Léon Tolstoï (1828-1910)

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Jean-Marc Patru

A la source de l'autonomie et de la citoyenneté

Réflexions d'un enseignant de classe unique en milieu rural

L'Harmattan

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Marie-Laure Viaud

Changer l'école

Une nouvelle école est possible, reconnectée à l'enfant et aux défis du monde

Nathan

 

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Jean-Michel Wavelet

Albert Camus

Enseignant empêché, pédagogue résistant

L'Harmattan

 

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Gabriel Langouët 

Non aux inégalités obscènes ! Oui a de plus justes partages !

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 Claire Héber Suffrin, 

Puissance de la reconnaissance Chemin d'humanisation réciproque 

Lyon, Chronique Sociale, 2021

 

 

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Gaston Bachelard, L'inattendu - Les chemins d'une volonté, Jean-Michel Wavelet, Paris, L'Harmattan, 2019

Lire la recension par Claude Lelièvre

Méthode et Philosophie. La descendance éducative de l'Emile, études coordonnées par Michel Soëtard, L'Harmattan, coll. Education et Philosophie, 2012.

L'ouvrage s'ancre dans le texte fondateur de la pédagogie qu'est Emile ou de l'éducation (1762). La singularité de cette oeuvre est qu'elle véhicule dans un même mouvement une philosophie de l'homme, une anthropologie pédagogique et une méthode: Rousseau les confond dans une même fiction, appelée à accomplir à la nature humaine en liberté. Mais une analyse du texte de1762 montre que l'unité des trois dimensions est condamnée à éclater lorsque la belle Idée est mise à l'épreuve de la pratique et confrontée à l'aléatoire "l'éducation des choses". Rousseau en avait lui-même la conscience lorsqu'il déclarait une telle éducation impossible et qu'il demandait, dans sa Préface, que l'on séparât nettement la "bonté absolue du projet" de ses applications.

La mise en oeuvre, envers et contre tout, du projet de l'Emile réclame alors une pensée de l'action qui renvoie l'Idée de liberté à son formalisme philosophique et l'anthropologie pédagogique à son matérialisme scientifique, tandis que la méthode, telle qu'elle est menée dans le texte de Rousseau, jetterait le pont entre les deux mondes. Mais peut-elle le faire sans être à son tour pensée dans la dimension philosophique, comme problème posé à une pensée qui ne peut plus se satisfaire de planer dans le monde de la "raison" en y assimilant a priori l'enfant, mais doit désormais se confronter à l'autre de la raison, en faisant l'effort, face à l'enfant, de "penser à ce qu'il est avant que d'être homme" ? La méthode peut-elle se laisser aller à un spinozisme pédagogique, comme s'est laissée aller l'Education nouvelle au mouvement de la natura educanda, avec tous les risques d'un fracassement de l'action dans les contradictions ? Ou bien doit-elle être à son tour pensée à la lumière de l'exigence de liberté qui fonde tout à la fois la nécessité d'une bonne connaissance de l'enfant et une idée claire de sa destinée ? .

La descendance éducative de l'Emile ne s'y est d'ailleurs pas trompée, lorsqu'à partir de Kant, terrassé par la lecture de l'ouvrage, elle s'est débattue avec la question : comment engager la nature sur la nouvelle voie de la liberté autonome tout en jouant le jeu des déterminations qui la portent ? Comment envisager une méth-ode, un "cheminement avec", qui respecte l'autre en ce qu'il est, et le fait advenir en ce qu'il doit être sous l'égide de la raison en liberté ?

A partir de cette question, on peut dégager trois lignées philosophiques. La première est inaugurée par Fichte, dans le sillage direct de Kant : le philosophe d'Iéna opère la grande déduction à partir de l'Idée de Liberté, plus précisément d'autoactivité (Selbsttätigkeit), et il fait de la Méthode (en l'occurrence celle qu'élabore Pestalozzi à Yverdon) le moyen par lequel s'opère la maîtrise de son conditionnement historique. Condorcet s'inscrirait, sur un mode plus positiviste, dans cette circularité qui conduit à instrumentaliser la méthode sous le principe de la Raison.

Une autre voie, qui trouverait son inspiration philosophique chez cet autre post-kantien qu'est Schelling et sa philosophie de la Nature : la Méthode même serait alors le véhicule naturel de la Liberté. On trouve sur cette route la pédagogie herméneutique d'un Dilthey, mais aussi, une fois encore dans un mode plus positif, la pédagogie philosophique de l'américain Dewey.

Viennent maintenant les pédagogues à proprement parler, ceux qui voudront récuser tout idéalisme philosophique pour s'accrocher aux outils de la liberté que chacun est appelé à se donner. Ils trouveront en Herbart leur philosophe. Ce sera Freinet et son matérialisme pédagogique, mais aussi Pestalozzi, qui voudra distinguer obstinément l'Idée élémentaire qui donne forme à la nature humaine des moyens pédagogiques de sa réalisation.

Ces trois lignées sont ici explorées à la faveur d'analyses monographiques réalisées par les meilleurs connaisseurs des auteurs qui portent la problématique: Alain Trouvé(Condorcet), Bernard Vandewalle (Kant), Michel Soëtard (Pestalozzi), Jean-Marc Lamarre (Fichte), Jean-François Goubet (Herbart), Didier Moreau (Dilthey), Michel Fabre (Dewey); Renaud Hétier (Freinet).

Prolongeant la réflexion et le questionnement, on pourra se demander quel profit peuvent tirer la philosophie et la pédagogie d'une telle étude. C'est que, depuis l'Emile, la première ne parvient plus désormais à se dégager d'une problématique pédagogique qui la mine, et qu'il lui faut, d'une façon ou d'une autre, dominer. Quant à la pédagogie, la preuve est faite quelle n'échappe pas elle-même au questionnement philosophique, à travers la tension qui ne cesse de l'écarteler entre la fin qu'elle vise, la liberté autonome de la personne, et les moyens qu'elle construit pour la mettre en oeuvre.

