Une autre télévision est possible, Lyon, Chronique sociale, 2007

Un livre qui témoigne d'une colère... et d'un engagement pour une autre télévision, CAP CANAL.

Tout le monde en parle, mais personne n’y réfléchit vraiment. Les politiques l’utilisent, mais aucun ne se hasarde à la critiquer vraiment. Les enfants la regardent, mais les professeurs n’en parlent pas. Les parents constatent les dégâts, mais personne ne sait comment les limiter. Le crétinisme y est de mise avant 23 heures et l’élitisme après.

Il faudra bien, un jour, prendre la mesure du « phénomène télévision » : course effrénée à l’audience, emprise de la publicité, main mise sur les programmes d’une caste jalouse de ses privilèges… Il faut surtout penser, dès maintenant, à des alternatives possibles. Elles existent. Philippe Meirieu les a rencontrées et il croit que rien n’est perdu si les citoyens reprennent la main.

Voir la recension de ce livre en espagnol (Amérique du Sud)




Illustrations de Barrigue

"Il y a quelque chose d’inconscient et de dérisoire à s’attaquer ainsi à l’une des machineries les plus puissantes de la modernité. C’est David contre Goliath, mais sans guère de chance d’en découvrir le talon d’Achille… si l’on veut bien me pardonner ce télescopage mythologique ! La puissance de la télécratie et de tous ceux qui en vivent, la lâcheté des politiques – dont certains avouent pourtant, mezza vocce, leurs inquiétudes -, la complicité narcissique des intellectuels, les intérêts financiers en jeu, l’improbable mobilisation militante… tout cela ne laisse guère espérer une transformation radicale et rapide du système.

Tout laisse penser, au contraire, que « le pire est vraiment sûr ». En bonne logique, L’Ile de la tentation va s’imposer comme l’émission-phare du paysage audio-visuel français. Chacun viendra y séduire  ses semblables et les arracher, à tout prix, à tout autre attachement. Pourquoi pas, d’ailleurs, inviter sous les palmiers, les acteurs, hommes et femmes politiques, écrivains et chanteurs ? Ils y feraient officiellement, et sans avoir à se livrer à d’inconfortables contorsions intellectuelles, ce qu’ils font aujourd’hui à mots plus ou moins couverts. On imagine le commentaire : « Nicolas va-t-il réussir à arracher des bras d’Alain les quelques admiratrices séduites par sa beauté sauvage ? Christine, aujourd’hui, a le regard qui tue : ses concurrents seront-ils désarçonnées par tant d’aplomb ? Johnny va-t-il utiliser son arme fatale pour être à la hauteur de François qui veut lui damer le pion ? Entre Bernard-Henri et Jean-Édouard, on ne sait plus où donner de la tête. Cruel dilemme ! Les tentatrices de la météo entrent en scène : déboussolés par tant d’appâts, on hésite… Cécilia martèle sa devise : Ce qui ne tue pas rend plus fort. La situation se tend… »

Et, effectivement, on va craquer. Craquer devant tant de sottise et de régression. Craquer devant tant de mépris pour l’intelligence. Craquer devant cet asservissement permanent aux puissances de l’argent et à la dictature de la publicité. Craquer devant notre propre capacité à encaisser la surenchère de la vulgarité. Craquer devant notre fantastique immobilisme collectif.

Finirons-nous, alors, par éteindre définitivement nos postes ? Je n’y crois pas une seconde. L’habitude est prise : le poste fait partie de notre vie ; et la télévision est un trop bel outil, même s’il est aujourd’hui si mal utilisé…. En revanche, nous disposons d’un pouvoir considérable : choisir nos émissions. Prenons l’offre des chaînes au sérieux. Potassons les programmes et dénichons les quelques images dont nous n’avons pas honte. Si elles sont diffusées trop tardivement ou en journée, enregistrons-les et regardons les en prime time, en lieu et place des best of et autres variétés convenues. Boycottons systématiquement les talk show complaisants, comme les intellectuels et les politiques qui s’y ébrouent. Faisons connaître les initiatives audiovisuelles qui brisent les catégories et les clichés. Organisons un buzz permanent en faveur de ceux qui ne nous prennent pas pour des imbéciles… Ce n’est pas grand chose, certes. Mais, c’est déjà ça. Et – qui sait ? – peut-être pourrons nous être entendus, un jour, par des décideurs ? Des décideurs qui auront compris que les vrais décideurs, c’est nous… et que nous sommes bien décidés à revendiquer ce statut.

Alors, nous pourrons tranquillement, le soir en rentrant chez nous, rallumer la télé."