Emile, reviens vite... Ils sont devenus fous (en collaboration avec Michel Develay), Paris, ESF, 1992
Ecrit en 1992, trois ans après la "Loi d'orientation sur l'éducation" de 1989 et la signature, la même année, de la Convention des Droits de l'Enfant, ce livre analyse les critiques virulentes qui étaient déjà - et sont toujours encore - adressées à la pédagogie : puérocentrisme, abandon des exigences culturelles, baisse du niveau, renonciation à l'autorité de l'adulte, utilisation de concepts approximatifs, technicisation abusive de la didactique, etc. Avec le recul, ce qui frappe, c'est le caractère répétitif de ces attaques et leur actualité. Les réponses faites ici ne cherchent pas, elles, à polémiquer vainement. Bien au contraire, elles s'efforcent de comprendre et de faire avancer le débat ; elles proposent de nouvelles analyses permettant de dépasser des oppositions stériles ; elles n'esquivent aun problème et tentent de se coltiner la complexité des choses humaines, tout en esquissant un horizon plausible.

Au chevet de l'École malade se pressent les médecins de Molière. Chroniqueurs, philosophes, présentateurs de télévision, historiens ou romanciers, ils prétendent tous détenir Ie remède miracle : certains exhibent Ie clystère de la sélection, d'autres préconisent la saignée de la privatisation, d'autres encore suggèrent de vigoureux cataplasmes disciplinaires... Mais tous s'accordent pour désigner le coupable : la pédagogie - ou le « pédagogisme » comme ils disent - qui aurait sacrifié toute véritable exigence disciplinaire pour promouvoir l'écoute béate des aspirations des élèves. L'École serait ainsi victime d'une massification galopante et démagogique, la violence en serait le lot quotidien et la qualité y serait devenue introuvable. Face à ces attaques, Philippe Meirieu et Michel Develay ont décidé de s'engager. Évoquant la figure d'Emile, le personnage emblématique du traité de Rousseau sur l'éducation, ils se proposent de passer au crible les discours actuels sur l'École et la pédagogie. Ils se placent ainsi résolument du côté de l'élève, en s'efforçant de distinguer ce qui l'aide à grandir de ce qui l'abîme, ce qui promeut son humanité de ce qui le condamne à la dépendance ou à la violence. C'est pourquoi ils prennent au sérieux les critiques et les objections qui mettent en question le rôle des Sciences de l'Éducation, la fonction de la pédagogie, la légitimité de la démocratisation du système éducatif, la référence aux Droits de l'enfant, l'abandon des contenus disciplinaires. Sur tout cela, ils cherchent à comprendre le point de vue de leurs adversaires, rappellent les acquis des recherches en matière éducative, clarifient les enjeux essentiels et affirment leurs convictions. Écartant radicalement la tentation de traiter toujours l'échec par l'exclusion, ils dessinent ici, sur la question essentielle de l'École, les contours d'une « utopie de référence » pour une société qui en a terriblement besoin.