ZEP : Les nouveaux hussards

Ainsi donc, voilà qu'un des hommes politiques français les plus en vue propose de « déposer le bilan des Zones d'éducation prioritaires ». Créé en 1981 par Alain Savary, ce dispositif prévoyait, en matière scolaire, de « donner plus à ceux qui ont moins » : un peu plus de moyens financiers aux écoles et aux établissements des quartiers « difficiles », une petite prime pour les enseignants, quelques possibilités de soutien supplémentaire pour les élèves, un soutien plus affirmé en matière d'encadrement et de formation. Bref, rien de plus que ce que doit la République aux plus fragiles, aux plus démunis, à ceux et celles qui n'ont pas eu la chance de trouver leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau.

Après une période d'enthousiasme, il est vrai que les ZEP ont un peu vieilli : elles n'ont pas suffisamment pris en compte les évolutions urbaines et les nouvelles inégalités sociologiques et économiques qui sont apparues depuis quelques années. Les équipes se sont parfois usées : dans les meilleurs des cas en réalisant, dans l'adversité, de fantastiques projets pédagogiques ; dans les pires des cas, en s'épuisant à surmonter les obstacles techniques d'une hiérarchie soupçonneuse. Dans beaucoup d'écoles et d'établissements, il reste encore quelques « saints laïcs » qui tiennent envers et contre tout, quand la plupart des services publics ont déserté le terrain. Mais, les jeunes professeurs, dans leur majorité, rechignent à aller enseigner en ZEP et les nouveaux titulaires qui y sont affectés s'empressent bien souvent, dès leur arrivée, de demander leur mutation. Il arrive même que, dans certains collèges, le turn-over des éducateurs soit si important que les élèves de troisième sont les plus anciens dans l'établissement !

De toute évidence, les ZEP ont besoin d'un nouveau souffle et, à moins d'imaginer, que l'on puisse, en quelques mois, tout à la fois, résorber le problème du chômage et « disperser les banlieues à la campagne »... les supprimer reviendrait à supprimer les allocations familiales, le RMI et les bourses en même temps !

En revanche - et tout à l'opposé - la République s'honorerait de faire des ZEP une véritable priorité : quand nous avons eu besoin de former une élite pour nos « grandes écoles », nous n'avons pas hésité à décharger très fortement des enseignants pour qu'ils enseignent en classes préparatoires, dans les grands lycées, et à les indemniser de manière significative. Pourquoi n'aurions-nous pas le courage de faire de même pour ceux qui sont aujourd'hui aux avant-postes, de ceux sur qui repose le lien social et l'intégration de la partie la plus inquiète et la plus inquiétante de notre jeunesse ? Une société vaut ce que vaut son maillon le plus faible. Notre École ne nous sauvera que si nous faisons, enfin, des ZEP, des « zones d'excellence pédagogique ».