« Il suffit au maintien de l'égalité des droits que [...] chacun soit assez instruit pour exercer par lui-même, et sans se soumettre à la raison d'autrui, ceux dont la loi lui a garanti la jouissance. [...] Ainsi, par exemple, celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l'arithmétique, dépend réellement de l'homme plus instruit, auquel il est sans cesse obligé de recourir. [...] Mais l'homme qui sait les règles de l'arithmétique nécessaires dans l'usage de la vie, n'est pas dans la dépendance du savant qui possède au plus haut degré le génie des sciences mathématiques, et dont le talent lui sera d'une utilité très réelle, sans jamais le gêner dans la jouissance de ses droits [...]. Lorsque la confection des lois, les travaux d'administration, la fonction de juger, deviennent des professions particulières réservées à ceux qui s'y sont préparés par des études propres à chacune, alors on ne peut plus dire qu'il règne une véritable liberté. Il se forme nécessairement dans une nation une espèce d'aristocratie, non de talents et de lumières, mais de professions. [...] Le pays le plus libre est celui où un plus grand nombre de fonctions publiques peuvent être exercées par ceux qui n'ont reçu qu'une instruction commune ».
Condorcet, Premier mémoire sur l'instruction publique, 1791