Carte scolaire

La sectorisation scolaire est, par excellence, un « objet politique non identifié ». Elle fut mise en place par Christian Fouchet - un ministre de droite - en 1963 : à l'époque de « l'explosion scolaire », on inaugurait, en France, un collège par jour ouvrable et il fallait éviter la pagaille ! Défendue ensuite vigoureusement par la gauche, elle fut assouplie, pour la première fois, par le moins libéral des ministres socialistes, Jean-Pierre Chevènement ! De quoi y perdre son latin ! Et la confusion continue aujourd'hui...

Que savons-nous sur ce problème ? Que la situation actuelle ne peut perdurer et qu'on ne peut pas, non plus, revenir à la situation d'avant 1963 ! La situation actuelle ne peut perdurer car elle est d'une extraordinaire hypocrisie : chacun sait qu'il y a des établissements qui sont l'objet de toutes les convoitises des parents et des professeurs... tandis que les pauvres sont assignés à résidence dans les autres. Les classes favorisées y trouvent leur compte et agissent habilement dans l'intérêt de leur progéniture, quelles que soient, par ailleurs, leurs opinions politiques. La République, elle, voit ses idéaux d'égalité des chances et de mixité sociale bafoués. Mais on ne peut pas, non plus supprimer la carte scolaire ou laisser aux familles le libre choix entre plusieurs écoles ou collèges publics : inévitablement, les choix se porteraient sur les établissements ayant la meilleure réputation qui se verraient contraints de mettre en place une sélection draconienne. Résultat : des écarts terribles se creuseraient et, à terme, nous aurions inévitablement des examens d'entrée en maternelle !

Que pouvons-nous faire ? Sur l'immense majorité du territoire, il est possible de redécouper les secteurs scolaires pour éviter les ghettos : un découpage dit « en portions de camembert » qui associerait des quartiers du centre et de la périphérie est tout à fait possible. Les assemblées régionales du Conseil économique et social pourraient être chargées de travailler à ce redécoupage, avec pour objectif, d'équilibrer au mieux tous les établissements et d'éviter ainsi les phénomènes de fuite. Resteront quelques zones sinistrées : là, l'État doit intervenir de manière très volontariste. Il faut absolument indexer la dotation de tous les établissements - publics et privés - sur les catégories socioprofessionnelles des familles qui y sont scolarisées. Il faut absolument donner à ceux qui prennent les plus grands risques sociaux des moyens très supérieurs aux autres... Quitte à ce que les autres aient moins !

La question de la carte scolaire est, en effet, celle de la solidarité sociale : voulons-nous laisser fonctionner le vieil adage mortifère « qui se ressemble s'assemble »... ou voulons-nous faire de notre École la préfiguration d'une société où l'on se respecte et s'enrichit de ses différences ?