Sylviane Campino, Catherine Vidal, Nos enfants sous haute surveillance
Evaluation, dépistages, médicaments…
, Paris, Albin Michel, 2009.

"Les neurobiologistes vont bientôt avoir la charge d’évaluer les risques de survenue des troubles cognitifs, les potentialités de réussite scolaire et professionnelle, la prédilection pour la violence et la consommation de drogue."... Cette approche, venue des Etats-Unis et reprise depuis quelques années en Europe et en France, vise à donner la prégnance à une vision déterministe de la personne, à travers les sciences et techniques et plus précisément la biologie. Elle écarterait donc a priori l’histoire de l’enfant, l’influence de son environnement familial et social mais aussi sa capacité à « grandir ». Cela a conduit à faire du déterminisme génétique l’alpha et l’oméga d’une politique sécuritaire, classant les enfants, à travers un système d’évaluation et de dépistage de plus en plus précoce, dans des « cases » dont il devient de plus en plus difficile de sortir : pré-délinquant, délinquant, inadapté social…Derrière cette approche technicienne, l’éducation n’a que peu ou pas de place. Les solutions tournent autour de la prise d’amphétamines dont la prescription s’est accrue de manière vertigineuse ces dernières années.

Cet ouvrage pose la question à la fois de la capacité de l’enfant à se construire, à construire sa vie à la fois grâce à son environnement familial, mais aussi en fonction de ce que la société peut lui proposer. Et c’est ici que l’éducation prend toute sa place et se retrouve au cœur du choix de société que nous voulons construire avec et pour nos enfants. Valoriser la performance collective et solidaire et non plus seulement l’exploit solitaire ; faire de l’émulation un moteur et non de la concurrence un critère d’excellence ; donner aux pratiques pédagogiques, aux apprentissages du sens dès la maternelle car tout ne se joue pas avant l’âge de 3 ans comme l’idéologie du dépistage systématique a bien voulu le faire croire ! Donner enfin du temps à l’enfant afin qu’il puisse se construire à son rythme et non selon un schéma stéréotypé, normatif classant les enfants selon qu’ils auraient une année de retard ou pour certains d’avance…Pour celles et ceux qui vivent au quotidien, en lien avec les familles, les éducateurs, les travailleurs sociaux la fabuleuse aventure de l’éducation – je veux parler des enseignants – rien n’est jamais perdu, rien n’est jamais acquis non plus ! La ritaline n’est pas la solution miracle, mais une conséquence d’une analyse erronée, mettant hors-jeu la créativité et les capacités de chacun à être une personne en devenir. Et si on donnait enfin sa chance à l’éducation en en faisant une véritable priorité au cœur d’un projet de société?

Bertrand Gaufryau

Albert Jacquard, Le compte à rebours a-t-il commencé ?, Paris, Stock, 2009

Ce petit ouvrage est probablement à la fois le plus abouti et le plus puissant d’Albert Jacquard. Entre le compte à rebours qu’il égrène pour entamer son propos et cette phrase d’une profonde lucidité prononcée par une jeune lycéenne « Mieux vaut une réussite solidaire qu’un exploit solitaire » lors d’un dialogue à bâton rompu comme ceux qu’il affectionne, l’auteur déroule une analyse prospective de l’avis de tempête qui déjà menace notre société.

Albert Jacquard aurait pu aussi volontiers ajouter à ces formules dont il a le secret « Vive le sport, à bas le score » pour interpeller un enseignant d’éducation physique et sportive lors d’une nouvelle rencontre avec des lycéens.

L’auteur souligne à l’envie l’idée selon laquelle le progrès déconnecté de toute forme d’éthique et d’humanité, entraîne le monde à sa perte. Comment ne pas s’interroger sur l’écart immense entre la capacité de la nature à produire du pétrole et notre toujours plus important appétit à consommer cette ressource naturelle ? Des centaines de millions d’années d’un côté et quelques siècles de l’autre…

Au total, c’est la myopie du marché et de cette forme d’économie, incitant à privilégier le court terme au détriment du long terme, la concurrence à la coopération, valorisant le succès par l’anéantissement du plus faible par le plus fort, et donc la violence de la société actuelle qui font dire à Albert Jacquard que le compte à rebours a déjà commencé.

Toutefois, pour cet optimiste de conviction, « professeur en humanistique » comme il aime à se définir lorsqu’on lui demande de se présenter, rien n’est jamais irréversible, inéluctable pour peu que l’on accepte de refonder nos habitudes.

Si collectivement nous faisons preuve de lucidité, portons avec force le message de Théodore Monod selon lequel « préparer un crime, c’est déjà commettre un crime », alors nous pouvons espérer construire un projet alternatif à celui qui nous conduit dans une impasse que nous commençons à entrevoir. L’intégrisme d’une croissance à tout prix, d’une consommation toujours plus importante et inégalitaire, la recherche d’un progrès au profit de quelques uns et au détriment de l’humanité (que ce soit avec l’accumulation des déchets nucléaires, le gap au niveau de l’espérance de vie mais aussi de l’alimentation entre les occidentaux et les pays en développement…) doit faire place à une véritable « humanité ».

C’est l’éducation permanente qui est aussi au cœur du message d’Albert Jacquard, véritable vecteur de transformation des comportements et des transmissions de valeurs et messages alternatifs. Privilégier la coopération et non la mise en concurrence des élèves ou/et des établissements scolaires, d’enseignement supérieur entre eux n’exclut pas l’émulation. Il s’agit aussi de repenser les méthodes pédagogiques, les formes d’évaluation et remettre la « machine éducation » au service de ceux qu’elle doit aider et non pas en faire une variable d’ajustement des calculatrices des financiers.

