QUESTIONS :

Vous parlez souvent de l'utilisation du travail en groupes dans les classes. Mais n'est-ce pas une perte de temps systématique, une façon de « passer le temps » sans rien apprendre véritablement aux élèves ? Pire, est-ce que cela ne creuse pas les inégalités entre les « bons élèves » qui peuvent en bénéficier et les autres qui en profitent pour débrayer ou même chahuter et compromettre tout ce que nous tentons de construire ?

ELEMENTS DE REPONSE :

Il n'existe pas une forme unique de travail de groupe. Et, effectivement, l'injonction qui consiste à dire aux élèves : « Mettez-vous en groupes pour faire cet exercice, étudier ce texte ou faire une telle expérience ! » n'est, en rien, une consigne pédagogique. Tout au contraire, ce type de fonctionnement va entraîner la classe vers une division du travail : les élèves traditionnellement travailleurs et appliqués s'efforcent de contribuer à la tâche selon leur « spécialité » antérieure ; les autres, quand ils ne perturbent pas le fonctionnement du groupe, se contentent de chômer, car s'ils s'impliquaient, ils risqueraient de faire baisser le niveau et de rendre le résultat final plus médiocre.

Il faut donc une véritable « gestion pédagogique » du travail de groupe. Le principe de cette gestion est que le groupe doit fonctionner de manière à garantir la progression de chacun et être minutieusement préparé pour cela.

Quelques exemples, bien évidemment, non exhaustifs :

•  Le « groupe de reformulation » : après une explication "magistrale" de dix minutes au cours de laquelle les élèves ne prennent pas de notes, le professeur demande à chacun de formuler à son voisin la réponse à une question inscrite au tableau. Les élèves recoupent leur formulation et tentent de s'expliquer réciproquement ce qu'ils ont compris. Puis, chaque élève doit rédiger sa propre réponse par écrit.

•  Le « groupe de synthèse » : à un moment donné d'une progression pédagogique, le professeur estime qu'il serait utile aux élèves de confronter divers exemples, textes, illustrations, afin de mieux comprendre une « question », une « loi », une « notion », un « concept ». Le professeur demande à chaque élève d'étudier un exemple (et un seul) pendant un temps donné (avec quelques questions-guides). Puis les élèves sont regroupés de telle manière que chaque exemple étudié soit représenté par un élève dans le groupe. Il est alors demandé à chacun de présenter à tour de rôle à ses camarades ce qu'il a travaillé . Les élèves ont été, auparavant, informés qu'ils auront à faire chacun la synthèse en répondant individuellement à une question ou en rédigeant un document répondant à des exigences précises.

•  Les « intergroupes » : il s'agit, ici, de croiser deux formes de regroupements, un groupement où les élèves travaillent sur un même objet (mais chaque groupe sur un objet différent) et un « intergroupe » où les élèves se retrouvent dans la position décrite ci-dessus du « groupe de synthèse ». Cette technique présente plusieurs avantages : elle enrichit la pratique du « groupe de synthèse » en la faisant précéder d'un travail préliminaire qui permet d'aller plus loin sur chaque élément ; elle finalise ce travail préliminaire, puisque chacun sait qu'il devra être le « porte-parole » de son groupe dans l' "intergroupe ". Plus trivialement encore, cette technique favorise le brassage et forme les élèves à une communication exigeante.

•  Le « groupe de création » : la créativité peut, dans tous les domaines, être stimulée par des rencontres imprévues. A ce titre, le travail de groupe peut jouer un rôle important dès lors que des élèves ont travaillé antérieurement dans des registres différents et qu'il faut mobiliser ensemble pour créer une oeuvre collective. Ce dispositif est plus difficile à manier que les précédents, dans la mesure où il peut favoriser, à la fois, une distribution trop rigide des tâches (avec la spécialisation des élèves dans ce qu'ils savent déjà faire) et une focalisation trop forte sur la tâche au détriment des progressions individuelles. Pour utiliser cette technique (en particulier dans le domaine des langues et des arts), il convient donc d'être vigilant, de proposer une rotation systématique de taches et d'imposer une évaluation individuelle des acquis.

•  Le « groupe de perfectionnement » : il est possible d'utiliser le travail en petits groupes pour aider les élèves à acquérir un regard critique décentré sur leurs propres travaux. Ce dispositif s'appuie sur deux éléments forts : 1/ l'exigence à l'égard de son propre travail consiste à anticiper les objections possibles des autres et à y répondre par avance ; 2/ chacun acquiert cette capacité à partir de l'interlocution de l'autre, qu'il doit d'abord entendre et, ensuite, reprendre à son compte. On peut ainsi mettre des élèves en petits groupes de correction en leur demandant chacun, à tour de rôle, de présenter leur travail et d'entendre les critiques des autres. Pour que cela soit utile, il est évidemment impératif que chacun soit contraint ensuite de reprendre son travail et de l'améliorer. Le « groupe de perfectionnement » est une étape et ne peut être confondu avec un « groupe d'évaluation ».

Il existe beaucoup d'autres utilisations possibles du groupe en classe. Il faut toujours les référer aux objectifs de la séquence dans son ensemble. Le travail de groupe, ainsi situé, peut efficacement introduire de la diversité pédagogique tout en accroissant l'implication des élèves dans leurs apprentissages et rendre ceux-ci plus efficaces.

Pour compléter ces propos, voir, dans le chapitre "Outils de formation", le film sur "La construction du concept de romantisme en seconde" et, dans le chapitre "Articles et textes de conférences" : "Pourquoi le travail en groupe des élèves ?" et "Groupes et apprentissages" (plutôt, pour ce dernier texte, sur le versant de la formation d'adultes).