Pédagogie : le devoir de résister, Paris, ESF éditeur, 2007
Cet ouvrage s'inscrit dans la suite de la réflexion menée sur la pédagogie, mais en mettant plus délibérément en relation les apports de son histoire et son actualité. Il s'efforce de montrer que les défis de la modernité, loin de rendre obsolètes les apports des pédagogues, imposent qu'on les mobilise d'urgence. Il développe, en particulier, ce qui pourrait servir de base à une "pédagogie du sujet", fédérant diverses approches autour de la promotion d'un enfant capable de "se mettre en je", de développer son intentionnalité, sa concentration, son attention. Le chapitre 9 est, à cet égard, un outil de réflexion et de travail permettant de prolonger la réflexion et pouvant servir de base à des recherches ou des formations. On trouvera aussi, dans cet ouvrage, une discussion des thèses de Marcel Gauchet sur "le péril démocratique" à l'école et un travail d'élucidation sur la signification de ce que peut vouloir dire "la crise de l'autorité".

EXTRAIT : "Il faut pourtant des pédagogues. Même minoritaires et marginaux. Il faut que des hommes et des femmes fassent le pari du sujet… Nous ne sommes sans doute pas en mesure aujourd’hui d’enrayer la montée des dispositifs de contrôle, de classification et d’enfermement. Des organisateurs zélés, de droite et de gauche, préparent un monde où l’enfant, réduit à un code barre, sera, dès le plus jeune âge, « orienté en fonction de ses dispositions et aptitudes ». La sélection, jadis tâtonnante et artisanale, risque bien de prendre, dans les années qui viennent, un dimension industrielle. Il est possible que, malgré les sursauts citoyens de toutes sortes, nous ne parvenions pas à échapper au triage systématique. Tester, évaluer, aiguiller, vérifier, sanctionner… vont devenir – si ce n’est déjà fait – des activités permanentes et obsessionnelles, à l’École comme ailleurs. Sans contrepoison, nous mourrons étouffés. Il faut mettre un peu de jeu – et un peu de je – là-dedans. Nous n’avons à avoir aucun complexe d’être des « empêcheurs de tourner en rond ». Bien au contraire. Mais n’espérons pas, pour autant, en avoir la moindre reconnaissance. Les pédagogues historiques ont toujours été des gêneurs. Ils l’ont assumé. Assumons sereinement notre rôle à notre tour. En bataillant partout, au quotidien, contre toutes les formes de fatalisme. En inventant ensemble des moyens pour aider les élèves à se tenir debout et à décider de leur destin. Et sans renoncer, malgré tout, à proposer des alternatives à une organisation scolaire qui n’a pas encore vraiment appris à instituer le sujet dans l’élève."