Tant que de jeunes lycéens auront assez de lucidité pour nous interpeller et nous délivrer des messages aussi puissants que celui de cette jeune fille, remettant l’essentiel, c'est-à-dire la personne au cœur de l’humanité, alors « le pire ne sera pas certain ».

Bertrand Gaufryau

Luc Cédelle, Un plaisir de collège, Paris, Seuil, 2008

Le responsable de ce site est, à l'évidence, mal placé pour parler de ce livre. Non qu'il ne connaisse pas suffisamment ce dont il est question ici - la pédagogie au collège - ou qu'il manque d'expérience sur la question des établissements innovants - il en a lui-même animé un pendant plusieurs années... mais parce que, sans aucun doute, il est trop impliqué dans les enjeux de l'ouvrage pour avoir un jugement "objectif" sur ce texte. Impliqué en raison des convictions pédagogiques qui sont les siennes et qui rejoignent celles qui ont présidé à la fondation du collège Clisthène dont Luc Cédelle retrace précisément l'histoire et décrit admirablement le quotidien. Mais impliqué, surtout, en raison des analyses de Luc Cédelle sur les débats éducatifs contemporains et de la manière dont il les présente...

Mon travail est, en effet, situé ici dans les polémiques actuelles avec des qualités qui m'apparaissent infiniment réconfortantes : Luc Cédelle a pris la peine de lire les livres et de regarder les écrits de près : il est le premier, à mon sens, à décortiquer précisément la "démonstration" d'Alain Finkielkraut sur la manière dont je serais complice des "usines de la mort". Nul avant lui, en dépit de la gravité de de "l'insulte distinguée", n'avait montré clairement comment fonctionnait la "pensée Finkielkraut". De même, Luc Cédelle, sans manichéisme ni complaisance avec quiconque (même pas - et c'est heureux ! - avec "les pédagogues"), débusque de manière acérée les logiques des discours et met en relief leurs procédés rhétoriques. Enfin, Luc Cédelle met au défi les "anti-pédagogues" d'aller jusqu'au bout de leurs propositions en "expérimentant" leurs thèses "dans le cadre des limites républicaines". C'est une position courageuse et rare, qui rompt avec les postures inquisitoriales qu'on trouve trop souvent chez les protagonistes du débat éducatif... Bref, et au risque de me laisser aller à l'expression d'une subjectivité débordante, j'avoue que les analyses de Luc Cédelle m'ont rasséréné : elles respectent le discours et le travail pédagogiques au moment où les lieux communs "anti-68" et l'appel à la pensée magique pour "restaurer" les savoirs et l'autorité dominent très largement la sphère intellectuello-médiatique...

Certes, le mépris de la pédagogie - cette discipline des "vérités moyennes", comme disait Taine, qui s'obstine à bricoler des médiations pour mobiliser et instruire les élèves - , n'a rien de nouveau : le pédagogue n'a jamais vraiment été reconnu, pour reprendre les termes de Max Weber, ni par "le savant" (qui ne le trouve pas très sérieux), ni par "le politique" (qui ne le trouve pas très fiable)... Il n'est légitime, selon les catégories de Bourdieu, ni "dans la "Cité savante" (dont il est systématiquement écarté en raison de son refus du positivisme et de son rappel exaspérant que ce qui relève du sujet ne peut jamais être complètement appréhendé par "la science"), ni dans la "Cité mondaine" (où c'est le "bon mot" à la Voltaire qui fait loi, où l'on ne s'encombre jamais des difficultés concrètes des praticiens, sauf sur le mode de la compassion ou de la dénonciation !). Coincé entre ces univers qui le rejettent mais avec lesquels, pourtant, il tente désespérément de composer, le pédagogue n'a, habituellement, que la piétaille des "militants de base" pour lui accorder quelque crédit... Pour une fois, avec le livre de Luc Cédelle, il peut se sentir reconnu et, même estimé ! Ce n'est pas rien...

C'est ainsi qu'on trouvera, tout au long des pages de ce livre, un écho, précis et chaleureux à la fois, des questions qui préoccupent concrètement les professeurs de collège : comment être, à la fois, accueillant et exigeant ? Comment pratiquer une pédagogie du collectif et personnaliser l'accompagnement ? Comment faire découvrir les savoirs et permettre leur formalisation rigoureuse ? Comment mobiliser sans tomber dans la démagogie, punir sans exclure systématiquement, croiser les disciplines sans les dissoudre, évaluer sans décourager, etc. ? Mais aussi, et c'est loin d'être des questions négligeables : comment travailler en équipe sans s'épuiser ? Comment être innovant sans être simplement exotique ? Comment identifier les acquis transférables ?... Autant de vraies questions, fondamentales comme ce livre qui éclaire la rentrée 2008.

Philippe Meirieu

Ecouter la chronique de Nicolas Demorand "Tous Azimuts" sur ce livre,
diffusée le 2 septembre à 7h 23.

A lire aussi, l'ouvrage de Pierre Madiot, L'Ecole enfin expliquée aux parents (et aux autres), Paris, Stock, 2008.

À vrai dire, cet ouvrage ne porte pas tout à fait le bon titre. En réalité, c’est moins aux parents qu’il s’adresse qu’aux citoyens. Non, bien sûr, qu’on ne puisse être l’un et l’autre, mais parce que, justement, ce texte s’efforce de proposer une pensée sur l’école qui s’exhausse au-dessus des réactions immédiates, des jugements à l’emporte-pièce, des impressions personnelles que l’on peut avoir en tant que parent. Il permet d’entrer dans l’intelligence du système scolaire, de son fonctionnement, de ses missions, de ses relations avec le politique… et de participer ainsi au véritable débat citoyen dont nous avons besoin.

