L'enjeu de la recherche documentaire

La question de savoir si nos enfants savent plus ou moins de choses qu'il y a trente ou cinquante ans agite régulièrement l'opinion. C'est typiquement la question sur laquelle chacun d'entre nous a sa petite idée... Les choses, pourtant, doivent être examinées sérieusement : de toute évidence, un enfant de douze ans d'aujourd'hui a engrangé une quantité d'informations de toutes sortes bien plus grande qu'un enfant d'il y a un demi-siècle. De toute évidence, sa « bibliothèque intérieure » est bien plus remplie d'ouvrages, de revues, de tracts, d'images, de flashs de toutes natures. Et de toute évidence, elle est moins bien rangée. Il faut dire qu'il est, évidemment, beaucoup plus difficile de ranger une bibliothèque, dont la capacité est limitée - c'est ce que les psychologues appellent notre « empan cognitif » -, quand on y fourre en vrac, tout au long de la journée, une multitude de documents hétéroclites et qu'avant même qu'on ait pu réfléchir à la place de chacun, on en reçoit un autre. On finit par tout mettre en tas et par renoncer, faute de temps, d'énergie et de place disponible, à la moindre organisation. Sans classement sérieux, il ne reste donc plus que la mémoire immédiate : ce qui reste à l'esprit, c'est ce qui marque, ce qui impressionne, ce qui choque. On fonctionne « de fil en aiguille », avec la confusion permanente entre l'important et le spectaculaire.

Ainsi nos enfants savent-ils plus de choses, mais ont-ils plus que jamais besoin d'être accompagnés dans cette opération supérieure de l'esprit - qui conditionne toutes les autres : le classement. C'est pourquoi la recherche documentaire - au même titre que la démarche expérimentale - devrait être le fondement même de la pédagogie scolaire. Or, c'est peu dire qu'il n'en est rien. Après la suppression des « Travaux personnels encadrés » (TPE) en terminale, nous assistons aujourd'hui au démantèlement des « Itinéraires de découverte » au collège : mais, justement, ces travaux interdisciplinaires de confection d'un dossier rigoureusement organisé étaient des moyens privilégiés pour apprendre à traiter l'information. C'était aussi une manière de remplacer le traditionnel « devoir » par la confection d'un « chef d'oeuvre », quelque chose dont l'élève puisse être fier et qui lui permette de découvrir et de mettre en oeuvre l'exigence de perfection... La récente décision de diminuer par deux le nombre de postes de professeurs documentalistes au concours de recrutement confirme le recul dans ce domaine : visiblement, les documentalistes n'ont pas la côte et la recherche documentaire non plus. On va donc continuer à envoyer dans la « bibliothèque intérieure » de nos enfants une infinité d'informations sans les accompagner pour qu'ils puissent les traiter. On aura beau jeu, ensuite, de leur reprocher de tout mettre sur le même plan !