APPEL...

Ombre sur la ville

Les élections municipales approchent et, avec elles, tout naturellement, les débats se font plus vifs. Rien d’étonnant à cela et rien d’inquiétant en soi : la démocratie est à ce prix. L’opposition fait son travail. Ce travail est nécessaire, y compris pour la majorité qui, aujourd’hui, gère la ville de Lyon. D’autant plus que cette opposition a fait souvent montre d’une bonne connaissance des dossiers et d’une certaine rigueur dans ses interventions. On peut contester ses analyses, être en désaccord avec les choix idéologiques qui sous-tendent ses propositions, tout en respectant ses engagements… Aucun véritable démocrate ne peut rêver d’un pouvoir sans partage et sans débats, d’une majorité sans opposition structurée, d’une absence d’alternative capable de donner forme aux mécontentements inévitables et d’éviter ainsi qu’ils ne se transforment en jacqueries incontrôlables. Nous payons cher aujourd’hui, au niveau national, une conception monarchique du pouvoir, qui en cherchant à neutraliser l’opposition plutôt que de dialoguer avec elle, réactive les mouvements purement protestataires et suscite la violence qu’elle prétend combattre…

Tout en soutenant clairement l’actuelle majorité municipale, nous respectons donc l’opposition municipale lyonnaise et c’est parce que nous croyons à la démocratie que nous sommes très inquiets sur ses prises de position récentes. En refusant, en conseil municipal, de voter une subvention au MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples), au prétexte que ce mouvement avait condamné l’alliance de Charles Million et du Front national, l’UMP et les « millonistes » donnent une bien triste image d’eux-mêmes.

Que signifie, en effet,  ce geste ? Que, dans une démocratie, un mouvement qui lutte loyalement contre toute les formes de discrimination n’a plus droit à l’aide publique dès lors qu’il s’exprime dans le champ politique et réaffirme des valeurs qu’ils croient essentielles ? Imaginons ce que pourrait signifier une telle conception si elle était généralisée : les syndicats qui critiquent le gouvernement, les associations qui s’engagent contre la surpopulation carcérale ou l’échec scolaire, la presse d’opinion qui prend ses distances avec la politique actuelle, les mouvements d’éducation populaire qui militent contre toutes les formes d’exclusion, les travailleurs sociaux qui luttent pour le droit au logement, bref tous les groupes de citoyens engagés exprimant librement leurs idéaux, se verraient privés de toute aide publique ! Voilà qui confond dangereusement l’État et le gouvernement. Voilà qui témoigne d’une conception particulièrement grave de la gestion de l’argent public. On a presque honte, en effet, de devoir rappeler que l’argent public appartient à tous ceux qui partagent les idéaux de la République, indépendamment de leurs affinités politiques.

Mais, plus inquiétant encore, ce vote est le signe d’une banalisation, par l’UMP, de la question de l’extrême-droite en France. Certes, on n’a pas attendu cet événement pour percevoir les clins d’œil de l’UMP au Front national. Les militants frontistes eux-mêmes ont encore dénoncé, lors de leur dernier rassemblement national, « le rapt de Sarkozy sur leurs idées ». Mais le geste des élus UMP au conseil municipal de Lyon va plus loin : il avalise a posteriori la stratégie milloniste et ramène la question de l’alliance avec le Front national à un « détail » de l’histoire… un détail qui ne doit pas venir ternir leur alliance pour les prochaines municipales. Comment ne pas s’inquiéter d’un tel glissement ? Quel avenir sommes-nous en train de préparer là ? Alors que le monde entier s’est félicité du recul du Front national aux dernières élections, la droite lyonnaise ne trouve rien de mieux que de lui rouvrir clandestinement la porte.

Au-delà de la question des prochaines élections municipales, nous disons notre inquiétude et révolte devant de tels agissements. Au-delà de notre solidarité avec le MRAP, nous dénonçons le comportement de ceux et celles qui agissent en oubliant les leçons d’une histoire que nous ne voulons pas être condamnés à revivre.

Bernard Bolze, militant asociatif

Bruno Gelas, professeur à l’université Lumière-Lyon 2, membre du Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Philippe Meirieu, ancien directeur de l’Institut national de Recherche pédagogique, professeur à l’université Lumière-Lyon 2

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