La recension de Philippe Meirieu pour Les Cahiers pédagogiques...

La présentation du livre sur le site des Cahiers pédagogiques

Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi, Main basse sur l'école, Paris, Démopolis, 2008

Voilà un livre à lire absolument pour comprendre la situation scolaire et les débats éducatifs d'aujourd'hui. L'ouvrage se présente comme un enquête - presque un "thriller" - centrée sur la dénonciation d'un projet qui, malgré les apparences, n'a rien d'improvisé ni d'incohérent. La libéralisation de l'école y apparaît comme une perspective murie de longue date, avec des objectifs précis et des étapes qui sont en train de se dérouler sous nos yeux : appuis au développement de l'enseignement privé, mise en place de la concurrence systématique avec l'enseignement public, mécanismes subtils de privatisation de ce dernier avec la complicité des nostalgiques de "l'école d'antan", l'alliance étonnante des "républicains" et de la droite ultra-libérale, des révolutionnaires de salon et du catholicisme intégrisme... Très documenté, le livre dévoile des éléments peu connus de notre situation scolaire... éléments qu'il faut absolument verser au débat... Certes, on peut regretter que les analyses laissent de côté certains aspects de la politique libérale liés au désengagement de l'Etat, au dévoiement de la notion de "projet d'établissement", au refus de prendre en compte les aspirations légitimes des parents dans l'enseignement public, au risque de les voir fuir vers l'enseignement privé, etc. Mais ces éléments-là étaient déjà assez bien connus... Et le livre les complète très opportunément.

Johann Heinrich Pestalozzi : Oui ou non. Ecrits sur la Révolution française. Considérations sur l’humeur politique de l’humanité européenne dans les hautes et les basses classes de la société – Sans-culottisme et christianisme – Lettre à Nicolovius – Lettre à Jacobi. Traduction de  P.G. Martin, introduction de Daniel Tröhler, commentaire de Michel Soëtard, Ed. LEP, Lausanne, 2007, collection « Pestalozzi. »

Les pédagogues ne s’effraient pas des révolutions sociales, ils tendraient même à y trouver goût. C’est qu’ils  pressentent ce que Martin Buber écrivait dans l’un de ses Discours sur l’éducation : l’éducation ne prend sens que dans un monde qui perd sa forme, alors que dans un monde établi, elle n’est que la reproduction d’une figure sociale qui plane par-dessus les têtes et que l’institution demande à l’éducateur d’exécuter. Et Buber interroge : « Mais lorsque toutes ces figures se sont brisées, lorsqu’aucune d’entre elles ne parvient plus à s’imposer et à donner forme à la matière actuelle de l’humanité, qu’y a-t-il encore à former ?... ».

C’est la question que pose Pestalozzi à la Révolution française. Lui, le Patriote qui rêva un jour de remettre sur ses pieds la cité de Zwingli, le lecteur passionné de Rousseau, le chrétien qui préfère les cercles piétistes aux assemblées de l’Eglise de Zwingli, le philanthrope enfin qui veut donner aux enfants pauvres les moyens économiques de leur autonomie, ne peut que  se retrouver dans le cri de 1789. Mais celui qui pensait que l’embrasement social allait enflammer l’éducation, est bientôt déçu par la tournure que prennent les événements : fait citoyen d’honneur de la Révolution française, c’est en vain qu’il propose à sa nouvelle patrie ses plans d’éducation : « C’est trop pour le peuple ! » lui rétorque-t-on. Les Français ne veulent entendre que politique, et ils la noient bientôt dans les massacres de septembre 1792 et dans le sang de la Terreur, en attendant qu’un  petit caporal rafle la mise.

Pestalozzi veut se mettre au clair avec l’événement. C’est alors qu’il écrit un texte demeuré inédit, où il s’efforce de répondre : Oui ou non ?à la Révolution. Oui à la revendication de liberté qui naît du peuple. Non à la confiscation qu’en font les nouveaux tenants du pouvoir, tentés à leur tour par le despotisme. Non au sans-culottisme politique, qui finit dans le sang ; oui au sans-culottisme moral, qui entretient la flamme de l’insatisfaction sociale au cœur de la personne.

Dès lors, son univers se transforme. En témoigne la lettre du 1° octobre 1793 à Nicolovius, document central dans l’œuvre de Pestalozzi, qui se trouve traduite dans le même volume. Pestalozzi y fait son adieu à un idéal humain qu’il avait identifié au Christianisme, pour faire désormais de celui-ci le « sel de la terre », animant une foi retrouvée, face à des choses humaines qui ont bien leur ordre et leur saveur propres. Et cet ordre impose sa réalité, avant même que l’homme ne cherche à l’incurver dans le sens de la liberté : celle-ci ne pourra trouver ailleurs que dans celle-là la matière de son déploiement.

C’est ainsi que le texte sur la Révolution française est décisif pour l’évolution à venir de la pensée et de l’œuvre de Pestalozzi. Il ouvre sur le renversement philosophique qui va s’opérer avec l’écrit de 1797 Mes recherches sur la marche de la nature dans l’évolution du genre humain. Mais il introduit surtout l’œuvre pédagogique, telle qu’elle va se déployer à Stans, à Berthoud et surtout à Yverdon. Il n’est plus en effet question pour le pédagogue qu’il devient, d’accrocher l’éducation à un projet de libération politique, mais de mettre entre les mains des enfants des moyens dont l’usage leur permettra de se libérer… en liberté : tel sera l’esprit et la matière de la Méthode. 

