Etiquetage…

Rien n’est plus significatif que la disparition des génériques à la fin des émissions de télévision. On sait bien pourquoi : pendant les génériques, les téléspectateurs changent de chaîne et sont perdus pour la publicité : moins d’efficacité pour les annonceurs, moins de recettes pour la chaîne. Alors, les réalisateurs trouvent des astuces : le générique défile au bas de l’écran sur les dernières images, il est réduit à quelques noms qui apparaissent fugacement ou passe à une telle vitesse que personne ne peut le lire.

Il faudrait que cette question, qui n’a rien d’anecdotique, soit posée officiellement au Conseil national de l’audiovisuel dont l’existence nous apparaît aujourd’hui un peu fantomatique. Et il faudrait que les citoyens, qui ont réussi à imposer un étiquetage rigoureux des produits alimentaires, exigent la même chose pour les produits audiovisuels… Car ce que nous absorbons avec la télévision peut être aussi nocif – n’en doutons pas – que les aliments que nous achetons en supermarché…

On pourrait ainsi compléter les génériques et les rendre particulièrement passionnants ! D’abord, bien sûr, en indiquant le coût de revient de l’émission, le prix payé par la chaîne qui la diffuse, la marge du producteur, le salaire de l’animateur, les indemnités des intervenants : en effet, rien ne serait plus instructif pour nous que de savoir si tel chanteur ou acteur, qui participe à un talk show ou une émission de variétés, le fait gratuitement, à titre promotionnel, ou est payé pour sa prestation. Une simple liste, en fin d’émission, avec les sommes reçues par chacun serait très instructive… Et puis, il faudrait absolument qu’on nous dise, en particulier pour les plateaux, le rapport entre le temps de tournage et le temps de diffusion : une émission en direct ou coupée de quelques petites minutes ne doit pas être regardée comme une émission pour laquelle on a tourné deux ou trois fois plus que le temps d’antenne.

Enfin, on peut imaginer une multitude d’autres indications et souhaiter, par exemple, qu’on nous signale, les « correcteurs d’acidité » : interventions plus ou moins officielles pour « équilibrer le plateau » et éviter que le débat n’aborde des sujets trop sensibles… Mais aussi les « émulsifiants » - applaudissements enregistrés et jolies filles bien placées dans le cadre -, les « exhausteurs de goût » - vulgarités inutiles mais bien senties -, les « gélifiants » - interventions institutionnelles obligées et déférence aux grands clercs de l’audiovisuel -, les « anti-oxygène » - coupes permanentes et montages saccadés pour vous empêcher de respirer… On pourrait même exiger l’indication de la valeur nutritionnelle (intellectuelle s’entend !) et - cela va de soi - la date limite de consommation. Mais là, on risque d’avoir des produits périmés avant même qu’ils arrivent sur le marché…