Où   sont les quadras ?

Si l'on excepte quelques jeunes hommes politiques ambitieux et quelques vedettes du show-biz , il faut bien reconnaître que la France vieillit. Les Français qui occupent des responsabilités, tant au plus haut niveau de l'État que dans les petites associations de quartier, sont, pour l'immense majorité, des hommes et des femmes qui étaient déjà aux affaires il y a quinze ou vingt ans. Ils occupent, aujourd'hui, la même place qu'ils occupaient alors et, s'ils y demeurent, c'est souvent parce qu'il n'y a personne derrière eux, avec quinze ou vingt ans de moins, qui souhaite - ou, simplement, accepte - de prendre leur place...

Certes, il ne faut pas céder à la déferlante du jeunisme et nous devons nous garder de bouter les vieux dehors au nom d'un culte absurde de la nouveauté à tout prix : on se priverait alors de l'expérience précieuse des anciens, on perdrait la possibilité d'organiser une véritable transmission et, au bout du compte, les jeunes eux-mêmes, orphelins trop tôt, sans testament ni héritage, s'en trouveraient les premières victimes... Mais on peut s'inquiéter : où sont les penseurs de quarante ans qui pourraient, enfin, prendre la relève des anciens « nouveaux philosophes » qui ont une fâcheuse tendance à se prendre pour les « derniers philosophes » ? Où sont les grands chercheurs capables de renouveler les perspectives, que ce soit dans les sciences humaines ou dans les sciences « dures » ? Les mêmes « grands patrons » sont toujours là : ils verrouillent les recrutements, contrôlent les publications, surveillent étroitement les « jeunes » qui auraient quelques velléités de prendre leur place. Et il en est de même pour les experts de toutes sortes : regardez la télévision, écoutez la radio... et vous verrez toujours les mêmes têtes : les sexagénaires sont partout ! Plus grave encore, sans doute : le tissu associatif, faute de relève, s'essouffle. Les conseils d'administration vieillissent, les présidents sont, presque toujours, des retraités...ce qui pourrait être une bonne chose si, derrière eux, de vaillants quinquagénaires étaient prêts à offrir leur service. Mais c'est rarement le cas.

Alors, il faut se rendre à l'évidence : la génération du baby boom , devenue aujourd'hui le papy boom , n'a pas préparé sa succession : elle s'est cru immortelle, ne s'est pas vu vieillir et continue de trôner dans sa propre suffisance. Ses enfants ne semblent guère entrevoir la possibilité de s'engager pour prendre les rênes : un monde trop compliqué, des pères trop encombrants qui ont tout dit et tout fait, une société qui les décourage systématiquement en les faisant camper trop longtemps dans la salle d'attente. Il est peut-être encore temps de réagir : que ceux qui détiennent aujourd'hui l'autorité l'exercent enfin vraiment : qu'ils autorisent les quadras à prendre leur place à leurs côtés !