Quarante ans après la conflagration sociale de 1968, l’écrit de  Pestalozzi peut trouver une heureuse résonance chez les pédagogues de 2008. Il leur permet de prendre la mesure de l’illusion éducative qui a pu les égarer, au milieu d’une générosité sociale dont ils peuvent continuer à être fiers. Et il leur indique l’issue : une pédagogie de l’autonomie soucieuse de mettre entre les mains de chacun, dans un esprit de liberté,  les outils de sa libération. Il en adviendra de la démocratie ce qu’il doit advenir…

Il faut alors s’engager dans l’œuvre de la Méthode : elle formera la matière des prochains volumes à paraître dans la collection.

Michel Soëtard

Images écrites et Autres images écrites, Nada Moghaizel Nasr, Editions Dar An Nahar, disponibles en France chez Métaphore Diffusion metaphorediffusion@yahoo.fr ou sur e-bay

Personnalité charismatique du monde éducatif et intellectuel libanais, Nada Moghaizel Nasr est une grande dame qui écrit des petits textescomme on sertit des joyaux. En tant que doyenne de la Faculté dessciences de l’éducation de l’université Saint-Joseph de Beyrouth et représentante des pays arabes au comité conjoint OIT-Unesco, elle aurait pu choisir un langage théorique pour dire ses pensées. Elle a préféré dire les « choses simples » de la vie dans une langue lumineuse, sensible et sensuelle. Ce qu’elle dit sur l’éducation et les relations entre les parents et les enfants résulte d’un cheminement affectif intime. Cette écriture fait vibrer une expérience personnelledans sa dimension essentiellement humaine et universelle, en donnant du sens à chaque instant et une place à part entière à chacun. Ayant gardé la pureté de l’enfance, Nada Moghaizel Nasr nous mène dans les contrées du cœur. Elle indique, avec légèreté et humour, le chemin de la construction de soi et du bonheur. De par son appartenance au Liban, sa réflexion sur le sens à donner à l’existence et sur la valeur à accorder aux relations humaines n’en est que plus forte, parce que vitale. C’est en même temps ce qui donne une telle émotion et authenticité à son écriture.

Ses deux ouvrages, Images écrites et D’autres images écrites deviennent des livres-compagnons qui éclairent le quotidien de toute une vie, de chaque vie. Ils offrent le modèle d’un cœur créatif, fidèle, digne, généreux, comme un « repère » à conserver au plus intime de soi.

« Si un jour nous sommes malheureux, nous tacherons d’être élégants » lui disait sa mère quand elle était petite. Et si, grâce à cette illumination du cœur et de l’esprit, nous pouvions recommencer à espérer en un monde meilleur ?

Sylvie Darreau

Quand quelqu'un parle, il fait jour, une autobiographie linguistique, Abraham Bengio, La Passe du vent, Vénissieux, 2007

Abraham Bengio, acteur culturel de premier plan, ancien professeur de Lettres, amoureux des langues et fin connaisseur des cultures, nous offre une superbe méditation sur notre temps, à travers le prisme de la langue. "C'est par la langue, dit-il, qu'il est devenu Français" ... Méditation sur l'identité, sur les soubresauts de notre histoire contemporaine, ce livre est aussi une véritable leçon de "sagesse"... sagesse inconfortable, certes, mais la seule possible probablement.

 

Au passage un texte particulièrement intéressant sur le rapport d'un intellectuel avec "la pédagogie" et le renversement auquel il a donné lieu.

Le temps présent, Ecrits 1945-2006, Claude Lefort, Belin, Paris, 2007

Claude Lefort est, à mes yeux, un des plus grands penseurs de notre temps en matière de philosophie politique. Cet ouvrage réunit un ensemble de textes formidablement stimulants, qui permettent de mieux comprendre celui qui est, je crois, le meilleur théoricien de la démocratie. A lire d'urgence au moment où tant d'ambiguïtés et de sottises sont proférées sur la question.

"De toutes les formes de société connues, la démocratie se distingue, certes, par l'abandon de la croyance à un gouvernement des hommes régi par des lois qui gouvernent l'univers, mais, non moins, par l'abandon de la croyance à une loi divine dont le détenteur de l'autorité serait le représentant. Cela ne veut pas dire que « le lieu» du pouvoir ne procure plus le signe d'un « dehors». Mais, dès lors qu'il n'est pas nommable, figurable, dès lors que nul ne saurait occuper la position d'un grand médiateur et d'un grand juge, ce lieu est tacitement reconnu comme lieu vide. (...)

Encore faut-il préciser que, là où s'indique un lieu vide, il n'y a pas de condensation possible entre le pouvoir, la loi et le savoir, ni d'assurance possible de leurs fondements. L'exercice du pouvoir est matière à un débat interminable : débat qui se reporte sur les fins de l'action politique, sur le légitime et l'illégitime, sur le vrai et le faux ou le mensonger, enfin, sur la domination et la liberté. La démocratie est ce régime dans lequel sont dissous les repères derniers de la certitude.

Sans doute, la démocratie donne-t-elle lieu au développement de pouvoirs d'appareil, celui de l'État ou celui de l'entreprise notamment. Leur manière de s'exercer varie selon les chances qui sont offertes à l'usage de la force ou à celui de la séduction. Cet exercice, loin d'être à la disposition des agents du pouvoir, s'adapte aux représentations collectives. Mais tant qu'en dépit du discrédit dont souffrent ses représentants, se maintient le crédit dont bénéficie le pouvoir démocratique qui rend manifeste l'excès de la vie sociale sur toute organisation de fait, les multiples appareils ne peuvent se fondre en un seul.

