Apocalypse now ?

Une récente enquête auprès des enfants et adolescents de sept à quatorze ans fait ressortir, chez eux, une extraordinaire montée de l'angoisse. Plus de la moitié se dit effrayée par l'avenir du monde et un tiers considère qu'il n'est pas vraiment certain que le monde existe encore quand ils seront adultes. Leur inquiétude est nourrie, expliquent-ils, par ce qu'ils entendent sur l'effet de serre et le réchauffement de la planète, le manque d'eau et de nourriture qui nous menace, les guerres et les famines qui déciment la population du monde. Beaucoup de ces enfants et adolescents disent tenter de s'informer sur ces problèmes en posant des questions aux adultes, en consultant des revues ou en surfant sur Internet. C'est le quatrième sujet de discussion avec leurs pairs, après leur vie personnelle, l'école et le cinéma... mais avant les parents, le sport, leur avenir professionnel, les livres ou l'actualité politique. Ils sont, par ailleurs, un nombre significatif à avouer faire des cauchemars sur ces questions et plusieurs expliquent même qu'il leur arrive d'avoir, à ce sujet, de véritables crises d'angoisse.

Cette situation est paradoxale. D'une part, elle est normale et, même, à certains égards, rassurante : il est bon que les jeunes prennent au sérieux l'avenir du monde. D'ailleurs, nous faisons tout ce qu'il est nécessaire pour cela : la presse destinée à la jeunesse consacre de nombreux articles à l'écologie ; les médias s'efforcent de rendre les jeunes conscients des enjeux de société majeurs et l'école elle-même a introduit « l'éducation à l'environnement et au développement durable ». Nous ne pouvons pas nous plaindre que tout cela ait quelque effet. Mais, d'autre part, ne doit-on pas s'inquiéter de voir des enfants et adolescents se projeter dans des questions si complexes et de manière si prématurée, au risque de porter des soucis et des responsabilités bien trop lourds pour leurs frêles épaules ? Ne leur vole-t-on pas leur enfance en les précipitant prématurément dans des problèmes qui nous reviennent d'abord ?

En réalité, il faut sans doute trouver une juste voie entre les prophéties apocalyptiques et la protection excessive : les premières fabriquent une l'angoisse qui n'est pas forcément positive et la seconde ne prépare pas le futur citoyen à exercer ses responsabilités. Le véritable enjeu éducatif, c'est de sensibiliser sans affoler et, surtout, de donner la possibilité d'envisager des scénarios alternatifs. L'erreur, ici, c'est le fatalisme : ne pas donner à nos enfants des raisons d'espérer et de se battre pour un monde meilleur est grave. Cela compromet le présent et ne permet pas de penser un avenir différent. Cela développe des attitudes de repli et de fuite, engendre dépression et violence. L'avenir n'est pas fermé. A nous d'en témoigner auprès des jeunes générations...