me faut chaque année ce temps d’adaptation, de re-découverte, afin d’entrer dans cette belle nouvelle aventure.
Ces temps sont fondateurs d’une rencontre renouvelée, jamais acquise, toujours à cultiver, que ce soit avec les enseignants et tous les personnels de l’établissement, mais aussi les élèves, les familles, les partenaires et, au-delà, avec les acteurs du territoire. Ces derniers sont devenus aussi des acteurs d’un espace plus large, parfois, où la virtualité s’invite pour enrichir la démarche de projets s’appuyant sur des établissements scolaires implantés aux quatre coins du monde.

Ce début année scolaire oscille entre  « désenchantement et espérance », comme le dialogue entre Henri Peña-Ruiz et Claude Dagens, si riche, entre un laïc et républicain, et un représentant de l’église catholique nous invite à y réfléchir. Entre la « poésie de l’espérance » et le « dés-enchantement du monde où l’homme a perdu son innocence et parfois toute raison d’espérer», il y a la place pour l’école et le bien commun qu’elle représente.

L’école, une belle idée, incarnée, dès ce 1er septembre ! Chaque adulte, pour cette pré-rentrée, est souriant, fébrile, pensif, insouciant, tout cela à la fois. Quelques uns me disent avoir une « boule au ventre », se rassurant en disant que les artistes ont toujours le trac avant d’entrer en scène. Je suis un peu confus de leur dire que leur chef d’établissement que je suis n’a ni trac, ni « boule au ventre » et que je dois alors être un piètre artiste ! Le ton est donné ! Mais autour du café, c’est bien de l’essentiel dont il est question : de l’élève, chaque élève, de son chemin de réussite, des projets, bien sûr de tous les projets, ceux qui nourrissent les formations de tous et le parcours de chacun.

Réunion plénière, réunions de filières, synthèse… La soirée sera courte, la nuit peut être loin d’être sereine, malgré la nième rentrée que chacun sera amené à assurer demain matin… Ce lendemain qui ne pourra être celui d’un dés-enchantement mais d’une nouvelle raison d’espérer. Espérer que chaque adulte soit à la hauteur des ambitions que la société attend de tous les éducateurs, tous les personnels qui croiseront la route de leur enfant. Espérer que, chef d’établissement, je saurai à nouveau accompagner, animer, arbitrer avec justesse, équité, pour permettre à l’équipe de se mettre au service du seul horizon qui vaille, celui d’un des piliers fondamentaux de la République. Que demain soit meilleur qu’hier, que les idéaux d’émancipation culturelle et intellectuelle demeurent au cœur du projet de l’école, pour l’école et les jeunes qu’elle accueille aujourd’hui, citoyens demain.