Les aventures totalitaires nous ont appris quel attrait exerçait la domination, du haut en bas de la bureaucratie, dans un régime qui prétendait effacer tout signe de conflit et opérer une sorte de bouclage du social. À présent, c'est l'expansion du marché, supposé auto-régulateur, à l'échelle de la planète qui porte un défi au pouvoir démocratique."

La télécratie contre la démocratie, Lettre ouverte aux représentants politiques, Bernard Stiegler, Flammarion

"La télécratie qui règne désormais en France, comme dans la plupart des pays industriels, ruine la démocratie : elle remplace l'opinion publique par les audiences, court-circuite les appareils politiques et détruit la citoyenneté"... L'analyse de Bernard Stiegler est terriblement réaliste et, aussi, terriblement nécessaire. Car si la critique des médias est devenue un lieu commun, elle est rarement située dans ses enjeux de société...

Or, le "capitalisme pulsionnel" dont parle Bernard Stiegler ne peut pas laisser indifférent ceux et celles qui s'intéressent aux questions éducatives. Au-delà des traditionnelles critiques de l'image et des généralités sur "l'éducation aux médias", il appelle de nouveaux modèles qui, s'appuyant sur la tradition pédagogique dans ce qu'elle a de plus vif et de plus actuel, permette de penser une "éducation pour aujourd'hui".

Ph. M.

 

Il n’y a pas de petite querelle, Amadou Hampâté Bâ, Pocket

Ce recueil de « contes de la savane » représente autant de pépites pour découvrir que nous sommes tous avant tous des hommes avec nos qualités et nos limites. Du rêve à la réalité des rapports sociaux, des questions morales, Amadou Hampâté Bâ nous conduit avec un bonheur tout simple sur le chemin de l’humilité et de quelques certitudes permettant de revenir à l’essentiel. Si les plus jeunes y trouveront des textes leur permettant de s’endormir apaisés, d’autres, plus âgés, y puiseront des ressources subtiles où l’éducatif n’est jamais loin. Enfin, chacun de ces petits textes, écrits dans un style vif et plein d’humour, lus et relus dans un contexte différent, permettra au lecteur de tirer des enseignements sur son propre parcours, sur les regards portés à la fois sur la vie, mais aussi des voies de sagesse. Entrer dans l’histoire et se projeter dans l’avenir nécessite un certain courage, celui de ce décentrer de sa propre culture et de son propre modèle. Cette invitation au voyage, empreint de tolérance dans le respect de la diversité des cultures constitue le cœur de ce bel ouvrage. Une telle invitation ne peut se refuser ! Et ce d’autant que faire la part de l’essentiel et de l’accessoire n’est pas chose aisée… Il n’y a donc pas de petite querelle…

Bertrand Gaufryau

Eté 36, sur la route des vacances, Martin Pénet, Omnibus

Cet été 36 fût pour beaucoup une bouffée d’oxygène, une véritable ivresse : celle qui a permis à des millions de français pour la plupart modestes, de découvrir grâce aux congés payés et à la politique sociale di gouvernement Blum que le fruit de leur travail pouvait leur permettre un temps d’oisiveté méritée. Et pourtant, que n’a-t-on entendu à cette époque sur « ces salopards en casquette » qui envahissaient les plages ou « ce ministre de la paresse » qu’a été Léo Lagrange !

Martin Pénet nous invite à revisiter cet été 36 ! Quelle vitalité, que foisonnement d’initiatives, quelle imagination au service de la culture et de la chanson ! De la découverte de la mer pour beaucoup, à la découverte de Paris en passant par les promenades à vélo ou le premier trajet en train ; le camping, le temps de flâner, l’automobile…De chaque texte, illustré de photos surprenantes, attendrissantes, d’une douceur qui contraste avec la violence des rapports sociaux de l’époque, essentiellement de classe d’ailleurs, transpirent les valeurs d’une société en bouleversement. Les valeurs de solidarité, de respect, la mise en avant du collectif sur la réussite individuelle sont au cœur du message de cet été 36 ? Comment mieux en parler qu’en faisant référence au tour de France, en évoquant Roger Lapébie ? Quel saisissant contraste avec la mise en avant de la seule réussite individuelle, le consumérisme, cette concurrence effrénée qui constitue le moteur de notre société ?

Derrière ces photos où chacun y percevra ce que son propre œil voudra bien explorer, une pluie de textes mis en chansons, inondent les radios : « A nous la liberté » du film de René Clair, « Ce petit chemin » de Jean Nohain ou bien « Vingt-ans » de Jean Villar ; « Quand on s’promène au bord de l’eau » de Jean Duvivier ou « La vie qui va » de Charles Trenet. Tous ces textes respirent un air de liberté et de conscience collective. Mais les chansons à « textes », engagées, ne sont pas loin : « La belle France » de Jean Villar ou bien « Vas-y-Léon » de Montéhus ou encore « La grève de l’orchestre » de Jean Vorcet…

Cet ouvrage rassemblant textes, photos et chansons nous rappellera que chaque fois que les peuples se mettent en marche, rien n’est impossible ! Que les petits peuvent aussi apporter à la société française cette « bouffée d’air pur » dont elle manque cruellement ces temps-ci….L’Histoire n’est pas faite pour demeurer au passé, mais rêver à un avenir plus radieux !

Bertrand Gaufryau

Le Ramadan de la Parole, Jeanne Benameur, Actes Sud Junior

Trois textes remarquablement écrits et qui font l’éloge de la liberté d’être de la femme nous offrant en contrepoint ce qui a empêché son épanouissement, hier et aujourd’hui. Ce voile que Zora porte pour échapper à la violence des garçons, à la boue de ces mots avilissants, de ces regards avides de l’objet sexuel que représente la jeune fille, de ce corset qui étouffe non seulement le corps mais l’âme ! A-t-on jamais imaginé un jeune homme adolescent voilé pour se protéger du regard de la jeune femme ? A-t-on jamais envisagé que l’homme-objet devienne le centre de notre société ?

