Rémunération au mérite et obligation de résultats pour les enseignants

Il y a beaucoup de confusion sur ces sujets… Tentons d’y voir clair. D’abord, il faut rappeler que la carrière des enseignants est déjà gérée en fonction de leur « mérite » évalué par les inspecteurs. Certes, ce type d’évaluation est largement obsolète, mais il est faux de dire que les enseignants ne sont promus qu’à l’ancienneté. D’autre part, il existe des primes qui prennent en compte des tâches spécifiques (professeur principal, par exemple) ou la difficulté de certaines situations, comme l’enseignement en zone d’éducation prioritaire… Ces primes sont, de toute évidence, insuffisantes et il faut les reconsidérer, voire les convertir en temps de disponibilité : la plupart des enseignants préfèreraient, en effet, disposer d’heures pour suivre les élèves, recevoir les parents, travailler en équipe, se former plutôt que des sommes d’argent. En d’autres termes, rien ne s’oppose à ce que l’on développe une modulation du « service » en fonction de critères nouveaux et de l’évolution des besoins des élèves. Mais c’est alors plutôt une reconsidération des tâches qui s’impose…

Cela dit, il est juste, bien sûr, de favoriser la carrière de ceux qui s’investissent le plus et contribuent à faire progresser notre École : il faut inventer, pour cela, de nouvelles méthodes. Je suis partisan, pour ma part, de demander régulièrement aux enseignants de remplir un dossier faisant état de leurs initiatives individuelles et collectives, de leurs recherches et avancées pédagogiques, de leurs engagements institutionnels. Ce dossier pourrait être examiné par une commission paritaire qui proposerait les avancements…

Reste une question très difficile : peut-on imposer aux enseignants une « obligation de résultats » ou les évaluer sur les résultats de leurs élèves ? C’est très difficile et, à mes yeux, ce serait vraiment dangereux. C’est difficile car les résultats ne signifient pas grand chose s’ils ne sont pas rapportés au niveau d’entrée des élèves et à l’environnement familial, social et économique de ces derniers. C’est inquiétant car la mesure des résultats laisse de côté toute la dimension éducative de l’enseignement qui est difficilement évaluable : l’accès à l’autonomie, la curiosité intellectuelle, la créativité ne sont guère chiffrables. C’est dangereux car, avec l’obligation de résultats, on oublie que les enfants ne sont pas des produits qu’on fabrique, mais des libertés qu’on accompagne. Seul le dressage et le conditionnement sont vraiment évaluables… et dans une perspective de normalisation bien éloignée de l’idéal humaniste de notre École. C’est pourquoi je crois que, comme les médecins, les enseignants doivent être astreints à l’obligation de moyens et non à l’obligation de résultats. Ils ont plus besoin d’un code de déontologie que d’un arsenal statistique.

Un établissement scolaire n’est pas une entreprise. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas astreint à la qualité, bien au contraire. Mais la qualité d’un service public ne s’obtient pas par la mise en concurrence des personnes mais par leur mobilisation des acteurs.