Ces trois petits textes méritent sans aucun doute une lecture approfondie dans nos collèges et lycée, débat et constituent certainement l’outil le plus utile permettant de faire du respect garçon-fille le cœur d’un joli projet éducatif. Merci à Jeanne Benameur de nous donner permettre de partager avec les jeunes que nous accueillons le meilleur pour aider chacun à porter un regard d’humanité sur l’autre.

Bertrand Gaufryau

L'arbre enfant. Une nouvelle approche du développement de l'enfant, Editions Odile Jacob, par Hubert Montagner

La métaphore de l'arbre permet de mieux appréhender les différents niveaux de fonctionnement de l'enfant et de porter un nouveau regard sur les êtres humains en cours de construction ainsi que sur les influences familiales et sociales qui les façonnent. On peut ainsi résumer les messages essentiels :

1. Il n'y a pas de fatalité et rien n'est déterminé ou irréversible dans les constructions et conduites enfantines. Il n'y a pas en particulier de prédisposition à la violence et à l'échec scolaire. Tout peut évoluer d'un âge à l'autre dès qu'on agit sur les phénomènes d'attachement, l'ajustement des rythmes personnels aux rythmes de l'environnement et la "conquête-appropriation" de l'espace qui scelle l'alliance du corps et de la pensée. Ce sont les racines majeures qui constituent la plate-forme de développement de chaque enfant dans sa famille, à la crèche, à l'école maternelle et ailleurs.

2. Une fois construite, la plate-forme de développement permet aux enfants de s'installer dans la sécurité affective nécessaire au développement de la confiance en soi, de la confiance dans autrui et dans l'estime de soi. Ils peuvent alors libérer et contrôler leurs émotions en même temps qu'ils développent des compétences de base, socles des phénomènes d'attention et de traitement de l'information, des liens affectifs, des interactions sociales, des   processus de socialisation, des constructions intellectuelles et de la créativité.

3. En revanche, lorsque les enfants s'installent dans l'insécurité affective, ils s'enferment dans des blocages affectifs et des inhibitions. Ils ne peuvent libérer et contrôler leurs émotions, notamment pas rapport aux règles et interdits de la société. Parallèlement, ils ne peuvent développer des capacités d'attention et de traitement de l'information suffisantes pour bien comprendre et apprendre, en particulier à l'école, et leurs registres comportementaux ne leur permettent pas de s'intégrer dans les groupes sociaux. L'empilement des insécurités affectives générées par des conditions de vie familiale difficiles, des rejets par les partenaires sociaux et un sentiment d'exclusion par l'école, conduit à des repli sur soi, à l'isolement et à la marginalité sociale, à des conduites d'évitement et de fuite, à des instabilités comportementales ("l'hyperactivité"), à des agressions-destructions, et à la violence. En outre, les résistances au mode de fonctionnement de l'école et aux apprentissages en classe ont une forte probabilité de nourrir les échecs scolaires.

4. Pour éviter ces phénomènes, il faut définir et mettre en oeuvre une véritable politique de la petite enfance, apaiser et rassurer les familles, créer des structures d'accueil réellement innovantes dont le fonctionnement permette de restaurer la plate-forme de développement de chaque enfant en difficulté, de libérer ses émotions et ses compétences de base, et d'infléchir ses constructions et   conduites dans la voie d'une meilleure intégration familiale et sociale.

5. Il faut agir dès la vie prénatale car elle met en place les bases de la plate-forme de développement, puis après la naissance et tout au long de l'enfance. Il faut créer des lieux-refuges pour les parents, les familles et les enfants au sein de maisons de la petite enfance sécurisantes et bien organisées, ainsi que des "crèches-écoles enfantines" pour les deux-quatre ans, tout en refondant les crèches, les pouponnières, les haltes-garderies et les écoles maternelles.

Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans, collectif, préface d'Albert Jacquard, Éditions Éres

La pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ! » a recueilli 180 000 signataires. Succès exceptionnel, justifié - il est vrai - par le caractère exceptionnel du rapport de l'INSERM et des conclusions sociales, juridiques et politiques qui en ont été tirées par la majorité gouvernementale et, en particulier, le ministre de l'Intérieur. Cet ouvrage répond à l'expertise de l'INSERM dont il dénonce les graves risques de dérive. En effet, avec cette caution « scientifique », les pratiques de soin, d'éducation et d'accueil des tout-petits peuvent être instrumentalisées à des fins de sécurité et d'ordre public : la détection des enfants «agités » dans les crèches, les écoles maternelles, les consultations médico-sociales - au prétexte d'endiguer leur supposée délinquance future - pourrait transformer ces établissements d'accueil, de soin ou d'éducation en instances de contrainte, de sélection, de tri prématuré des individus. Les auteurs revendiquent l'organisation d'un débat transdisciplinaire qui réintroduise les sciences humaines et la psychanalyse dans la réflexion sur les difficultés de comportements des enfants quelles qu'en soient les causes. Un ensemble d'apports essentiels pour nourrir le débat actuel.

Orgueil et intelligence - Histoire des passions françaises, tome 2,
Théodore Zeldin, Petite bibliothèque Payot

Un livre à relire absolument par les temps qui courent. Une étude sur l'histoire de l'école en France par le meilleur spécialiste (anglais!) de l'histoire des mentalités et des institutions françaises. Une manière de comprendre et relativiser nos débats actuels et, en particulier, de réfléchir sur la portée des discours sur "l'âge d'or de l'école républicaine"...

Un petit extrait pour vous mettre l'eau à la bouche, à propos de la "formation morale" et de "l'éducation civique" à l'école au XIXe siècle : "Il y eut toujours une contradiction fondamentale entre les théories de l'égalité et de fraternité préchées par l'instituteur et l'autoritarisme autocratique qu'il exerçait sur sa classe. On a souligné à juste titre que, bien qu'il dénigrât l'Ancien Régime, il en consituait souvent un parfait exemple. En outre, tout le système disciplinaire de l'école était en contradiction avec ses théories : on échangeait un effort contre des prix et des notes..." (page 261)

 

Triangles rouges à Auschwitz - Le convoi politique du 6 juillet 1942, un ouvrage de Claudine Cardon-Hamet aux éditions Autrement

On connaît le rôle central joué par le camp d'Auschwitz-Birkenau dans l'extermination des juifs d'Europe. On sait moins qu'en 1942, près de mille communistes et syndicalistes français ont péri là-bas. Le livre expose les origines de cette déportation singulière et relate la dramatique aventure de ces hommes, choisis un à un par les autorités allemandes selon le critère de leur appartenance politique et de leurs activités sous l'Occupation, mais qui n'auraient pu être déportés sans la collaboration active du régime de Pétain.

Avant ou après la lecture de ce livre, vous pouvez lire le compte rendu de l'entretien accordé par Claudine Cardon-Hamet et Fernand Devaux (ancien résistant et déporté à Auschwitz) à Philippe Meirieu dans le cadre de la Bibliothèque de l'Education enregistrée le 25 janvier 2006 au centre IUFM de Villeurbanne, en partenariat avec Radio-Lyon 1ère.

 

 

 

Jacques Pain, L'Ecole et ses violences, Editions Anthropos, collection "Education", Paris, 2006, 182 pages, 19 euros

Voilà un livre absolument essentiel à mes yeux... Jacques Pain nous explique d'emblée que "la relation humaine est une relation violente. Il ne s'agit pas de s'en plaindre ou de s'en extasier, il s'agit de savoir qu'à tout moment, à tout heure, et depuis le début de l'humanité, cette relation est ainsi faite, et qu'il faut que l'ensemble des appareils sociaux, la famille, les institutions, la société et donc, en particulier, l'école, qui est un grand "tiers", se consacrent nuit et jour à cette question. Car cette question occupera non plus l'arrière de la scène, où elle était déjà omniprésente, mais le devant de la scène sociale. C'est bien le grand défi des siècles à venir. Comment non pas supprimer la violence, mais la juguler, la métaboliser, au jour le jour, et, en particulier dans la famille, en crèche, à l'école comme dans la rue ? Comment en faire le ciment de relations contenues, pacifiées, autant que faire se peut."

Jacques Pain mène ici une analyse extrêmement approfondie où il articule réflexion conceptuelle, analyse de situations, comparaisons internationales, références littéraires et philosophiques. Sur un multitude de questions (l'incivilité, les agressions physiques, les injures, la gestion de la classe et de l'établissement, etc.), ses propos nous donnent l'intelligence des faits et les clés pour agir. Je retiens, en particulier, le dernier chapitre, "L'école, une prévention primaire", où l'auteur énonce les onze facteurs déterminants pour faire de l'école un lieu où apprendre : "Apprendre à l'école, c'est apprendre l'école, c'est apprendre la société." Ce chapitre devrait être un outil de travail présent dans toutes les formations d'enseignants...

Un roman exceptionnel, d'une formidable densité, qui, dans un style ascétique, avec un langage au scalpel, nous amène au coeur d'un drame ordinaire : une enfant qui ne veut pas apprendre à lire. Ordinaire et extraordinaire à la fois, car ce refus, va se heurter à la détermination d'une institutrice, Mademoiselle Solange, qui veut arracher l'enfant à l'ignorance... car le savoir est obligatoire. Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde ?

 

Avant ou après la lecture de cet ouvrage, vous pouvez lire l'entretien accordé à Philippe Meirieu par Jeanne Bénameur dans le cadre de la Bibliothèque de l'Education réalisée à l'IUFM de Lyon, en partenariat avec Radio-Lyon 1ère.

 

 

L'histoire, de six ans à quinze ans, de Nadia entre famille et école. Entre "celle qui n'est pas ma mère" et l'institutrice. Entre la joie d'apprendre à lire et la peur d'entrer dans le langage. Entre Sylvie Vartan et les bouffées du pays ancien où l'on ne retournera jamais. Une écriture qui assume la lucidité sur l'enfance, éclairée par le regard de l'adulte.

 

Avant ou après la lecture de cet ouvrage, vous pouvez lire quelques extraits de l'entretien accordé à Philippe Meirieu par Brigitte Giraud dans le cadre de la Bibliothèque de l'Education réalisée à l'IUFM de Lyon, en partenariat avec Radio-Lyon 1ère.

Un essai dont la lecture me semble absolument indispensable aujourd'hui. Samir Kassir, universitaire, journaliste et écrivain libanais, est l'un des principaux artisans du formidable mouvement populaire du 14 mars 2005 qui a redonné au peuple libanais l'espoir dans la construction d'un Etat de droit et d'une véritable démocratie. Il fut assassiné quelques jours plus tard dans une voiture piégée. Laïc et arabe, s'assumant comme tel, Samir Kassir analyse ici les évolutions du monde arabo-musulman, ses contradictions, ses difficultés et ses espérances. On y apprend beaucoup et, en particulier, sur les formidables avancées des pays arabes lors de la Nahda ("la Renaissance") et sur les responsabilités actuelles des différents pays du monde, mais aussi les nôtres, dans "le malheur arbe"...

En cliquant ici, quelques extraits de ce livre qui, bien évidemment, ne dispensent pas de sa lecture, tout au contraire.

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